Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T02.djvu/297

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s c u vue ; en un mot à sortir des limites do la sculpture, dont l'objet est d'imiter les formes de la nature, & non les apparences des objets ; partie qui appartient à la peinture : c'est de cette façon qu'il introduisit le style maniéré. »

(23) FRANÇOIS ANGUIER, né dans la ville d'Eu, en Normandie, en 1604, fut placé à Paris dans l'école de Simon Guillain, & fit des progrès rapides sous ce maître habile qu'il surpassa. Sa fortune ne lui permettoit pas de faire le voyage d'Italie ; mais ayant eu occasion d'exercer ses talens en Angleterre, il fit assez d'épargnes sur le prix de ses ouvrages, pour aller perfectionner ses études à Rome. Il y mérita l'amitié respectable du Poussin. De retour à Paris, il fut encouragé par les bienfaits de Louis XIII, qui lui donna un logement au Louvre, & la garde de son cabinet des antiques. Quand l'académie royale fut instituée, il resta, par modestie, dans la classe des maîtres.

Il est, dit Dandré Bardon, un des premiers sculpteurs François qui aient donné le sentiment à la pierre. Paris renferme un grand nombre d'ouvrages de cet artiste qui conservent l'estime des connoisseurs. On distingue surtout à l'Oratoire le tombeau du cardinal de Bérulle, celui des de Thou dans l'église de St. Andrédes-Arcs, & le crucifix en marbre du maître-autel de la Sorbonne. Mais le plus grand, le plus considérable de ses ouvrages, monument imposant par l'effet qu'il produit, & très-estimable par la manière dont il est traité, est le superbe mausolée érigé dans l'église des religieuses de Sainte-Marie, à Moulins, au dernier duc de Montmorency décapité à Toulouse. « Sur un sarcophage, dit M. D..., le duc est représenté à moitié couché, & appuyé sur le coude, portant une main sur son casque, & de l'autre tenant son épée ; la duchesse, son épouse, Marie-Félix des Ursins, qui lui a fait construire ce tombeau, est à ses pieds, voilée & en mante. Sur les côtés du sarcophage sont deux figures assises, dont l'une représente la Valeur désignée par Hercule, & l'autre la Libéralité. Un portique formé de quatre colonnes, dont deux soutiennent un fronton, enrichit ce tombeau. Dans les entre-collonnemens on voit les figures de la Noblesse & de la Piété. Au milieu est une urne cinéraire, entourée de festons. Deux autres anges plus grands, mais qui ne sont pas de la main d'Anguier, accompagnent les armes de Montmorency, placées au-dessus du fronton. »

On voit encore du même artiste, dans l'église des Célestins, la pyramide de la maison de Longueville, accompagnée de statues & de


bas-reliefs, & le mausolée de Henri Chabot, duc de Rohan. On pourroit reprocher à François une manière un peu ronde & pesante. Il est mort à Paris en 1699, âgé de quatre-vingt quinze ans.

(24) GILES GUERIN, né à Paris en 1606 ; avoir peu de génie, peu de caractère, & no réparoit pas ces défauts naturels par cette perfection d'étude qui a élevé des artistes peu favorisés de la nature, bien au-dessus de la médiocrité. Si nous saisons ici mention de lui, c'est qu'il tailloit le marbre avec beaucoup d'intelligence, &, comme l'observe Dandre' Bardon, cette partie qui ne tient qu'au métier, étoit alors fort estimée, parce qu'elle étoit encore peu commune. On voit de lui à Versailles, dans les bains d'Apollon, un grouppe de chevaux qu'une pensée triviale fait admirer du vulgaire, mais qui n'est point estimé des connoisseurs, & qui relève à leurs yeux le mérite du beau grouppe des frères Marsy. Il a fait aussi, dans le même parc, uno figure peu remarquable représentant l'Afrique, & à Paris, dans l'église de Saint-Sauveur, la résurrection. Il est mort en 1678, âgé de soixante & douze ans.

(25) JEAN THEODON, sculpteur françois, a peu travaillé pour sa patrie. Nous n'avons pu apprendre ers quelle année, ni dans quelle ville il avoit pris naissance. On prétend que quelques dégoûts qu'il éprouva en France de la part de ses confrères, l'engagèrent à porter ses talens à Rome. Il est vraisemblable qu'il connoissoit déjà cette patrie des arts, & qu'il y avoir fait ses premières études. Ses talens y furent estimés, & il eut l'honneur d'avoir le Bernin pour émule ; lorsqu'il y fit la belle figure de Saint-Jean-de-Latran. Ce n'était pas une foible gloire d'être jugé digne, par les Italiens eux-mêmes, d'entrer en combat d'émulation avec un artiste qui, suivant eux, n'avoit point alors d'égal.

La France artiste remporta encore à Rome un nouveau triomphe. Les Jésuites voulurent décorer de deux grouppes, composés chacun de cinq figures, l'autel de Saint-Ignace qu'ils faisoient élever dans l'église du Jésus. Ils proposèrent ces ouvrages au concours ; les plus célèbres sculpteurs d'Italie se présentèrent dans la lice, & deux François obtinrent la palme ; l'un étoit le Gros, & l'autre Théodon, alors sculpteur de la fabrique de Saint-Pierre. Leurs deux grouppes sont cités entre les chefs-d'oeuvre de la Rome moderne. Celui de Théodnon représente la foi qui foudroye l'idolatrie, exprimée par une figure de femme qui se termine en serpent ; près d'elle est un roi d Japon qui le soumet à la foi chrétienne.