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gre ; c’est le contraire du large, du moëlleux, du nourri ; c’est ce qui produit un ouvrage sec. Si l’on voit grandement la nature, on n’en sera point une représentation maigre ; on la représentera largement, comme elle se montre elle-même. Nous avons parlé des figures maigres, sous le mot grêle.

Dans l’enfance de l’art, on a été maigre dans toutes les parties ; on l’a été dans tous les sens où ce mot pui ;sse se prendre. On tâtonnoit encore la nature, parce qu’on n’avoit pas appris à la connoître ; on ne la voyoit qu’en détail, au lieu de la voir dans ses masses ; on n’osoit rien faire largement, parce qu’on n’avoit pas encore assez opéré pour contracter une heureuse hardiesse. La timidité de l’inexpérience conduisoit nécessairement à la maigreur.

La maigreur est par tout un défaut, même dans les ouvrages en petit : mais c’est une vertu d’y montrer à propos un crayon fin, un pinceau fin, une touche fine, en prenant même la finesse dans le sens physique. (L.).

MAIN, (subst. fém.) Ce mot est du langage des arts dans les phrases suivantes : ce tableau est de bonne main : On reconnoît dans cette touche la main d’un grand maître. Les tableaux de chevalet qui portent le nom de Raphaël, sont rarement de sa main ; ils ont été peints d’après ses dessins par d’habiles élèves. Il s’en faut bien que l’art ne consiste tout entier dans le travail de la main. C’est l’habitude qui apprend à distinguer la main des maîtres. L’adresse de la main n’est pas une partie méprisable du métier. De grandes beautés de l’art peuvent être dégradées par la timidité de la main. Dufresnois avoit une grande théorie, mais la main lui manquoit, parce qu’il avoit moins exercé l’art qu’il ne l’avoit contemplé. Les conceptions les plus ingénieuses sont peu de chose dans les arts sans la pratique de la main, & la science de la nature.

La Hollande a produit un artiste qui peignit réellement avec la main. Cornille Ketel, après avoir peint pendant vingt ans, comme les autres, avec la brosse, s’avisa de quitter cet instrument de l’art, & de se servir de ses doigts au lieu de pinceaux. Pour n’avoir pas de témoins de ses premiers essais en cette manière, il commença par son portrait, & réussit. Ne trouvant pas encore ce tour de force assez singulier, il se mit à employer les doigts de sa main gauche, comme ceux de la droite, & en vint même jusqu’à peindre avec les orteils. On rapporte ce trait, moins pour le faire admirer, que comme une bizarrerie qui ne mérite pas de trouver d’imitateurs. En effet, comme le remarque M. Descamps, peintre lui-même : « dès qu’on peut mieux peindre avec le pinceau qu’avec les pieds & les mains, pourquoi abandonner un usage plus sûr & plus facile ? Le but d’un Artiste étant de faire le mieux possible, on doit préférer la manière de bien faire facilement, à celle de mal faire difficilement. »

Cependant il paroît que Ketel ne fit pas mal ; mais n’auroit-il pas mieux fait par le procédé ordinaire ?

Il disoit une chose juste ; c’est que tout sert d’instrument quand on a le génie. Il ajoutoit que c’étoit pour le prouver qu’il avoit quitté le pinceau ; & en cela il avoit tort ; car il auroit dû reconnoître que les instrumens aident aux opérations du génie.

La main, prise dans le sens ordinaire, est du nombre de ce que les artistes appellent extrémités, parties qui exigent le plus d’étude, & qui doivent être traitées avec le plus de soin. (Article de M. Levesque.)

MAITRE, (subst. masc.). Ce mot, dans la langue des arts libéraux, a souvent la même signification que dans celle des arts mécaniques : on entend par maître, l’artiste qui donne aux jeunes gens des leçons de son art, & l’on dit en ce sens : MM. David & Vincent ont eu M. Vien pour maître.

Maître signifie aussi un artiste assez distingué par ses talens, pour que ses ouvrages puissent servir de modéles aux élèves & même aux professeurs de l’art. Quand on emploie ce mot dans cette acception, on y joint souvent l’adjectif grand : On dit les ouvrages des grands maîtres ; ce tableau est d’un grand maître. Les travaux qu’ont laissés les grands maîtres, sont de belles leçons pour la postérité.

Souvent le jeune artiste n’est pas libre de se se choisir un maître ; ce choix est fait par ses parens, ou dépend des circonstances. Il peut d’ailleurs ne se trouver aucun maître habile dans le pays où il vit, dans le siècle où il est né : mais il a en effet autant de maîtres qu’il a vécu avant lui, ou loin de sa résidence, de grands artistes dont il puisse étudier les ouvrages. Les statuaires de l’ancienne Grèce, séparés de lui par une période de deux mille années, sont des maîtres qui lui prodiguent encore aujourd’hui les plus savantes leçons. Leurs écoles sont toujours gratuitement ouvertes, & l’on y puise des principes toujours sûrs, tandis que, dans bien d’autres écoles, on vend chèrement des leçons qui ne peuvent qu’égarer.

C’est après avoir eu sous les yeux les ouvrages des grands maîtres, & s’en être assiduement nourri, qu’on peut produire quelque chose qui leur ressemble ; c’est après avoir formé nos yeux par leur manière de voir, & avoir fait contracter à notre esprit l’habitude de former des pensées nobles & grandes comme les leurs, que nous serons capables de reconnoître, & de choisir ce qu’il y a de grand & de beau dans la nature.


Pour