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SACRIFICE, (subst. masc.) On appelle sacrifice dans les ouvrages de l’art certaines beautés partielle que l’artiste sacrifie à la beautés, à la perfection du tout-ensemble. Ce n’est pas quelquefois un des plus foibles moyens de terminer & de perfectionner un ouvrage, que d’y sacrifier des parties auxquelles on avaît d’abord donné beaucoup de soin. Sacrifier n’est pas toujours effacer, supprimer ce qu’on avoit fait ; c’est l’envelopper dans la demiteinte ou dans l’ombre, c’est le cacher en quelque sorte, en le laissant cependant subsister ; c’est empêcher qu’il n’attire les regards du spectateur aux dépens de ce qui doit les fixer.

Il y a donc des sacrifices de composition & des sacrifices d’effet. Les sacrifices de composition confinent à supprimer des figures ou des objets accessoires qui nuiraient à l’impression que doivent faire les objets capitaux ; les sacrifices d’effet consistent à éteindre l’éclat des objets qui doivent céder à l’autres & ne pas arrêter & distraire la vue.

« Les beaux effets de lumière, dit Félibien, & ces éclats de jour que, dans un tableau, on voit frapper le sommet d’une montagne qui l’omble véritablement éclairée du soleil, ne seroient ni si vrais ni si agréables, si le peintre n’eût pas su ménager les couleurs, les plus claires, & s’il les eût répandues également dans tout son ouvrage. Ce sont ces épargnes intelligentes qui font, en peinture, ce qu’on nomme le précieux. Il ne doit y avoir guère de ces richesses. Comme bien souvent ce n’est une petite perfection à un orateur de savoir supprimer beaucoup de choses, ce n’est pas non plus un témoignage de peu d’habileté, à un peintre, de retrancher plusieurs parties qui seroient delles en elles mêmes, mais dont la beauté feroit tort au principal objet. C’est ainsi qu’il affecte d’éteindre les couleurs vives dans une draperie, & toute sorte de broderies dans un vêtement, de peur que ces petits avantages ne nuisent à ceux d’une belle carnation. C’est ainsi qu’il ne veut pas donner de gaieté à un paysage, afin que la vue ne s’y arrête pas, mais qu’elle se porte aux figures qui sont faites pour être le principal objet du tableau. Car il est vrai qu’il y a des ouvrages qui, pour être trop riches, sont moins beaux, comme il arriva à la statue que Néron fit


dorer ; elle ne put augmenter de prix sans perdre beaucoup de sa grace. Ce peintre pensoit avoir bien réussi qui, montrant à Apelies un tableau où il avoir peint Hélene richement vêtue, lui en demandait son avis, ou plutôt son approbation. Mais Apelles lui répondit avec sa sincérité ordinaire, qu’il avoit fait une figure fort riche, mais non pas belle. »

« La beauté ne consiste point dans les parures & dans les ornemens. Un peintre ne doit pas s’attacher aux petits ajustemens, surtout dans les sujets d’histoire où il prétend représenter quelque chose de grand & d’héroique. Il y doit faire paroître de la force, de la grandeur, de la noblesse ; mais rien de petit, de délicat, ni de trop recherché. Il en est des ouvrages de peinture comme de ceux de poesie ; il ne faut pas qu’il paroisse que l’article ait pris plus de plaisir à se satisfaire lui-même, & à faire connoître le jeu de son esprit & la délicate se de son pinceau, qu’à considérer le mérite de son sujet. »

« Il faut, il est vrai, qu’il y ait dans les tableaux quelque chose d’agréable & de touchant, aussi bien que de grand & de fort : mais cet agrément doit toujours naître du sujet que l’on traite, & non pas de choses étrangères. On ne prétend, pas retrancher les choses belles, quand elles sont propres aux lieux où on les met ; mais on condamne ceux qui gâtent un sujet qui de soi est noble & grand, parce qu’ils s’arrêtent trop à la recherche des ornemens de certaines parties inutiles. »

« Ces observations sont connaître la difficulté qu’il y a d’être un grand peintre. Quoiqu’un homme soit né avec les qualités propres à la peinture, il lui reste quantité de choses qu’il doit apprendre, & que la nature ne donne pas. Jamais on n’a assez de temps pour acquérir les connoissances nécessaires à la perfection de cet art. »

SAGE, (adj.) La signification de ce mot appliqué aux arts a quelque chose de vague, comme celle de tous les termes moraux dont on se sert figurément pour des objets physiques.

Un ouvrage de peinture est composé de l’image qui en fait le partie matérielle, & de l’intention qui en est la partie spirituelle.



Beaux-Arts. Tome II. M m