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si un tableau exprimoit beaucoup, mais s’il faisoit beaucoup d’effet ([1]).

L’objet d’un art étant fixe & déterminé, la méthode qu’il doit suivre est prescrite : car parmi toutes celles qu’on pourroit imaginer, il n’y en a qu’une qu’on puisse regarder comme la meillure de routes, & elle est toujours composée de différentes maximes, dont les unes sont subordonnées aux autres suivant leur différente importance. C’est l’expression qu’il faut principalement chercher, lorsqu’il s’agit de rendre des êtres capables de sentiment ; comme c’est l’ester qu’il est essentiel de trouver, lorsqu’on peint des choses inanimées.

Ainsi la représentation d’un fait que l’histoire propose à la peinture, & celle d’un paysage, sont deux choses dont l’exécution demande une manière qui, sans être opposée, n’est cependant pas la même. Dans la première, où tout annonce des êtres pensans, agissans, capables de sentir, l’effet fera subordonné à l’expression qui est le but principal : dans le paysage au contraire, c’est l’effet même qui est le principe du sentiment ; c’est lui qui anime la nature muette ; c’est lui qui, ménageant les lumières avec économie, enveloppe dans l’ombre les objets les moins importans, & rappellant la vue sur le petit nombre de ceux qui sont les plus agréables, nous transporte dans l’endroit même que l’artiste a voulu peindre. Car quelque beau que soit le site qu’il aura choisi ou composé, il ne nous touchera qu’autant que, pour nous le mettre sous les yeux, l’auteur aura eu l’art de rapprocher les circonstances les plus intéressantes qui le sont valoir, & qu’en les liant intimement ensemble par l’effet qu’il aura su leur donner, il n’aura, pour ainsi dire, fait de toutes ces parties réunies, qu’un seul objet.

…..D’après ce que nous venons de dire, nous es’pérons que l’on ne croira pas que c’est l’effet que nous blâmons dans la peinture, mais l’emploi ou plutôt l’étrange abus qu’on en a fait, & qui, ayant introduis parmi nous une forte d’art nouveau, a soumis celui de Raphaël, au caprice du moindre écolier, en


le réduisant à une sorte de méchanique qui le déshonore totalement. Dans cet état d’avilissement que nous avons représenté, l’art devenu sans comparaison plus facile, n’a plus demandé de ceux qui le prosessoient le même génie, la même science, ni cette grande élévation d’esprit qu’il exigeoit autrefois ; ce qui a fait que les peintres te sont multipliés à l’infini, & que tout-à-coup on a eu beaucoup de tableaux, mais très peu de bons ouvrages… On a dès-lors vu des amateurs orgueilleux se croire capables de faire mieux que des articles, & de diriger les opérations d’un art qui, fur tous les autres, demande à être libre : on les a vus conduire eux mêmes les tableaux qu’ils vouloient avoir & comme si ce n’eût pas été assez d’en choisin les sujets ([2]) avoir la présomtion de décider comment ils devoient être exécutés. Contrainte par ce nouveau genre de servitude, bien plus grand que celui qu’ils avoient voulu éviter, les peintres n’ont plus été les auteurs de leurs ouvrages, & comme on ne peut jamais rendre les sentimens des autres, comme on peut exprimer les siens propres, tout a été gêné dans leurs productions ; la grace, le naïveté, la simplicité ont disparu ; tout s’est ressenti de la gêne dans laquelle on a tenu l’artiste, & l’on peut dire qu’en perdant l’expression & le goût du grand, la peinture a pris une forme nouvelle, sous laquelle elle n’a plus été reconnaissable.

PRIX. (subst. masc.) Ce mot exprime la valeur des choses, la somme pécuniaire que l’on en donne. On dit qu’une marchandise est à très haut prix, pour exprimer qu’elle se vend très-cher.

On a vu des tableaux de certains maîtres se vendre à très-haut prix de leur vivant, & se donner ensuite a très-bas prix ; c’est un juste arrêt de la postérité qui réduit à leur Julie valeur des ouvrages, dont l’engouement

  1. (1) De-là ce genre d’apparat, dans lequel l’artiste ne cherche, & le public n’admire que l’effet ; de là cette négligence des principales parties de l’art ; de-là cette sorte de mépris dans lequel est tombé Raphaël. Car on le loue par pudeur, mais on ne sait pas l’estimer. Ce qu’on appelle l’effet manque souvent ses ouvrages, & il ne sauroit plaire à des gens qui n’ont que des yeux, & qui croyent que la peinture ne doit parler qu’aux yeux. M. d’Hancarville ne prescrit pas aux peintres d’histoire de négliger entièrement l’effet ; ce seroit leur conseiller de mettre leurs succès au hazard : mais ils ne doivent le regarder, que comme une partie inférieure, & la partie capitale de leur art. (Note du Rédacteur)
  2. (1) Quant au choix des sujets, & à ce qui regarde l’invention, on peut répondre à M. d’Hancarville, que même dans les plus beaux temps de l’art, des hommes éclairés ont conduit des artistes illustres, qui avoient la docilité de demander & de suivre leurs conseils. Mais si ces artistes n’étoient pas assez instruits dans les lettres, ils étoient du moins capables de réfléchir profondément sur les idées qu’ils recevoient, & de se les rendre propres par la force de leur génie. C’est ainsi que Raphael a été guidé par le cardinal Bembo dans les ouvrages qu’il a faits au Vatican. Michel-Ange, plus instruit, ne se seroit laissé guider par personne. Annibal Carrache profitoit, pour l’invention, des lumières de son frète Augustin & de quelques gens de lettres. On ne sauroit trop recommander aux artistes d’acquérir assez d’instruction pour ne rien devoir qu’à eux-mêmes dans toutes les parties de leurs ouvrages. Sans chercher des exemples hors de la France, tels ont été le Poussin, le Brun, Mignard, &c beaucoup d’autres. (Note du Rédadeur.)
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