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duisent les mouvemens. Ce qui reste imprimé seulement dans le souvenir, sont les mouvemens caractérisés des actions qui attirent, qui fixent l’attention, & les expressions qui agissent sur l’ame. Lors donc qu’on avance que préférablement à tout, c’est l’expression qui est la partie vraiment intéressante de la peinture, on ne développé pas assez la pensée qui suppose les autres parties nécessaires, comme des perfections qui, pour parler ainsi, vont sans dire ; mais s’il en est ainsi dans le méchanisme de la nature, il n’en est pas de même dans la pratique du peintre, & il ne sauroit regarder, vû les connoissances qu’il faut acquérir & les difficultés qu’il faut surmonter, l’harmonie, la correction, la couleur comme des objets qu’il ne faut pas compter.

Le sens physique de la vue étant celui qui transmet a l’ame spirituelle les impressions qu’elle préfere à tout, doit lui même être satisfait ; ainsi un peintre qui a un grand mérite dans l’expression & qui en auroit un trop foible dans le coloris, dans la correction & dans l’harmonie, seroit un artiste très-imparfait, quoique pussent alléguer en sa faveur les hommes d’un esprit fin & sensible, qui, devinant ses intentions, lui pardonneroient en leur faveur d’avoir manqué à ce que l’art exige.

Je ne m’étendrai pas davantage sur cette discussion, qui demanderoit d’être traitée particulièrement, aujourd’hui sur-tout qu’on semble, d’après la tournure de l’esprit répandu plus généralement, exiger cette partie intéressante, dont tout le monde est effectivement jaloux avec trop de préférence sur les autres parties constitutives de l’art, parce qu’il n’y a guère à la vérité que les seuls artistes qui puissent en juger avec entière connoissance de cause.

Pour vous jeunes artistes, à qui il n’appartient pas encore de discuter les questions délicates de votre art, ayez foi à ceux qui en sont bien instruits, à vos maîtres, & ils vous répéteront sans cesse : apprenez à dessiner correctement, à peindre avec vérité, à donner l’harmonie nécessaire à vos tableaux, & joignez-y l’expression dont votre ame ou votre génie est susceptible ; si vous remplissiez parfaitement toutes ces conditions, vous seriez le premier des peintres ; si vous acquerez les premieres à un dégré raisonnable, vous serez peintre ; & si à cette dose moyenne, vous joignez ce qui touche, vous atteindrez une harmonie du tout ensemble qui satisfera assez pour vous placer dans un rang distingué parmi ceux qui pratiquent & qui ont exercé votre art. (Article de M. Watelet.)

Le mot Harmonie nous vient des Grecs, peuple si sensible à la qualité qu’il exprime, & qui dut à cette sensibilité la langue la plus harmonieuse. On trouve l’origine de ce mot dans


les verbes αρω, αρμοζω, j’adapte, j’unis, je rends convenable, & dans le substantif αρμος, articulation, jointure. Il répond donc en musique & en peinture au mot accord ; car plusieurs choses qui peuvent s’adapter, se joindre, se convenir, doivent nécessairement être d’accord entr’elles : voyez l’article Accord. Toutes les parties da la peinture ont leur harmonie.

Si les diverses parties de l’ordonnance sont convenables au sujet & s’accordent entr’elles à en pénétrer plus profondément l’ame du spectateur, il y aura harmonie de composition : voyez l’article Composition.

Si toutes tes parties de la composition tendent à rendre plus sensible ce qu’elle doit exprimer, si toutes les parties d’une même figure s’accordent avec le sentiment intérieur dont l’artiste suppose qu’elle est affectée, il y aura harmonie d’expression. Voyez l’article Expression.

Si dans las variétés du faire, on reconnoît qu’il est le produit d’une seule main, d’une seule intelligence, il y aura harmonie d’exécution. Voyez l’article Fait.

Si les formes de chaque figure s’accordent mutuellement entr’elles ; si toutes indiquent le même âge, le même tempérament ; le même embonpoint, la même maigreur, si toutes sont également quarrées ou arrondies, musclées, ou coulantes, il y aura harmonie de dessin. Voyez l’article Correspondance. Ces différentes sortes d’harmonies conviennent également à la peinture & à la sculpture.

Si l’ombre & la lumière ne contrastent pas durement entr’elles, si des demi-teintes bien graduées conduisent artistement du clair à l’obscur, il y aura harmonie de clair-obscur.

Enfin, si l’artiste a soin de n’avoisiner que des couleurs amies ; si chacune de ses teintes participe toujours de celle qui la précède & qui la suit, il y aura harmonie de tons & de couleur.

C’est tout ce que nous nous permettrons de dire sur cette partie capitale de l’art. Dans ce que nous pourrions ajouter, nous craindrions d’inspirer peu de confiance aux lecteurs, & nous laisserons parler des maîtres.

Il ne sera question ici que des deux dernières sortes d’harmonies ; nous avons suffisamment traité des autres dans les articles auxquels nous venons de renvoyer.

Mengs, nous paroît avoir bien défini l’harmonie, en la regardant comme l’art de trouver un terme moyen entre deux extrêmes.

Il regarde le Corrège comme le grand maître de l’harmonie, « Ce peintre plaça, dit-il, un espace entre chaque partie, tant des jours & des ombres que des tons & des couleurs. Il remarqua mieux qu’aucun autre, qu’après une certaine tension, les yeux ont


besoin