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Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/609

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se croit assez habile pour réparer ses fautes par des beautés supérieures. Un orgueil aussi hautement déclaré, ne dispose pas le spectateur à l’indulgence. (L.)

LIGNE (subst. fém.) Ce mot n’appartient à l’art, qu’autant Que l’art emprunte le secours de la Géométrie.

La Ligne qui termine un objet, se nomme trait, contour. On dit, dans le langage de l’art, trait de plume, de crayon, de pinceau, touche, hachure, et non pas ligne.

LIGNE d’Appelles. Pline rapporte que ce Peintre, quelqu’occupé qu’il pût être d’ailleurs, ne passoit aucun jour sans tirer quelque ligne : Fuit alioquin perpetua consuetudo numquam tam occupatam diem agendi, ut non, lineam ducendo, exerceret artem. Winckelmann croit que ce passage ne signifie pas qu’il ne laissoit passer aucun jour sans peindre ; mais que chaque jour il étudioit son art, en dessinant d’après nature, ou d’après les grands maîtres qui l’avoient précédé : mais ce n’est point de cela qu’il s’agit dans cet article.

Nous voulons parler de la manière dont, suivant Pline, Appelles fit connoître sa visite à Protogènes voici le passage littéralement traduit par M. Falconet.

« On sait ce qui se passa entre lui (Apelles) & Protogènes. Celui-ci demeuroit Rhodes ; Apelles y étant abordé, avide de connoître, par ses ouvrages, un homme qu’il ne connoissoit que par sa réputation, alla d’abord à son attelier. Protogènes étoit absent ; mais une vieille gardoit seule un fort grand panneau, disposé sur le chevalet, pour être peint. Elle lui dit que Protogenes étoit sorti, & lui demanda son nom. Le voici, dit Apelles, & prenant un pinceau, il conduisit avec de la couleur, sur le champ du tableau, une ligne d’une extrême ténuité. (arreptoque penicillo, lineam ex colore duxit summœ tenuitatis per tabulam.) Protogenes de retour, la vieille lui dit ce qui s’étoit passé. On rapporte que l’Artisle, ayant d’abord observé la subtilité du trait, dit que c’étoit Apelles qui étoit venu ; que nul autre n’étoit capable de rien faire d’aussi parfait ; & que lui-même en conduisit un encore plus délie, avec une autre couleur : (ipsumque alio colore tenuiorem lineam in illa ipsa duxisse), & dit à la vieille que, si cet homme revenoit, elle lui fit voir cette ligne, en ajoutant que c’étoit là celui qu’il cherchoit. La chose arriva : Apelles revint, & honteux de se voir surpassé ; il refendit les deux lignes avec une troisieme couleur, ne laissant plus rien à faire à la subtilité. (vinci erubescens, tertio colore lineas secuit, nullum relinquens amplius subtilitati locum). Protogenes s’a-


vouant vaincu, courut en diligence au port chercher son hûte. Or a jugé à propos de conserver à la postérité cette planche qui fit l’admiration de tout le monde, mais particulièrement des artistes. Il est certain qu’elle fut consumée dans le dernier incendie du palais de César, au Mont Palatin. Je l’avois auparavant considérée avec avidité, quoiqu’elle ne contînt, dans sa plus spacieusé largeur, que des lignes qui échappoient à la vue, & qu’elle parût comme vuide au milieu d’excellens ouvrages d’un grand nombre d’artistes.(Nihil aliud continentem quam lineas visum effugientes, inter egregia multorum opera inani similem). »

Pline a vu lui-même le tableau ou plutôt le panneau. Le fait s’étoit conservé avec l’ouvrage, dont il pouvoit seul fournir l’explication, & s’étoit transmis d’âge en âge : ce seroit une critique téméraire que de vouloir le révoquer en doute aujourd’hui.

Il peut d’abord sembler frivole, & il est en effet précieux, puisqu’il nous éclaire sur l’histoire de l’art au temps d’Appelles. On voit que sa dispute avec Protogenes n’étoit qu’un combat d’adresse : c’étoit un défi à qui traceroit le trait le plus subtil, & celui qui fit un trait assez fin pour qu’il fût impossible de le refendre, fut déclaré vainqueur. Les deux rivaux s’admirèrent mutuellement, & se reconnurent mutuellement pour de grands maîtres, sans avoir d’autre base de leur jugement que l’extrême finesse de pinceau qu’ils possédoient tous deux, & que tous deux regardoient sans doute, comme une partie très-importante de l’art.

Que devons-nous inférer de ce fait ? Que du temps d’Apelles & de Protogenes, on faisoit autant de cas de la finesse du pinceau, qu’on en estime aujourd’hui la largeur ; que les peintres de cet âge, qui possédoient sans doute les grandes parties de l’art, qui leur étoient communes avec les sculpteurs, étoient secs, durs & mesquins dans la partie, du métier, & qu’enfin leur manœuvre devoit avoir beaucoup de rapport avec celle de nos peintres gothiques. C’étoit avec le pinceau le plus fin, c’étoit avec les traits les plus subtils, qu’ils rendoient certaines parties que, depuis la perfection du métier, on exprime bien mieux par masses ou par touches. Aussi ne trouve-t-on dans Pline aucune expression qui réponde à celle qu’employent les Historiens de l’art moderne en Italie, lorsqu’ils appellent une barbe bien peinte una bella macchia, (une belle tache). Jamais dans Pline, on ne trouve aucun terme qui réponde à celui de largeur de pinceau, de faire large, de large exécution ; & lorsqu’il loue des Peintres pour avoir bien rendu les cheveux & les polis, je ne serois pas éloigné de croire qu’il entend que ces peintres rendoient toute la finesse des chevoux, & que, d’un pinceau subtil, ils en