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S’il est un moyen d’éviter les fautes en travaillant hardiment, c’est de se rendre compte d’avance, par une esquisse arrêtée, de l’ordonnance, des formes, de l’effet & de la couleur. Mais ce moyen devient insuffisant, si l’on n’a pas l’aisance & la pratique du faire.

Tout cet article peut se réduire à un vers de la Fontaine :

Travaillez, prenez de la peine.

C’est en prenant de la peine qu’on acquiert la facilité, & c’est la facilité qui donne la hardiesse. (Article de M. Levesque.)

HARMONIE. (subst. fem.). L’harmonie, selon les Grecs, étoit fille de Mars & de Vénus : charmante allégorie, qui, mariant ensemble la force & la beauté, leur fait produire l’ordre, dirigé vers le plaisir & la félicité des êtres sensibles ; ordre qui, sans doute, est nécessaire à la satisfaction des dieux, comme aux bonheur des hommes.

Examinons l’harmonie dans l’art dont traite cet ouvrage, d’après l’idée allégorique des anciens, en laissant nos lecteurs en faire une application plus vaste à tout ce qui, parmi les hommes, est susceptible de force & de beauté.

Le mot harmonie s’applique dans la peinture à la couleur, au clair-obscur, enfin à l’ensemble d’une composition. On dit, ce peintre a une couleur harmonieuse ; la connoissance qu’il a du clair-obscur donne beaucoup d’harmonie à ja couleur ; enfin, il y a une harmonie charmante dans le tout ensemble de cet ouvrage.

Si nous suivons le sens étymologique dans ces différentes acceptions, nous dirons que l’harmonie de la couleur consiste dans la force du coloris, qui dans chaque objet représenté, en fait approcher, autant qu’il est possible, l’imitation au degré des objets imités, & dont la beauté vient du choix de ces objets & du soin que le peintre doit prendre de ne pas salir ses teintes, en les accordant pour les rendre harmonieuses.

Le mot harmonie appliqué au clair-obscur, suppose de même que l’artiste, ayant bien étudié les effets innombrables de la lumière, a choisi dans une composition ceux qui, produisant les plus grands effets, doivent y répandre un charme qui attache les regards.

Enfin, dans le tout ensemble, le mot harmonie suppose que la disposition de toutes les parties est telle qu’elle concourt à l’énergie que comporte le sujet, par conséquent à la sorte de beauté qu’il doit produire.

L’ordre, comme on le voit, est indispensablement lié à ces idées ; car si, dans la couleur, on n’étoit occupé que de la force & de la beauté des teintes, le tableau point avec


ces dispositions, pourroit sort bien n’être pas harmonieux & n’être pas même d’accord. Le clair-obscur soumis, comme je l’ai dit, aux loix des deux sciences exactes, la perspective & les règles d’incidence & de reflexion des rayons de la lumière, établit plus nécessairement cet ordre indispensable pour l’harmonie de la couleur. Ce qui fait qu’il n’est guère possible de concevoir l’harmonie de la couleur, sans supposer l’harmonie du clair-obscur. Cependant la pratique apprend aux artistes que certaines couleurs par elles-mêmes & relativement les unes aux autres, semblent se prêtet plus facilement à l’harmonie que d’autres.

Il en résulte que la plus parfaite harmonie de la couleur, celle qui satisfait davantage les regards, consiste non-seulement dans la succession des teintes modifiées selon l’ordre de la lumière & des ombres, mais encore dans un choix de couleurs dont une infinité d’objets laissent la disposition au peintre.

L’harmonie du coloris & celle du clair-obscur sont principalement jugées & senties par l’organe de la vue. Si elles influent sur l’esprit & sur l’ame, c’est par le repos satisfaisant dans lequel elle laissent le regard, repos qui laisse à l’esprit & à l’ame plus de facilité pour être affectés & touchés.

On peut encore pousser plus loin les droits des harmonies dont j’ai parlé, en considérant que l’harmonie du coloris & du clair-obscur peuvent acquérir, par les soins & l’habileté de l’artiste, quelque différence de caractère, & que ces différences bien assorties aux sujets, doivent, par l’impression qu’en reçoit la vue, préparer l’ame à des affections relatives à ces sujets, les faire durer & les fortifier.

Une harmonie claire, aimable, & en quelque façon riante, ajoute aux charmes d’un sujet agréable ; une harmonie plus sombre peut convenir à des sujets tristes, & il peut y avoir pour les artistes de génie quelques nuances intermédiaires entre les points principaux que j’ai désignés.

On peut objecter que, dans la nature, une scène infiniment touchante, pathétique, déchirante, se passe souvent dans un lieu, ou se trouve éclairée par un jour qui n’a nul rapport avec le caractère de l’événement, & cependant elle n’en cause pas moins toutes les impressions qui lui appartiennent. Il résulteroit de cette observation que l’expression devroit absolument l’emporter sur toutes les autres parties de la peinture ; mais on ne refléchit pas, en appuyant trop exclusivement sur cette préférence, que dans les evénemens que nous offre la nature ; on compte pour rien la nécessité où elle est d’être sans cesse soumise aux loix & aux effets de la lumière qui produit l’harmonie, & au juste ensemble des corps qui pro-