Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T02.djvu/292

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282 § C Û une grande politesse, il unissoit beaucoup de courage. Paris manquoit encore de police, cette ville étoit infestée de voleurs ; mais Guillain s'étoit rendu la terreur des perturbateurs de la sûreté publique. Il ne marchoit jamais la nuit fans porter un fléau garni de chaînes qui se terminoient par des pointes d'acier : avec cette arme, maniée d'un bras vigoureux, il bravait les malfaiteurs & leurs armes, & eut plusieurs fois le plaisir de sauver des personnes attaquées. Sa réputation de valeur lui mérita d'ètre élu capitaine de son quartier ; alors les bourgeois de Paris se gardoient euxmêmes, usage tombé depuis en désuétude, mais qu'une constitution nouvelle vient de faire renouveller. Cet artiste est morten 1658, âgé de soixante & dix-sept ans.

(18) JACQUES SARRASIN, né à Noyon en 1590, fut amené à Paris dès son enfance, & eut pour maître le père de Simon Guillain. Le desir d'imiter les grands maîtres, lui fit entreprendre de bonne heure le voyage d'Italie, & il ne tarda pas à se distinguer entre les habiles artistes qui étoient alors à Rome. Le Cardinal Aldobrandin, neveu de Clément VIII, sentit le mérite du statuaire françois, & lui confia l'exécution de l'Atlas & du Polyphème qui soutiennent à Frescati, le voisinage des figures antiques, dont cette maison est décorée. Ce sut là que Sarrasin connut le Dominiquin & mérita son amitié. Ces deux artistes réunirent leurs talens pour faire en commun quelques ouvrages, entre lesquels on distingue deux termes en stuc. Notre statuaire eut à Rome le bon esprit d'étudier beauccup, Michel-Ange, & de se rendre propre la science & le génie de ce grand maître, sans devenir son imitateur.

Il ne revint à Paris qu'après dix-huit ans d'abnce, & tous les ouvrages qu'il a faits assurent sa réputation. Mais on distingue surtout les cariatides qui décorent le grand pavillon du vieux louvre, figures collossales & en même temps sveltes & légères : le crucifix qui est placé à Saint-Jacques de la Boucherie ; on en voit le modèle à l'Académie ; le mausolée de Henri de Bourbon, Prince de Condé ; le grouppe de Romulus & Rémus à Vctfaillcs ; le grouppe de deux enfans & d'une chèvre placé à Marli ; ces deux figures sont un peu manierées, mais elles semblent de chair ; le mbeau du Cardinal de Bérulle, aux Carmélites ; ouvrage dans lequel l'auteur a vaincu la dureté du marbre. Sarrasin possédoit de grandes parties de l'art, l'élégance, & les graces, jointes à la sévérité. Il fut en France pour la sculpture, ce que Vouet fut pour la peinture, le chef d'une école féconde en artistes célèbres ; entre lesquels on compte le


Gros & Lerambert. III est mort on 1660, âgé de soixante dix ans.

(19) FRANCOIS DU QUESNOI, bien plus connu sous le nom de François Flamand, naquit à Bruxelles en 1594. Fils d'un sculpteur, il reçut de son père les leçons de son art, & n'avoit pas encore quitté cette école, lorsqu'il fut chargé d'ouvrages publics pour sa ville natale. La manière dont il s'en acquitta, lui mérita la protection de l'archiduc Albert, qui lui accorda une pension pour faire le voyage d'Italie. Arrivé à Rome, il crut ne pouvoir se prescrire un meilleur plan d'étude, que celui de modeler les plus belles figures antiques. Ma avoit à peine atteint l'âge de vingtcinq ans, lorsque, par la mort de son bienfaiteur, il se vit obligé de travailler pour sa subsistance, & de faire des ouvrages plus capables d'arrêter que d'avancer ses progrès : telles étoient de petites figures en ivoire & en bois, & des têtes de Saints destinées à orner des reliquaires. Il étoit dans cette situation, lorsqu'il se lia avec le Poussin, infortuné comme lui, & comme lui, embrâsé de l'amour de l'art. Tous deux employoient le moins de temps qu'il leur étoit poble aux travaux qui les faisoient vivre, & donnoient le reste de leur temps à de savantes études. Le Flamand fit des modèles, & de petites figures en marbre qui furent admirées : &, ce qui est singulier, pendant que le Poussin cherchoit à porter dans ses tableaux le style des statues antiques ; le Flamand tâchoit de donner à la sculpture l'aimable mollesse des tableaux du Titien, & ce fut par l'étude de ce peintre qu'il surpassa tous les sculpteurs dans l'art de traiter les enfans. Il se fit bientôt, pour cette partie de l'art, une grande réputation, & fut chargé de modeler les grouppes d'enfans qui accompagnent les colonnes du maître-autel de Saint-Pierre. Malgré les obligations qu'il eut aux tableaux du Titien, il ne négligea pas la na ure, & l'on sait qu'il fit un grand nombre d'études d'après les enfans de l'Albane.

L'envie, forcée de l'applaudir, se plaisoit à répéter qu'il n'avoit de talent que dans un petit genre, & qu'il seroit incapable de réussir dans de grandes choses. Il confondit lesenvieux, en faisant la Sainte Suzanne qui est placée à Notre-Dame de Lorette, figure à laquelle il sut communiquer quelques-unes des beautés de l'antique. On y admire la noblesse de l'attitude, la beauté de la tête, une douce expression de pudeur & de piété, une belle & savante maniere de draper. Il mit beaucoup de temps à cette figure, il en recommença plusieurs fois les modèles, qui tous étoient le fruit d'une profonde étude : mais on ne compte ni le temps ni les travaux, quand ils sont