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[1]en sont fortes. Il n’y a point d’effet de lumière ou très-peu, & la couleur est rouge dans les figures d’hommes. »

« Dans l’autre aîle du bâtiment, on voit une chambre toute peinte de grands morceaux, mélés de plus petits en plafonds & raccourcis. On y admire un bon caractére de dessin, & rien de plus : il s’y trouve quantité de choses mal dessinées. Les plafonds sont d’un raccourci très-hardi, mais peu gracieux & d’une couleur désagréable : ce sont des sujets allégoriques de l’Amour, de Bacchus, & autres. »

« Dans la galerie du palais Ducal, les morceaux les plus beaux & les plus dignes de Jules Romain son celui du milieu, l’assemblée des Dieux, celui d’Apollon conduilant son char, celui de l’Aurore & ensuite une figure d’homme couronné de lauriers & tenant une palme. Les éventails des bouts de la galerie ont aussi des beautés, de même qu’une figure de bout près du plafond de l’Aurore. On voit dans ces morceaux une grande manière de dessiner & de draper ; ils sont peints avec hardiesse & fermeté ; les têtes sont de grand caractère & de belles formes ; les figures d’un beau choix en particulier, mais peu grouppées. Le plafond de l’Aurore fait beaucoup d’effet. Les quatre chevaux vus en dessous sont pleins d’action & de feu ; la figure du soleil est bien dessinée. Il y a néanmoins beaucoup de ces figures mal dessinées & très incorrectes. Si l’on y voit plusieurs belles têtes, il y en a aussi beaucoup qui ne sont pas ensemble. En général, ce qu’il y a de beau ne consiste que dans la manière & dans la belle forme : mais à la vérité c’est une des plus belles parties de l’art que cette grandeur de caractère : du reste, la couleur est mauvaise & il y a peu d’effet. »

Un autre artiste a trouvé la véritable cause des défauts de Jules Romain. Il semble, dit Lépicié, que Jules Romain n’ait été occupé que de la grandeur de ses pensées poëtiques, & que pour les exécuter avec le même feu qu’il


les avoit conçues, il se soit contenté d’une pratique de dessin dont il avoit fait choix & qui lui faisoit abandonner la variété & la vérité qu’il auroit puisées dans la nature. L’abondance de son génie lui a fait souvent trop charger ses compositions, qui d’ailleurs étoient nourries d’une parfaite connoissance de l’antique qu’il avoit étudié avec soin, & dont il avoit su profiter en peintre & en homme de lettres.

Le Roi posséde huit tableaux de ce Maître, dont l’un est son portrait peint par lui-même. Entre les autres, il n’y a que l’adoration des bergers dont les figures soient grandes comme nature : elles sont d’un grand caractère de dessin. La circoncision & le triomphe de Vespasien & de Titus sont des tableaux capitaux par l’étendue de la composition ; mais ce ne sont que des figurines, & Jules Romain n’étoit à son aise que dans les plus grandes proportions. On remarque, dans le dernier ouvrage, toute la connoissance qu’il avoit de l’antique. C’est principalement dans les cinq cartons peints en détrempe sur papier, pour des tapisseries, & dont les figures sont plus grandes que nature, qu’on peut connoître & juger le caractère de Jules Romain. Ces cartons appartiennent au Duc d’Orléans : ils étoient à Saint-Cloud.

Le triomphe de Titus & l’adoration des bergers ont été gravés par Desplaces. P. Santo Bartoli a gravé d’après le même peintre plusieurs frises & autres sujets. L’Amour & Psyché couronnés par l’Hymen, ont été gravés par le Mantouan.


(17) Antoine Allegri dit le Correge, de l’école Lombarde. Voyez ce qui a été dit de ce peintre sous l’école Lombarde, article Ecole.

On croit communément que le Correge n’a jamais vu Rome ni l’antique. S’il a vu quelques ouvrages de Raphaël, & qu’il se soit écrié, comme on le prétend : « & moi aussi je suis peintre ; » Ed io anche son pictore, il s’agit de quelque tableau de ce maître apporté à Parme. Lépicié soupçonne que c’est celui qu’on connoît sous le nom de cinque santi, placé dans l’église Saint-Paul de cette ville. « On peut assurer, dit-il, que ce tableau étoit bien capable de faire concevoir au Correge une bonne opinion de lui-même ; car il est assez mai composé : ce sont cinq figures tout à fait séparées les unes des autres, ne formant aucun grouppe & ne produisant aucun effet. Le Correge, auteur de si vastes machines, a dû bien mal penser de Raphaël s’il n’a vu que ce morceau : il en auroit eu toute autre idée s’il fût entré dans les chambres du Vatican, & que la voie de l’examen eût fait place à celle du sentiment. »

Mengs pense au contraire que le Correge

  1. que la peau y apporte ; de gros mollets aux jambes, & des chevilles de pied extrêmement resserrées. Tout cela est de la manière : elle est belle, si l’on veut, & fondée sur des principes généraux qu’on ne doit pas perdre de vue : mais il n’en est pas moins vrai que c’est passer le but, qui est toujours de se rapprocher de la vérité & de la nature, & d’y chercher seulement les beautés dont elle est susceptible » Lettre à un jeune artiste. M. Cochin infre de cette observation qu’il est dangereux de se borner à l’étude unique de Raphaël : mais ce n’est pas pour avoir tenté d’imiter uniquement leur maître que les disciples de Raphaël sont tombés dans les défauts qu’on leur reproche : c’est, au contraire, parce qu’ils ont cru ajouter à l’art de nouvelles beautés, en joignant à l’imitation de Raphaël celle. de Michel-Ange. On sait que cette dernière imitation a égaré quelque temps Raphaël lui-même.