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M Y T somptueuse. C’est ainsi que Jouvenet, dans le Grouppe du Lazare ressuscité, a introduit un effet mystèrieux, par la lumière partielle d’un flambeau, quoique la plus vive lumière du jour soit répandue largement sur le reste de sa composition.

L’art de graver nous transmet le mystère qui se trouve dans les tableaux ; il nous le fait sentir par la justesse des tons réunis à l’accord des travaux. Le coin de la pendule dans le portrait du cardinal Dubois, par Drevet, est cité pour exprimer cette agréable magie.

Les sculpteurs qu’on distingue dans la partie du goût, ont produit des effets mystèrieux par une certaine disposition de leurs figures sous des lumières ménagées avec intelligence & parsimonie. Le Bernini est le premier, peut-être, qui l’ait fait servir à l’intérêt de ses productions. Plus correct, plus rendu, il eût pu dedaigner & même redouter un artifice qui prive d’une partie de la lumière le morceau de sculpture qu’on veut rendre mystèrieux. Son grouppe de Sainte-Thérése aux Carmes, près les Thermes de Diocletien à Rome, est le chef-d’œuvre de ce genre de beautés. On n’en jouiroit qu’à regret, si aux graces séduisantes & voluptueuses de la composition, le sculpteur eût réuni la correction des ensembles, la justesse & la pureté des détails dont il ne faut rien perdre dans la bonne sculpture. (Article de M. ROBIN.)

MYTHOLOGIE . (subst. fem.) Elle comprend la théologie publique des anciens, & l’histoire des siècles dans les temps où l’écriture n’étoit pas encore inventées. Le récit des faits s’altéroit & se méloit de mensonges en passant de bouche en bouche, de génération en génération. Les poëtes s’emparèrent de ces récits corrompus, les arrangèrent à leur gré, en chargèrent quelquefois le fond, & sur-tout ne consultèrent que leur imagination dans le développement des détails. C’est ce qu’on nomme l’histoire des temps héroïques : elle offre des vérités, mais qu’il est difficile de démêler à travers les fables dont elles sont enveloppées.

Soit que l’on considére la mythologie comme le systême théologique des anciens, ou comme l’histoire de ces hommes fameux qu’on désigne par le nom de héros, elle ouvrira toujours aux artistes un champ vaste & fécond, parce qu’elle est sur-tout favorable à ce qu’on nomme l’idéal des arts. Les hommes de l’histoire ne sont que des hommes ; ceux des siécles héroïques sont des enfans des Dieux, & doivent participer de la nature divine : c’est sur tout en les représentant, que les artistes s’éléveront jusqu’au sublime de la beauté idéale.

Ce n’est point dans le dictionnaire des arts, c’est dans les écrits des anciens poëtes, & sur-


tout dans Homère, qu’ils doivent étudier la mythologie. Ovide leur apprendra des événemens mythologiques ; mais il n’enflammera pas leur génie, il ne les introduira pas dans l’assemblée auguste des enfans des Dieux, dans le conseil des Dieux eux-mêmes ; il ne leur inspirera pas la figure imposante da Jupiter olympien. Poëte gracieux, il ne fera que des artistes gracieux, & l’on sait que le gracieux n’est pas encore la grace, qui elle-même n’est pas la beauté.

Nous ne consacrerons pas cet article aux détails de la mythologie, & nous conseillerons même aux artistes de ne lire les abrégés qu’on en a faits, que pour se rappeller la mémoire de lectures en partie effacées. Ils seroient refroidis par les abbréviateurs : poëtes eux-mêmes, qu’ils s’échauffent par le feu des poëtes.

Mais nous croyons qu’il ne leur sera pas inutile da trouver ici des observations sur la manière de représenter les principaux personnages, mythologiques. Le plus grand nombre de ces observations nous sont fournies par Winckelmann, & elles lui ont été inspirées à lui-même par l’étude des antiques. Nous nous écarterons cependant quelquefois de ses opinions, nous en donnerons qui nous appartiennent, nous en emprunterons à d’autres savans, & la forme de cet ouvrage ne nous permettra pas toujours d’en avertir.

Winckelmann, homme savant & homme de génie, honorera toujours l’Allemagne sa patrie. Il aimoit les arts, il en étudioit les ouvrages, sur tout ceux qui nous restent de l’antiquité ; mais il ne les avoit pas cultivés : c’est dire assez qu’il a fait de ces fautes qui doivent échapper aux gens de lettres, lorsqu’ils parlent des arts sans les avoir pratiqués. Ces erreurs que les artistes apperçoivent aisément, ne peuvent avoir pour eux aucun danger : mais comme c’est une foiblesse naturelle aux hommes de se plaire. à découvrir les fautes d’autrui, & de se relever eux-mêmes à leur propres yeux en méprisant ceux qui les ont commises, il est arrivé que les professeurs de l’art ont cherché à dégrader le mérite de Winckelmann. Il auroient dû considérer qu’en lui ôtant ses erreurs, occasionnées par le défaut de quelques connoissances qu’il n’avoit pû acquérir, & quelquefois par l’exaltation de son esprit, il lui reste des richesses solides & qui lui appartiennent en propre. Les artistes profiteront toujours beaucoup de la lecture d’un écrivain qui avoit un amour ardent pour le beau, & qui, dans toutes les pages de ses écrits, cherche toujours à l’inspirer. Il leur seroit très utile, quand même il ne feroit que réchauffer en eux cet amour que jamais ils ne doivent laisser éteindre qu’ils doivent entretenir & ranimer sans cesse. C’est pour eux le feu sacré des Vestales.