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Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T02.djvu/23

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ges sont à Fontainebleau. Le premier étoit bon compositeur, avoit une touche légère, un bon ton de couleur, & montroit de la science dans les attitudes qu’il donnoit à ses figures ; mais il cherchoit trop à expédier pour menager la correction & se tenir dans les bornes du naturel, Il devint maniéré, comme tous ceux qui négligent la nature pour se livrer à la pratique.

Il étoit en même temps peintre & architecte. Le château de Meudon & le tombeau de François I ont été élevés sur ses dessins.

L’abbaye dont il étoit pourvu lui fournissoit le moyen de vivre avec grandeur ; mais il se faisoit pardonner sa fortune par ses libéralités envers les artistes qui le secondoient dans ses travaux. Il est mort à Paris en 1570, à l’âge de quatre-vingt ans.

Antoinette Stella a gravé, d’après le Primatice, un plafond représentant Jupiter sur l’Olympe, entouré de tous les dieux. Les vertus cardinales qu’il a peintes à Fontainebleau, ont été gravées par Ant. Fantuzzi.

(16) Giulio Pippi est plus connu sous le nom de Jule Romain, & ce nom apprend assez à quelle école il appartient. Il naquit à Rome en 1492. On ne connoît point ses parens, ce qui peut faire supposer qu’il étoit d’une naissance obscure ; les hommes distingués par les talens peuvent illustrer leur postérité ; mais ils ne reçoivent aucune illustration de leurs ancêtres : ils sont eux-mêmes les auteurs deleur noblesse, & n’ont d’autre tître à produire que leurs succès

Placé dans l’école dé Raphaël, Jules devint le plus célèbre disciple de ce grand maître, qui le fit cohéritier de ses biens avec le Penni. Tant que son maître vécut, il confondit ses talens avec ceux de ce grand peintre, & ne fit rien de lui-même : ce ne fut qu’après la mort de Raphaël qu’on pût reconnoître le véritable caractère de son talent. On vit alors qu’il avoit un esprit élevé, une tête poëtique, de grandes conceptions, un dessin correct, mais maniéré dans certaines parties, surtout dans les extrêmités. Il montra plus de feu que son maître, ou plutôt il ne craignit pas de se livrer à une fougue imprudente, qui ne lui permetoit pas d’étudier & de respecter les vérités de la nature, qui le forçoit de produire, sans lui laisser ce repos de l’ame, ce calme heureux pendant lequel elle s’occupe de la perfection. Son dessin dûr & sévère étoit ennemi de ces graces qui avoient prodigué leurs faveurs à Raphaël ; ses demi-teintes étoient noires, ses chairs tiroient sur un rouge de brique. Ses têtes, ses draperies manquoient de variété. Mais ces defauts étoient réparés ou balancés par une grande fécondité d’imagination, par toute l’érudition qui peut être convenable à un artiste, la science de l’histoire, celle de la mythologie, de la perspective, &c. La nature sembloit l’avoir surtout destiné à traiter des sujets terribles ou gigantesques.

Il quitta Rome sous le pontificat d’Adrien VI qui ne protegea point les arts ; il la quitta une seconde fois pour se soustraire à la punition dont il fut ménacé, lorsqu’il eut fait les dessins obscènes que grava Marc-Antoine, & qui sont connus sous le nom de postures de l’Aretin. Il chercha alors un asyle à Mantoue, & comme il possédoit bien l’architecture civile & militaire, il fortifia cette ville, & y fit construire sur ses dessins le fameux palais du T, ainsi nommé, parceque le plan ressemble à cette lettre de l’alphabet. Il fut l’architecte & le peintre de ce bâtiment.

Sa fortune commencée à Rome, s’accrut à Mantoue par les libéralités du Prince. Il se fit bâtir dans cette ville une maison qu’on pouvoit regarder comme un Palais, & y forma un très-riche cabinet d’antiques. Il alloit retourner à Rome pour y remplir la place d’architecte de la basilique de S. Pierre, lorsqu’il mourut en 1546, âgé de cinquante-quatre ans.

Mengs observe que Jules Romain joignoit à une manière extrêmement dure & froide, un pinceau fort timide, lisse & léché ; qu’en cherchant à imiter le goût grave & expressif de Raphaël, il tomba dans le noir & que ses figures ont une expression, théatrale & affectée.

Pour mieux caracteriser cet artiste, nous croyons devoir rapporter les détails dans lesquels est entré M. Cochin sur les principaux ouvrages que ce peintre a laissés à Mantoue.

« L’architecture du palais du T est fort belle, dit-t-il, à la façade & dans la cour. Toutes les peintures sont de Giulio Romano. Dans une grande chambre on voit la chûte des Geans : ces geans ont plus de quinze pieds de proportion. En haut sont tous les cieux & le trône de Jupiter. La composition est de figures d’un beau choix & les grouppes sont assez bien liés ; le dessin en est d’un caractère fort grand, quoique plein d’incorrection. Les têtes sont, pour la plupart, d’une grande beauté de caractére & de belles formes : cependant il y a peu de finesse dans le dessin, & beaucoup de manière dans les formes ; elles sont outrées ([1]) : les expressions

  1. « Malgré le secours des conseils & des exemples de Raphaël dit ailleurs le même artiste, la plupart de ses élèves sont tombés dans la bizarrerie. Leurs contours ont du grand, mais ce sont des membres tortueux ; de gros muscles qui, à la vérité, sont bien à leur place & dans leur action, mais outrés & sans les adoucissemens