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$6z N O C conduite par une femme qu’on nommoit Nympheutria ; & l’époux par un homme qu’on appelloit Paranymphios.

Nous avons cru que la sécheresse de ces détails pourroit n’être pas inutile aux artistes : mais nous allons les consoler de cette aridité, en transcrivant l’élégante description d’un mariage célébré suivant les loix d’Athènes. Cet agréable tableau est tiré du voyage du jeune Anacharsis, ouvrage dont nous emprunterons plusiers fois des richesses.

« Les habitans de Délos avoient prévenu le lever de l’aurore ; ils s’étoient couronnés de fleurs, & offroient sans interruption dans le temple & devant leurs maisons des sacrifices pour rendre les dieux favorables à l’hymen d’Ismene. L’instant d’en former les liens étoit arrivé. Nous étions assemblés dans la maison de Philocès, (pere de la jeune épouse). La porte de l’appartement d’Ismene s’ouvrit, & nous en vîmes sortir les deux époux, suivis des auteurs de leur raissance & d’un Officier public, qui venoit de dresser l’acte de leur engagement. Les conditions en étoient simples : on n’avoit prévu aucune discussion d’intérêt entre les parens, aucune cause de divorce entre les parties contractantes : & à l’égard de la dot, comme le sang unissoit déjà Théagene à Philoclès, on s’étoit contenté de rappeller une loi de Solon qui, pour perpétuer les biens dans les familles, avoit réglé que les filles uniques épouseroient leurs plus proches parens. »

« Nous étions vêtus d’habits magnifiques, que nous avions reçus d’Ismene. Celui de son époux étoit son ouvrage : elle avoit pour parure un collier de perles précieuses, & une robe où l’or & la pourpre confondoient leurs couleurs. Ils avoient mis l’un & l’autre sur leurs cheveux flottans, & parfumés d’essences, des couronnes de pavots, de sésames & d’autres plantes consacrées à Vénus. Dans cet appareil, ils montèrent sur un char & s’avancèrent vers le temple. Ismene avoit son époux à sa droite, & à sa gauche un ami de Théagene qui devoit le suivre dans cette cérémonie. Les peuples empressés répandoient des fleurs & des parfums sur leur passage ; ils s’écrioient : ce ne sont point des mortels ; c’est Apollon & Coronis, c’est Diane & Endymion, c’est Apollon & Diane. Ils cherchoient à nous rappeller des augures favorables, à prévenir les augures sinistres. L’un disoit : j’ai vu ce matin deux tourterelles planer long-temps ensemble dans les airs, & le reposer ensemble sur une branche de cet arbre. Un autre disoit : écarte la corneille solitaire ; qu’elle aille gémir au loin sur la perte de sa fidèle compagne ; rien ne seroit si funeste que son aspect. »

« Les deux époux furent reçus à la porte du temple par un prêtre qui leur présenta à chacun une branche de lierre, symbole des liens qui devoient les unir à jamais ; il les mena ensuite à l’autel où tout étoit préparé pour le sacrifice d’une génisse qu’on devoit offrir à la chaste Diane, qu’on tâchoit d’appaiser, ainsi que Minerve & les divinités qui n’ont jamais subi le joug de l’hymen. On imploroit aussi Jupiter & Junon, dont l’union & les amours sont éternelles ; le Ciel & la Terre, dont le concours produit l’abondance & la fertilité ; les Parques, parce qu’elles tiennent dans leurs mains la vie des mortels ; les Graces, parce qu’elles embellissent les jours des heureux époux ; Vénus enfin, à qui l’Amour doit sa naissance, & les Hommes leur bonheur. »

« Les prêtres, après avoir examiné les entrailles des victimes, déclarèrent que le Ciel approuvoit cet hymen. l’our en achever les cérémonies, nous passâmes à l’artémisium, & ce fut là que les deux époux déposèrent chacun une tresse de leurs cheveux sur le tombeau des derniers Théores Hyperboréens. Celle de Théagene étoit moulée autour d’une poignée d’herbes, & celle d’Ismène autour d’un fuseau. Cet usage rappelloit les époux à la première institution du mariage, à ce temps où l’un devoit s’occuper par préférence des travaux de la campagne, & l’autre des soins domestiques. »

« Cependant Philoclès prit la main de Théagene, la mit dans celle d’Ismène, & proféra ces mots : Je vous accorde ma fille, afin que vous donniez à la république des citoyens légitimes. Les deux époux se jurèrent aussitôt une fidélité inviolable, & les auteurs de leurs jours, après avoir reçu leurs sermens, les ratifièrent par de nouveaux sacrifices. »

« Les voiles de la nuit commençoient à se déployer dans les airs, lorsque nous sortimes du temple, pour nous rendre à la maison de Théagene. La marche, éclairée par des flambeaux sans nombre, étoit accompagnée de chœurs de musiciens & de danseurs. La maison étoit entourée de guirlandes & couverte de lumières. »

« Dès que les deux époux eurent touché le seuil de la porte, on plaça pour un instant une corbeille de fleurs sur leurs têtes ; c’étoit un présage de l’abondance dont ils devoient jouir. Nous entendîmes en même temps répêter de tous côtés le nom d’Hyménéus, de ce jeune homme d’Argos qui rendit au trefois à leur patrie des filles d’Athènes que des corsaires avoient enlevées : il obtint, pour prix de son zèle, une de ces captives qu’il aimoit tendrement ; & depuis cette