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un coloris vague & brillant. Il avoit déjà fait de grands progrès sous ce maître, lorsqu’il se mit sous la conduite de Van-Dyck qui passa quelque temps à Gênes. Perfectionné par les conseils de ce grand artiste, mais incapable de se satisfaire tant qu’il lui restoit quelque chose à apprendre, il visita Rome, Florence, Parme & Venise, étudiant par-tout & laissant par-tout quelques uns de ses ouvrages, sans pouvoir s’enrichir. Il fut enfin accueilli du duc de Mantoue, qui se l’attacha par une pension considérable & un logement dans son palais. Il y est mort, rongé de goute & accablé d’infirmités, en 1670, à l’âge de cinquante-quatre ans.

Le Benedette peignoit l’histoire, le portrait le paysage. Dans tous tes genres, il a de beaux effet de clair-obscur, une touche vive & spirituelle, une couleur vigoureuse. Dans l’histoire, il ne paroît pas s’être occupé à rechercher cette beauté ideale, qui étoit le premier objet de l’art chez les anciens, & de laquelle ont approché les grands maîtres de l’école Romaine. Il n’a pas même atteint à cette élégance des formes, à cette pureté du contour, à cette noblesse de caractère que les juges rigoureux font entrer dans l’essence de la peinture historique. Le genre dans lequel il a plus particulièrement réussi, & sur lequel il a fondé sa réputation, consiste dans la représentation de bergeries, de scenes rustiques, de marches, de caravanes. Il est sûr de réunir les suffrages dans ces sujets animés par l’esprit de sa touche, brillans du charme de sa couleur, réveillés par les heureux caprices de ses coëffures & de ses ajustemens, rendus intéressans par la manière pittoresque dont il traitoit les animaux, piquans enfin par le caractère singulier des têtes.

On voit au cabinet du roi, trois tableaux de ce maître ; l’un, sujet historique, représente les vendeurs chassés du temple ; les deux autres sont dés paysages. Un porait de femme avec une coëffure bizarre se trouve dans la collection du Palais-Royal.

On a gradé plusieurs tableaux du Bénédette : mais il n’y a pas, d’après lui, d’estampes aussi intéressantes, que celles qu’il a gravées lui-même à l’eau-forte, & qui sont en grand nombre. On peut s’eu procurer assez facilement, & leur mérite n’a pas besoin d’être soutenu par la rareté.

(170) Sébastien Bourdon, de l’école Françoise, naquit à Montpellier en 1616. Son père, qui étoit peintre sur verre, lui donna dès sa première enfance, quelques principes du dessin. Un de ses oncles l’amena à Paris à l’âge de sept ans. On le plaça sur une voiture chargée de ballots : l’enfant, s’y endormit, un des ballots roula, & l’entraîna dans


sa chûte sans le réveiller. L’endroit étoit désert, personne ne s’apperçut de l’accident, & la voiture continua sa route. Heureusement un courier avertit les conducteurs qu’il avoit vu, à côté de son chemin, un paquet & un enfant qui devoient appartenir à la voiture ; on courut à l’endroit indiqué, & l’on trouva le jeune Sébastien encore plongé dans un profond sommeil.

Il fut placé à Paris chez un peintre très médiocre & ne laissa pas que d’y développer les heureuses dispositions qu’il avoit reçues de la nature. Dès l’âge de quatorze ans, il quitta cette ville, se rendit à Bordeaux & peignit dans un château voisin un plafond à fresque qui fut admiré. Cependant il ne trouva d’occupation ni à Bordeaux, ni à Toulouse, & la misère l’obligea de s’engager. Il obtint bientôt après le congé de son capitaine, étonné des talens de son soldat, & toujours manquant de tout, il alla à Rome où il trouva peu de ressources. Il fut obligé de se mettre aux gages d’un marchand de tableaux qui le payoit mal & le faisoit beaucoup travailler : la facilité du Bourdon étoit égale à l’avidité du marchand. Il avoit un talent fort utile dans la circonstance où il se trouvoit ; celui d’avoir une mémoire assez heureuse, une assez grande fléxibilité de manière, pour faire des tableaux de tous les maîtres dont il avoit vu des ouvrages.

Admis dans l’attelier de Claude Lorrain, il vit ce peintre célèbre travaillant à un tableau qui l’occupoit depuis quinze jours, & qui bien que fort avancé, devoit l’occuper encore le même temps. Bourdon regarde attentivement, sort, achete une toile de même grandeur, & la semaine suivante, un jour de fête, fait exposer le tableau en place publique. On s’assemble, on admire, on se récrie sur la beauté de l’ouvrage, on assure, comme il est ordinaire quand il s’agit d’un artiste chéri, que le Lorrain n’a rien fait encore de si parfait. On court le complimenter ; il nie qu’il ait rien expose : cependant on entre dans son cabinet, & l’on est surpris de voir sur le chevalet le même tableau qu’on vient d’admirer sur la place. Le fait s’éclaircit enfin, & le Lorrain ne pardonna qu’avec peine au Bourdon cette supercherie. Le talent que ce dernier avoit de contrefaire André Sacchi, Michel-Ange des Batailles, & le Bamboche, lui procura une subsistance honnête. Mais il étoit né dans la religion Calviniste qu’il professa toute sa vie ; un peintre François menaça de le dénoncer à l’inquisition, & le Bourdon fut obligé de quitter Rome après trois ans de séjour. Le dénonciateur étoit un homme sans talent : sa lacheté seule a conservé le souvenir de son nom.

De retour à Paris, Bourdon se fit une grande réputation par son tableau de Notre-Dame


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