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N O C

époque, les Grecs ne contractent point de mariage, sans rappeller sa mémoire. »

« Ces acclamations nous suivirent dans la salle du festin, & continuèrent pendant le souper ; alors des poëtes s’étant glissés auprès de nous, récitèrent des épithalames. »

« Un jeune enfant, à demi-couvert de branches d’aubépine & de chêne, parut avec une corbeille de pains, & entonna un hymne qui commençoit ainsi : J’ai changé mon ancien état contre un état plus heureux. Les Athéniens chantent cet hymne dans une de leurs fêtes destinée à célébrer l’instant où leurs ancêtres, nourris jusqu’alors de fruits sauvages, jouirent en société des présens de Cérès. Ils le mêlent dans les cérémonies du mariage, pour montrer qu’après avoir quitté les forêts, les hommes jouirent des douceurs de l’Amour. Des danseuses, vêtues de robes légères & couronnées de myrthe, entrèrent ensuite, & peignirent, par des mouvemens variés, les transports, les langueurs & l’ivresse de la plus douce des passions. »

« Cette danse finie, Leucippe alluma le flambeau nuptial, & conduisit sa fille à l’appartement qu’on lui avoit destiné. Plusieurs symboles retracèrent aux yeux d’Ismène les devoirs qu’on attachoit autrefois à son nouvel état. Elle portoit un de ces vases de terre où l’on fait rôtir de l’orge ; une de ses suivantes tenoit un crible, & sur la porte étoit un instrument propre à piler des grains. Les deux époux goutèrent d’un fruit dont la douceur devoit être l’emblême de de leur union. »

« Cependant livrés aux transports d’une joie immodérée, nous poussions des cris tumultueux, & nous assiégions la porte défendue par un des fidèles amis de Théagene. Une foule de jeunes gens dansoient au son de plusieurs instrumens. Ce bruit fut enfin interrompu par la théorie de Corinthe, qui s’étoit chargée de chanter l’hymenée du soir. Après avoir félicité Théagene, elle ajoutoit : »

« Nous sommes dans le printemps de notre âge : nous sommes l’élite de ces filles de Corinthe si renommées par leur beauté. O ! Ismène, il n’en est aucune parmi nous dont les attraits ne cédent aux vôtres. Plus légère qu’un coursier de Thessalie, élevée au-dessus de ses compagnes comme un lys qui fait l’honneur d’un jardin, Ismène est l’ornement de la Grèce. Tous les amours sont dans ses yeux ; tous les arts respirent sous ses doigts. O fille, ô femme charmante : nous irons demain dans la prairie cueillir des fleurs pour en former une couronne. Nous la suspendrons au plus beau des platanes voisins. Sous l’ombre de cet arbre, nous répandrons


des parfums en votre honneur, & sur son écorce nous graverons ces mots : Offrez-moi votre encens, je suis l’arbre d’Ismène. Nous vous saluons, heureuse épouse ; nous vous saluons, heureux époux : puisse Latone vous donner des fils qui vous ressemblent ; Vénus vous embrâser de ses flammes ; Jupiter transmettre à vos neveux la félicité qui vous entoure ! Reposez-vous dans le sein des plaisirs ; ne respirez désormais que l’amour le plus tendre. Nous reviendrons au lever de l’aurore, & nous chanterons de nouveau : O hymen, hyménée, hymen ! »

« Le lendemain, à la première heure du jour, nous revinmes au même endroit, & les filles de Corinthe firent entendre l’hyménée suivant : »

« Nous vous célébrons dans nos chants, Vénus, ornement de l’olympe, Amour, délices de la terre, & vous, Hymen, source de vie ; nous vous célébrons dans nos chants, Amour, Hymen, Vénus ! O Théagene, éveillez-vous, jettez les yeux sur votre amante, jeune favori de Vénus, heureux & digne époux d’Ismène ! O Théagene, éveillez-vous ! Jettez les yeux sur votre épouse ; voyez l’éclat dont elle brille ; voyez cette fraîcheur de vie dont tous les traits sont embellis. La rose est la reine des fleurs ; Ismène est la reine des belles. Déjà sa paupière tremblante s’entr’ouvre aux rayons du soleil ; heureux & digne époux d’Ismène, ô Théagene, éveillez-vous ! »

« Ce jour que les deux amans regardèrent comme le premier de leur vie, fut presque tout employé de leur part à jouir du tendre intérêt que les habitans de l’île prenoient à leur hymen, & tous leurs amis furent autorisés à leur offrir des présens. Ils s’en firent eux-mêmes l’un à l’autre, & reçurent en commun ceux de Philoclès, père de Théagene. On les avoit apportés avec pompe. Un enfant, vêtu d’une robe blanche, ouvroit la marche, tenant une torche allumée : venoit ensuite une jeune fille ayant une corbeille sur la tête : elle étoit suivie de plusieurs domestiques qui portoient des vases d’albâtre, des boîtes à parfums, diverses sortes d’essences, des pâtes d’odeur, & tout ce que le goût de l’élégance & de la propreté a pu convertir en besoin. »

« Sur le soir, Ismène fut ramenée chez son pére ; & moins pour se conformer à l’usage que pour exprimer ses vrais sentimens, elle lui témoigna le regret d’avoir quitté la maison paternelle : le lendemain, elle fut rendue à son époux, &, depuis ce moment, rien ne troubla leur félicité. »

Il n’est aucun de ces détails qui ne puisse inspirer d’agréables tableaux ; tous sont appuyés

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