Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/625

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certaines expressions favorites. Voilà ce qu’on entend, dans le langage de l’art, par les mots manièré & manière.

I1 vous est plus aisé, jeunes artistes, qu’à d’autres, d’être convaincus que la nature est infinie dans ses modifications & que nous sommes bornés dans notre industrie & dans notre intelligence. De plus, nous recevons tous en naissant des penchans. Si les vôtres vous portent à l’affectation, & qu’on vous reproche d’être manièrés dans votre talent, de grace, considérez le ridicule de ceux qui le sont dans leurs discours, dans leurs écrits & dans leur maintien. Observez par comparaison les beautés simples des ouvrages qu’on regarde comme parfaits, la simplicité des discours des hommes véritablement éloquens, le naturel de ceux qui agissent, parlent, marchent, se tiennent, sans que l’art ou l’artifice influent sur leur ame, sur leur esprit, ou sur leur manière d’être : & il sera bien difficile que vous ne fassiez pas les plus grands efforts pour vous rapprocher au moins de ceux-ci par imitation & pour ne plus ressembler aux autres.

Quant à la manière, dans le sens le plus établi de ce mot, il est impossible, si vous peignez beaucoup, que vous n’en contractiez pas une ; mais la meilleure est celle qui caractérise les grands maîtres de l’art, & dans laquelle certaines perfections dominent tellement, que c’est à cette marque qu’on les reconnoît plus sûrement. Les belles têtes de Raphaël, ses admirables dispositions, cette correction élégante, cette force & ce vrai dans la couleur du Titien, cette abondance du Véronèse, ces grâces du Correge & du Guide, voilà des manières auxquelles on sera satisfait de vous reconnoître & qu’on ne peut prendre en mauvaise part ; mais l’afféterie, le coloris gris, jaunâtre, rouge ou noir, les uniformités de têtes, de grouppes, l’habitude de certains contrastes & des repoussoirs ; voilà des manières trop communes pour qu’il soit glorieux de les avoir acquises. Elles servent plus aisément que les premières dont j’ai parlé, aux brocanteurs qui tirent bien plus facilement parti à cet égard des défauts que des beautés ; aussi, lorsqu’ils dévoilent le secret de leurs connoissances, le plus souvent c’est en démontrant vos imperfections. (Article de M.Watelet.)).

MANŒUVRE, (subst. fém.) elle renferme la manière de faire les teintes, celle d’empâter les couleurs, le maniement du pinceau, & le style de la touche. Ces détails constituent l’essentiel du métier de la peinture, mais les qualités qui constituent l’essentiel de l’art, sont toutes spirituelles. La belle manœuvre de pinceau consiste à peindre à pleine couleur, portant toujours teinte sur teinte, noyant les tournans dans les fonds, & conduisant le pinceau du sens de l’objet qu’on veut rendre.

On a vu des artistes chercher à se distinguer par une manœuvre bisarre : Tel fut Ketel, dont nous avons parlé à l’article main. Tel fut aussi Gelder, élève de Rembrandt. Tantôt il plaçoit la couleur sur la toile avec le pouce, tantôt avec le couteau de palette ; d’autre fois, il se servoit de l’ente de son pinceau, & faisoit, avec cet instrument, des effets singuliers. On voit de lui des franges & des broderies qui sont presque de reliefs. Avec beaucoup d’intelligence, on peut réussir par des moyens bizarres ; mais c’est la singularité du talent, & non celle des procédés qui distingue vraiment le grand artiste.

MAQUETTE, (subst. fém.). C’EST en sculpture non léger Modèle ou rien n’est arrêté, et n’offre Qui that the première pensée de l’artiste. Quelquefois Elle Est Faite en cire, MAIS, plus ordinairement en terre. Les maquettes are, verser les sculpteurs, that are, verser les peintres, des esquisses heurtées.

MARCHE, (subst. fém.). On dit la marche du crayòn, du pinceau. La marche du pinceau doit suivre le mouvement des muscles dans le dessin du nud, & le sens des plis dans la peinture des draperies. Une marche savante caractérise le pinceau des grands maîtres. Cependant quelques peintres habiles n’ont tendu qu’à l’effet, sans donner à leur pinceau une marche décidée : quelquefois une marche artistement indécise, contribue à produire le ragoût ; mais il est toujours plus sûr de suivre une marche qui n’est conforme aux règles de l’art, que parce qu’elle est indiquée par la nature. Une marche libertine peut plaire, une marche savamment réglée instruit.

MARINE, (subst. fém.). Ce mot se dit du spectacle de la mer, comme paysage se dit du spectacle la campagne. La vue de la mer, de ses calmes, de ses bourasques, de ses tempêtes, des dangers & des naufrages dont elle est le théâtre, offre des objets d’étude assez variés, assez vastes pour occuper un artiste tout entier, sans lui permettre de partager son temps à d’autres genres. Les peintres qui se livrent à cette partie, se nomment peintres de marines. L’Italie, la Hollande ont produit en ce genre d’habiles artistes, à qui, de nos jours, un François a disputé la palme. Nous ferions suspects si nous voulions apprécier ici le mérite d’un de nos concitoyens que nous avons le bonheur de posséder encore : il suffira de dire que ses tableaux sont recherchés même par les Italiens, qu’on ne soupçonnera pas d’accorder