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S.6S

NUD parfondues au feu, comme disent les ouvriers, elles acquièrent cette parfaite union & ce grand poliment que l’on tâche de donner aux autres peintures, soit par le travail, soit par le maniement du pinceau, soit par les vernis ou par le secours du verre, & encore en s’aidant de l’air qu’on interpose entre l’œil & l’objet, par le moyen des différentes distances. (L.) »

NU

NUANCE . (subst fém.) Ce mot désigne la gradation d’une couleur depuis son degré le plus clair, jusqu’à son degré le plus sombre. On l’emploie aussi pour exprimer la convenanc, l’accord, l’amitié des couleurs qui sont placées prés les unes des autres. Il appartient plus à la langue commune qu’à celle des arts : on en fait sur-tout usage en parlant des étoffes, de leurs teintures, de leurs dessins : on dit des couleurs d’une étoffe, de son dessin, de ses fleurs, de ses rayures, qu’ils sont bien nuancés. Cependant l’idée que ce mot exprime n’est rien moins qu’étranger à la peinture ; on peut, dans le clair-obscur, suivre des nuances insensibles & graduées depuis le plus grand clair jusqu’à la demi-teinte &c. On observe de même, dans la couleur, des nuances douces & insensibles qui conduisent d’une teinte à l’autre ; mais les peintres se servent plus volontiers du mot passage.

NUD & NUDITÉ . On dit étudier, dessiner, indiquer, prononcer le nud : on dit aussi dans un sens fort différent, peindre des nudités.

Rien dans nos sociétés ne paroît plus contraire aux usages & plus choquant, relativement aux bienséances, que la nudité ; cependant elle s’offre sans cesse dans les arts dont je traite, sans blesser l’opinion.

Dans nos mœurs, le seul mot nudité rappelle à l’esprit l’indécence & presque l’obscénité. La nudité dans les arts est bien souvent plus décente que quelques hommes habillés ne le sont dans la société. Hébé, Flore, Vénus, les Nymphes chastes & timides, les Dieux, les Héros, nos Anges enfin, êtres sans cesse reproduits par la brosse & le cizeau de nos Artiste, & vivant parmi nous, puisqu’ils habitent nos palais, nos jardins, nos temples, nos maisons, s’y montrent avec cette nudité dont le mot réveille en nous des idées qui ne paroissent blesser la décence que parce que nos mœurs en manquent. Fort heureusement pour la peinture & la sculpture, jusqu’ici les délicatesses, qu’à certains égards on peut regarder comme fausses, ni le rigorisme religieux, qui


tend si facilement à la barbarie, n’ont encore proscrit la représentation des beautés de la nature, base principale de la perfection des Arts.

Il s’est donc établi, par l’effet d’une heureuse contradiction entre les usages de la société & ceux des arts, que la nudité peut différer & diffère souvent de l’indécence. Aussi, comme je l’ai fait appercevoir, la femme véritablement modeste, pourra jetter plutôt sans rougir des regards curieux sur Apollon, sur Adonis, même sur Hercule sans vêtement, qu’elle ne les fixera sur un de nus jeunes Sybarites, dont les yeux, le maintien & les vêtemens étroits prononcent (pour me servir du langage de la peinture) l’indécence dont ils sont profession.

L’indécence appartient à l’intention. L’intention qui se fait connoître, a une infinité de langages, d’autant plus multipliés & perfectionnés que les sociétés se montrent plus soumises en apparence au joug des bienséance, tandis qu’elles sont en effet plus portées à s’en affranchir. Les hommes qui sont dans ces dispositions s’efforcent, non de briser leurs liens, mais d’échapper à ceux qu’ils sont convenus de porter, & ce qu’il ne leur est pas permis de mettre en exécution, ils en manifestent l’intention. Ce langage qui a pour moyens les regards, le maintien, le sourire, les vêtemens, les coëffures, les ornemens & distributions des appartemens, passe dans les arts libéraux, lorsqu’ils tendent aussi à se corrompre, & c’est lui qui associe l’indécence à la nudité, & la donne même à la nature habillée.

C’est ainsi que dans les ouvrages & les conversations, un mot à double entente, une expression détournée, une allusion substitue une indécence qu’on nomme trop souvent fine & spirituelle, a la nudité du discours & de l’expression qui passeroit pour grossièreté.

La moindre apparence de celle-ci feroit jetter des cris de désapprobation ; les nuances les plus hasardées de l’autre, couvertes d’un voile fort transparent, n’excitent que le sourire ou un sérieux affecté chez les femmes réservées, un léger embarras qu’elles savent bien ne témoigner que par convenance.

On peut dire cependant, à l’honneur de nos arts, que ce langage d’intention, à l’usage de l’indécence, y garde encore des ménagemens. Une raison, entr’autres, y contribue c’est que les figures imitées & représentées par les arts du dessin ont une stabilité permanente, & que l’intention indécente, lorsqu’elle est prolongée, devient choquante, parcequ’elle tient de l’effronterie. C’est ainsi que la répétition d’une phrase à double entente ou d’un mot & d’une allusion hasardée, le rapproche