Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/655

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Ï2* M O D comme le bois, pose & s’affaisse sur lui-même. Ainsi, une figure d’argille, en proportion de sa hauteur & du poids de la terre, est sujette à cet inconvénient dont il falloit parler, puisqu’il engage le sculpteur à des précautions particulières : celles, par exemple, de commencer sa figure plus longue qu’il ne faut, ou d’en tenir la plinthe assez épaisse pour y retrouver la longueur nécessaire, quand il s’apperçoit que sa figure est devenue trop courte. »

Après avoir établi faussement la diminution du modèle, on donne un faux moyen d’y remédier. Ce moyen est de faire un modele d’argille, de l’imprimer dans du plâtre & de jetter ensuite de la cire fondue dans le mouie. Mais on ne peut pas imprimer une modèle tout humide ; il aura donc éprouvé une diminution avant d’être moulé : la cire en se refroidissant en éprouve une elle-même ; c’est donc remedier par d’eux défauts à un prétendu défaut. On fait d’ailleurs que les cires en sortant du moule, ont besoin d’être réparées ; elles ne sont donc pas, comme le modèle, le travail vierge de l’artiste. On continuera donc de ne recourir au procédé conseillé par M. de Jaucourt, auteur de l’article modèle, dans l’ancienne Encyclopédie, que lorsque ce procédé sera nécessaire, comme pour les fontes en bronze. D’ailleurs les artistes continueront de faire du premier coup leurs modèles en cire ou en argille, comme ils le trouveront plus convenable.

M. de Jeaucourt soupçonne que les anciens différoient des modernes dans la manière de travailler le marbre d’après leurs modèles ; il en donne pour preuve qu’on ne s’apperçoit pas, même dans les antiques d’un rang inférieur, que le ciseau y ait enlevé en quelqu’ endroit plus qu’il ne falloit.

S’il y a des antiques d’un rang inférieur, c’est qu’elles pechent par la proportion ou par la beauté des formes : on n’a donc pas enlevé précisément par tout ce qu’il falloit de marbre pour produire ces formes & ces proportions. La plus belle statue possible est dans le bloc de marbre qui entre dans l’attellier du sculpteur : s’il ne sait pas en tirer cette statue, c’est qu’il n’a pas l’habileté d’enlever avec précision ce qu’il faut du marbre qui la cache ; c’est qu’il ôte trop ou trop peu de marbre. Si M. de Jeaucourt accorde que des artistes modernes ont fait de belles statues, ils n’ont donc pas enlevé plus de marbre qu’il ne falloit ; & si l’on voit des statues médiocres, il ne faut pas supposer que l’artiste ait, par maladresse, enlevé trop de marbre ; mais qu’il n’avoit dans la pensée qu’un modèle médiocre, duquel a résulte un médiocre modèle en ar-


gille, d’après lequel il a fait une médiocre statue.

Il se peut que les anciens différassent en quelque chose des modernes dans la manière de travailler le marbre d’après le modèle ; mais cette différence devoit être peu importante, & sans doute le résultat étoit le même. Les modernes eux-mêmes ont, à cet égard, changé plusieurs fois de procédé. Voici comme M. Falconet décrit en abregé celui qui est maintenant en usage.

« On place deux chassis pareils, marqués de divisions semblables, l’un au-dessus du marbre, l’autre, au-dessus du modèle, on y pose un fil avec un plomb attaché au bout, sur chaque face du chassis ; ces fils tombant jusqu’au bas de la figure, parcourent le chassis à volonté ; on présente horizontalement une fiche de bois dont la pointe touche le modèle aux endroits où l’on veut prendre une mesure, pour la rapporter sur le marbre, & la section de la fiche avec le fil étant marquée, donne la mesure dont on a besoin. »

M. de Jeaucourt croyoit que ces mesures devoient rendre l’artiste timide ; il supposoit que les anciens avoient eu plus de hardiesse, & que, par conséquent, ils avoient eu aussi un autre procédé. Comme Michel-Ange a coupé le marbre avec une hardiosse qui tenoit de l’audace & de la témérité ; il veut que ce grand statuaire eût trouvé une route particulière & nouvelle, & il regrette qu’il n’ait pas daigné la communiquer aux artistes. Mais on sait qu’elle étoit la route que suivoient les sculpteurs du temps de Michel-Ange, & c’est insulter à sa mémoire que de le regarder comme un charlatan à secrets.

Le procédé des mesures a toujours été nécessaire, parce que la coupe du marbre a, de tous les temps, exigé de grandes précautions, & parce que, de tous les temps, l’artiste après avoir fait son modèle, a chargé un ouvrier subalterne de dégrossir le marbre, & de l’approcher plus ou moins de la forme de ce modèle. Il perdroit un temps inutile & précieux, s’il se chargeoit lui-même de ce premier travail ; mais il risqueroit aussi de perdre son marbre, s’il ne donnoit pas à l’ouvrier un moyen sûr de suivre des mesures précises. « La voie méchanique des mesures, dit M. Falconet, n’est principalement que pour l’ouvrier qui ébauche la figure ; l’artiste qui la prend de ses mains, pour la faire & la finir lui-même, voit les beautés du modèle qu’il a fait, en ajoute ordinairement sur le marbre, & n’a de méthode alors que ses propres observations, son goût, son génie, & la nature. Ainsi Michel-Ange dont la méthode est invoquée, on ne sait trop pourquoi,