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POE

qu’à faire le trait de leurs defllns au lavis : îe lavis peint mieux que la plume , mais il ne detrine, pas avec tant d’efprit, & rend moins bien le caraftère des différens objets. A l’aide de la plume différemment maniée , on peut indiquer la molleffe des chair ?, le lifle des étoffes love j Tes, l’épaiffeur velue das étoffes grolTières, la dureté des métaux, le brut des terralTes, la rugofi :é des éeorces , la forme & la légérecé des feuilles , le calme brillant ou l’agitation des eaux : les couches plattes du lavais ne font rien de tout cela ; elles ne peuvent produire que des tons variés. ( L ) P o

POÉSIE ( fuba. fem ). Ce mot vient du verbe grec Trotia , faire. Le poète efl , par excellence, celui qui fait, qui produit, qui invente. Le peintre eft poète quand il crée ; il n’eft que peintre, quand il copie, ou qu’il imite.

Homère fut poëce quand il repréfenta Jupiter ébranlant l’Olympe d’un mouvement de tes noirs fourcils : il inventa, il vit, il peignit par la parole, la phyfionomie du Maître des bieux. fhidias fut poète , quand après avoir lu les vers d’Homère, il devint fon rival & peut-être fon vainqueur ; quand il fe repréfenta la tête impofante & msjeftueufe du Disu , telle qu’elle devoit être d’après les vers du poète ; quasd dans un recueillement qui ne peut appartenir qu’au génie , éloignant de fon imagination toutes les idées qui ne conviennent ( qu’à la foibleffe humaine, il parvint à voir le Dieu comme un modèle docile qu’il auroit pofé devant lui ; quand, dans la longue durée de fon enthoufiaiine , il créa la tête du Jupiter Olympien , qui fit l’admiration de toute la Grèce.

L’artifte efl : poète quand il voit fon fujet tel qu’il a dû fe pafler ; quand il s’en repréfente les ^erfonnages avec une beauté dont ils manquèrent peut-être, ai^ec une expreffion peutêtie plus vraie, plus vive, plus parfaite que celle qu’ils eurent en effet, parce qu’ils pouvoienc manquer de phyfionomie, & que l’artifte doit les voir avec celle qui leur étoient convenable. Il eft poète, quand, après avoir créé ce tableau vivant dans fon imagination , il en conferve alfez long-temps, affez fortement l’empreinte, pour la porter également vive, également expreffive , fur la toile ou dans le marbre.

La poèfie de l’att confifte donc à voir fon fujet & à l’exprimer. L’expreffion efl : d ?;nc ce qui caraftérife l’artifte poète. Qu’il invente de belles difpofitions de grouppes , de mafles & défigures ; qu’il ajoute même à ce mérite, ’ceiui de ces |ierifées ingénieufes qu’on appelle ’ POE


poétiques ; qtie fon imagination lui fourniffe des allégorieï,,, ass épifodos non moins heureux que ceux d.s lAus grands poètes ; il n’eft pas poète h ;i niCme , s’il n’a pas exprimé ce qu’il a voulu peindre. On lui accordera le mérite d’avoir trouvé le fujet d’un bon tableau ; & on le plaindra de l’avoir manqué. Le peintre qui trouve un fujet, & qui ne peut l’exprimer, n eft pas plus poète que l’homme qui a trouvé un fujet de tragédie, & qui n’a pu faire la tragédie.

lour exprimer un fujet par les moyens de lart, il faut repréftnter les perfonnages qui ont dû y Concourir, avec la phyfionomie qu’ilj dévoient avoir fuivant leur ra/ig, leur caractère ; leur donner les véritables mouvemens des aûions qu’ils ont dû faire ; repréfenter fur leurs vifages & dans toutes leurs perfonnes l’affeflion dont ils dévoient être pénétrés , fortifier cette expreffion par le fite, l’effet, & les acceffoires ; écarter tout ce qui pourroit l’affoiblir : en admettant toutes ces conditions pour la poejie do l’art, on reconnoîtra que biea peu d’ardftes ont été poètes.

Raphaèl fut un poète fublime, quand, ayant dpnné à l’Archange Michel une figure vrainierit angélique , il le repréfenta étouffant le démon fans avoir befoin de le toucher. Il fut un poète noble & tranquille dans fon école d’Athènes ; il fut un poète impétueux dans le giouppe inférieur de fa transfiguration. Le Dominiquin fut poète, quand il eut affez d’imagination pour voir , & affez de talent pour exprimer la communion de Saint- Jérôme mourant. Pouffin fut poète , quand il peignit la dernière hotreur du déluge univerfcl ; le Bruij le fut, quand il repréfenta la belle douleur de la Magdeleine.

Des idées poétiques ne fufRfent pas pour conltituer le poète en vers ni en peinture. Il ne fuffit pas de trouver des idées, il faut les exprimer. Des peintres ont répandu des idées poétiques, dans des tableaux qu’on ne daigne pas regarder, & des verfificateurs dans des vers qu’on ne s’avifera jamais de lire. Manquer une belle idée, ce n’eft pas la produire, c’eft l’avorter.

C’eft une belle idée poétique , que celle de l’Arcadie du Pouffin. Si le tableau eût été manqué, ce n’étoit plus de la. poëjie ; ce n’étoit rien.

Le tefl^ament d’Eudamidas du même artifie, eft une belle fcène de poëjîe dramatique : mais l’invention de cette Icène eft de Plutarque. Le Pouffin n’en eft pas moins un grand poète dans fon tableau d’Eudamidas, quoiqu’il n’en ait point inventé le fujet ; car il a fu le voir & l’exprimer.

Si des idées poétiques fuffifoient pour fairs .des arciftes posées, il ne ticndroit c^u’â tout