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des contemporains avoient exagéré le mérite. Nous sommes dès-à-présent témoins de cet abbaissement de prix, pour des tableaux que nous avons vu faire.

Souvent au contraire des ouvrages qui n’ont pu suffire à la subsistance des auteurs, sont portés à très-haut prix par la postérité : nouvelle preuve de l’injustice des contemporains, qui n’ont que trop souvent prodigué le mépris aux vrais talens ; les récompenses, aux talens imaginaires.

Les amateurs du grand genre dans la peinture voyent avec surprise & même avec une sorte d’indignation que la représentation d’un paysan Hollandois ou d’une scène bacchique, est souvent portée à un prix très-haut, pendant qu’on livre à bat prix des tableaux d’histoire, ouvrages de maîtres connus, & qui ne manquent pas même d’une certaine célébrité. Il s’en faut bien cependant que cette différence de prix soit toujours injuste. On ne paye pas le genre, mais la perfection de l’ouvrage : on paye cher la bambochade Hollandaise qui est parfaite dans son genre ; on néglige le tableau d’histoire qui, d’ailleurs embarrassant par son étendue, s’élève à peine au dessus de la médiocrité. Et pourquoi l’amateur vuideroit-il sa bourse pour se procurer à grands frais l’ouvrage d’un artiste qui n’a eu que le talent assex vulgaire de réunir à un dégré moyen les parties inférieures de l’art ? Il y a eu des temps où ce talent a suffi pour procurer un certain nom : la postérité conserve quelque respect pour ces représentations du second ordre ; mais elle ne s’en rend pas tributaire.

On aura droit de réclamer contre l’injustice, quand on verra payer très-cher une basnbochade médiocre, & mettre à bas prix un tableau de Raphael, ou même du Carrache ou du Dominiquin. Mais les beaux ouvrages de ces grands maîtres & de ceux qu’on peut leur comparer restent toujours à un prix fort supérieur à celui des meilleures bambochades peintes par les Hollandois. On ne peut se plaindre de ce que peu de personnes en achètent : d’abord on en expose rarement en vente ; & ensuite il faut être fort riche pour y pouvoir mettre le prix.

Il est vrai que des raisons particulières de convenance font plus ou moins rechercher certains tableaux. On aime mieux meubler un cabinet d’un certain nombre de jolies bambochades, d’agréables paysages, que d’en couvrir un mur entier d’un s’eul tableau d’histoire, qui, abstraction faite de la supériorité du genre, seroit d’un mérite inférieur. Cette convenance n’est point elle-même une injustice.

Il pourroit arriver que l’on vit payer plus cher une bambochade d’un mérite bien reconnu, qu’un excellent tableau d’histoire d’un peintre vivant. Mais l’acquéreur seroit bien excusable ; il seroit sûr du mérite de l’ouvrage dont il feroit l’acquisition : parce que ce mérite seroit généralement avoué depuis long-tems : mais à moins de porter la confiance en lui même jusqu’à la présomption, comment se croiroit-il assuré du mérite d’un peintre vivant, lorsqu’il fait que tant de fois les jugemens des contemporains ont été cassés par la postérité ?

Les personnes étrangères aux arts sont souvent étonnées du haut prix que l’on attache à des dessins dans lesquels ils ne voyent que des coups de plume, de crayon ou de pinceau donnés, à ce qu’il leur semble, au hasard, qui paroissent faits avec une négligence choquante & qui ne sont arrêtés dans aucune partie. « Cependant, dit avec raison M. Reynolds, ces dessins ainsi heurtés sont en effet d’une grande valeur, parce que, malgré la manière en apparence grossiere dont ils sont traités, ils donnent une idée de toutes les parties qu’ils indiquent sans les exprimer, & d’un tout ensemble qui est saisi par ceux qui savent les bien lire. L’heureuse facilité de ces indications annonce les talent du maître, soit dans la conception & la composition en général, soit enfin dans les graces & l’élégance des attitudes. » Il est vrai que tout cela n’est apperçu que par les personnes savantes dans l’art : c’est sur parole que les simples amateurs estiment & payent chèrement ces croquis : l’argent qu’ils en donnent est le prix auquel ils achètent le titre de connoisseurs, & comme ce titre leur est précieux, il est bien juste qu’ils l’achétent quelquefois un peu cher. (L)

PRIX. Ce mot se prend encore dans une autre acception : il signifie la récompense accordée au mérite consommé, ou l’encouragement donné au mérite naissant. On a vu quelquefois proposer un concours entre des artistes estimés ; chacun d’eux étoit payé de son tableau, & un prix étoit décerné à celui que l’on jugeoit avoir fait le meilleur ouvrage.

L’académie royale de peinture & sculpture de Paris, imitée par d’autres écoles, propose différens prix à ses élèves. Une médaille d’argent est accordée à l’élève qui a le mieux dessiné ou modelé une académie : c’est ce qu’on appelle le prix de dessin. Le grand prix, qui se donne seulement une fois chaque année, consiste en une médaille d’or : il est adjugé à l’élève qui a fait le meilleur tableau ou le meilleur bas relief sur un sujet donné, & lui procure le droit de faire le voyage de Rome aux frais du roi. Une médaille d’or de moindre valeur forme le second prix.


Tome II. Beaux-Arts. Ee