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Pourroient-ils, manquant de lumières, apprécier autrement la valeur vraiment libérale des ouvrages des Arts ? Et ce sont cependant ces juges qui parviennent à former ce qu’on appelle l’opinion publique & les arrêts du goût.

Ajoutons que le commerce des ouvrages de l’Art, devenu plus actif & plus raffiné, ne contribue pas moins aux erreurs qui s’établissent dans le jugement de ces ouvrages, que les marchands des objets mécaniques recherchés parle luxe, n’influent sur les extravagances des modes.

Par toutes ces raisons, les Artistes sont enfin obligés de céder à la volonté plus forte de ceux qui les dominent par le besoin qu’ils en ont. L’Art doit s’affoblir, en paroissant même gagner quelque chose dans des parties autrefois plus négligées.

Quel remède à ce mal ? il n’est peut-être que des pailliatifs. La destinée des connoissances, est de se perdre par degrés, comme elles le sont acquises, & par les mêmes causes qui les ont portées à leur perfection. C’est ainsi que les principes de la vie nous conduisent enfin à la perdre. On peut cependant penser qu’ainsi que le régime & le secours de la raison soutiennent & prolongent l’existence, de même la sagesse des administrations, l’influence dominante des Princes & des Grands, peuvent retarder la décadence des Arts, parce qu’eux seuls peuvent combattre avec avantage la sorte d’empire que s’arroge l’ignorante opulence.

C’étoit les Etats, les Villes, les Princes qui se disputoient les ouvrages des premiers genres dans la Grèce ; c’étoit eux qui soutenoient les Artistes, qui destinoient leurs travaux à faire partie des monumens qui ont porté jusqu’à nous la gloire de cette nation privilégiée. Voilà les exemples ; il ne s’agit que de les suivre, & j’ose répondre du succès. (Article de M. Watelet.)

HISTORIÉ (adj.) Portrait historié ; on employe cette expression, pour signifier la représentation d’une ou de plusieurs personnes que le Peintre travestit, à l’aide d’un costume emprunté de l’Histoire ou de la Fable, ou bien qu’il peint occupées à quelque action qui leur donne de l’intérêt ou du mouvement.

Une jeune beauté peinte avec les attributs de Flore, d’Hébé, d’une Vestale, est un portrait historié. Un Père de famille, représenté instruisant les enfans dont il est entouré, tandis que sa femme paroît, dans ce même tableau, jouir avec délice de ce spectacle doublement intéressant pour son cœur, est de même un assemblage de portraits historiés.

Rien n’est plus ordinaire dans ceux qui se font peindre, que le desir de voir historiés, leurs


portraits. Rien de plus nécessaire que la réussite, & de plus ridicule, lorsque l’Artiste ne réussit pas.

Les portraits indispensablement historiés parmi nous, sont ceux qui ont rapport à des évènemens publics, & à des fonctions ou cérémonies, dans lesquelles on représente des Princes, des Grands, des Magistrats, enfin des Officiers municipaux.

Les portraits des Princes & des Grands, sont plus sujets à être historiés que d’autres. La Peinture accumule, par flatterie, ou d’après les desirs de l’orgueil, des allégories froides, un costume que l’on peut appeller ambitieux, enfin les actions & les expressions souvent les plus exagérées. C’est bien pis encore, quand elle joint des modes modernes, capricieuses, ridicules, aux idées qu’elle emprunte de l’ancienne mythologie, comme quand elle a mis la tête de Louis XIV, coëffée d’une énorme perruque, sur le corps d’Apollon.

Dans les portraits historiés qui représentent, par exemple, des corps de Magistrature, & sur-tout des corps municipaux, le plus souvent la vanité bourgeoise contraint l’Artiste à sacrifier les intérêts de l’Art au desir qu’a chacun des individus, de figurer dans le tableau, au moins autant que dans la cérémonie ; aussi ne manquent-ils pas d’exiger qu’on les voye le plus complettement qu’il est possible, de face, sans ombre sur-tout, & sans qu’aucune expression dérange ou leur coëffure, ou leur habillement, ou la sérénité riante d’une physionomie qui se complait à être représentée.

Il en résulte ordinairement, ou par les bornes du talent de l’Artiste, ou par son obéissance forcée, que ces tableaux destinés à consacrer un évènement, & à inspirer à son occasion quelque idée de respect, inspire la dérision.

Il en est de même encore d’une grande partie des portraits historiés, que les particuliers dictent aux Artistes : comme ce sont les prétentions & la vanité qui les composent, elles rendent d’autant plus ridicules ces compositions, qu’elles y mettent plus de recherches, & ces portraits enfin ne sont jamais plus bêtes, que lorsqu’on a voulu y mettre plus d’esprit.

Une des rairons principales du mauvais effet que produisent les affectations représentées par la Peinture, c’est que toutes ces choses, dans la nature, ne s’offrent au moins que passagèrement, au lieu que dans les tableaux, elles se trouvent consignées, comme à perpétuité ; qu’elles s’y présentent sans cesse aux regards, de manière qu’il n’est guère possible qu’on n’en soit choqué tôt ou tard, & qu’alors on ne s’en moque habituellement.

Au reste, la sculpture semble, à cet égard, manifester encore davantage le ridicule des portraits historiés, parce que les statues représentent