Grebber, peintre estimé dans l’histoire & le portrait ; mais la mort lui enleva bientôt cet habile maître, & dès-lors il crut n’avoir pas besoin d’autre école que celle de la nature, ni d’autres préceptes pour bien saisir ses leçons que ceux qu’il trouveroit dans les ouvrages des grands peintres. Après la mort de son père, il partit pour l’Italie. Ses talens furent accueillis & récompensés à Vénise par le senateur Loredano, ses ouvrages portèrent à Rome sa réputation : il vint en jouir & fut reçu dans le palais Médicis ; il fit le voyage de Naples, de Florence, revint dans sa patrie où des affaires de famille le rappeloient après la mort de sa mère, & partout il trouvoit des amateurs empressés de se procurer de ses ouvrages. On fit de vains efforts pour le retenir en Hollande. Rome, la patrie des arts, étoit devenue la sienne ; il s’empressa d’y retourner, y passa le reste de sa vie, jouissant de la célébrité qu’il s’y étoit acquise, & y mourut en 1694, âgé de soixante & dix ans.
Il a peint quelquefois en grand, mais il réussissoit mieux dans le petit. Quoiqu’il ait traité des sujets de dévotion, ses ouvrages les plus recherchés représentent des foires, des marchés, des paysages. Il a été comparé au Bamboche, & ses ouvrages ont souvent tenu de ce maître ; mais, dans ses derniers temps, il peignoit dans un goût plus clair. Il meubloit ordinairement ses tableaux d’un grand nombre de figures : elles ont de l’esprit, de l’expression & sont d’un bon caractère de dessin ; son paysage est d’une belle touche, d’une bonne couleur, il a de la variété & du choix. On trouve, dans ses tableaux, un bel accord de couleur, & des effets heureux de clair-obscur. Ils sont fort rares hors de l’Italie.
(196) Nicolas Loir, de l’école Françoise, né à Paris en 1624, étoit fils d’un orfévre qui seconda son inclination pour la peinture, & le plaça chez le Bourdon. Il alla à Rome à l’âge de vingt-trois ans, considéra tous les ouvrages des grands maîtres, n’en copia aucun ; mais comme il avoit la mémoire fort heureuse, quand il rentroit chez lui, il faisoit des esquisses de ceux qui l’avoient le plus frappé, & ne négligeoit rien de ce qui concernoit la composition, l’effet général & la couleur. Cette pratique ne conduit pas à imiter le dessin des grands maîtres, à s’identifier leur manière de voir & de rendre les formes ; mais elle est excellente pour s’imprimer dans l’esprit leur manière de concevoir la machine de la peinture. Loir consacroit d’ailleurs une partie de son temps à dessiner le paysage & les fabriques des environs de Rome.
Un maître que cependant il ne dédaignoit pas de copier étoit le Poussin & ses copies
sont si belles, qu’il est difficile de ne les pas prendre pour des originaux.
De retour à Paris, il fut chargé d’un grand nombre d’occupations & peignit, pour Louis XIV, plusieurs plafonds au palais des Tuileries & dans le château de Versailles. Il dut peut-être à la manière dont il avoit dirigé ses études à Rome, la facilité de varier à son gré ses compositions, & de disposer un nombre donné de figures d’une grande quantité de manières différentes. Sa couleur étoit bonne, son pinceau gras, facile & pâteux, son dessin correct, ses têtes de femmes agréables ; on a célèbré ses figures d’enfans ; on peut cependant leur reprocher de la pesanteur. Il s’est fait beaucoup de réputation par ses tableaux de Vierges. Il peignoit bien le paysage, l’architecture & les ornemens. On l’accuse d’avoir abusé de sa grande facilité, d’avoir plutôt agencé que réfléchi ses compositions, d’avoir si peu regardé la peinture comme un art tenant à la pensée & à la maturité de la réfléxion, qu’il lui arrivoit souvent de concevoir, ordonner, exécuter un sujet en faisant la conversation avec ses amis. Aussi, comme l’observe de Piles, on ne remarque dans ses ouvrages ni finesse de pensée, ni caractère particulier qui ait quelqu’élévation. Il ne mérite pas de tenir un rang entre les grands maîtres ; mais on ne peut lui refuser une place honorable entre les bons peintres. Il est mort à Paris en 1679, a l’âge de cinquante-six ans.
Il est un des peintres après lesquels on a le plus gravé. Alexis Loir son frère, & Boullangé ont fait un grand nombre d’estampes d’après ses tableaux. Il a fait lui-même des eaux-fortes.
(197) Nicolas Berghem, de l’école Hollandoise, né à Harlem en 1624, fut d’abord élève de son père, peintre fort médiocre, & passa ensuite dans de meilleures écoles, entre autres dans celle de Jean-Baptiste Wéeninx. Il mérita & obtint de bonne-heure une grande réputation, & vit ses ouvrages fort recherchés. Son amour pour la peinture le rendoit très assidu au travail, & son assiduité étoit encore augmentée par l’avarice de sa femme. Elle avoit pris un empire absolu sur cet homme doux, & le tenoit renfermé dans son cabinet du matin au soir, sans lui permettre de prendre aucun délassement. Elle s’étoit logée audessous de lui, & quand elle ne l’entendoit ni chanter ni agir, elle frappoit d’un bâton au plancher de peur qu’il rte prît quelques instans de sommeil. Elle le faisoit livrer le prix de ses ouvrages, & le laissoit sans argent. Berghem n’avoit qu’une passion, & elle étoit relative à son art ; c’étoit celle de rassembler des estampes. Pour satisfaire ce goût louable, il étoit souvent obligé