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tinées à cet usage, au lieu de se servir de colle, il faut employer quelque couleur imprégnée d’une huile bien siccative. Cette couleur ne se détrempera point à l’eau ; & si en veut s’en servir pour la pointure à l’huile, l’huile même ne pourra l’altérer. Il faut avoir seulement l’attention de ne pas mettre trop de couleur broyée à l’huile sur les premiers tours de la ficelle, de peur que l’huile ne gagne la partie du poil qui doit servir à peindre ; car elle colleroit ensemble le faisceau de poils, & gâteroit la brosse. (Elémens de peinture pratique par de Piles).

BROYER. (v. act.) M. Watin, marchand de couleurs, est l’auteur que nous suivrons dans cet article qui appartient particulièrement à sa profession ; car les artistes ont coutume d’acheter la plupart de leurs couleurs toutes broyées.

On broye les couleurs sur une table de porphyre, ou de granit d’Orient, ou le plus souvent sur une pierre d’un grain très-serré, que les gens de l’art appellent écaille de mer : elle est plus dure que le granit, elle est susceptible d’un poli plus parfait. Il y en a de grises & de rouges ; il faut préférer celles de la première couleur. On peut aussi broyer sur un grès fort dur, qui devient propre à cet usage quand il a été bien imbibé d’huile ; mais les autres pierres qui viennent d’être indiquées méritent la préférence. Aucune pierre vendre ne peut servir à cette opération, puisqu’elle s’useroit elle-même, & que ses parties se mêlant avec les couleurs en détruiroient le caractère.

L’instrument dont un se sert pour écraser les couleurs sur la pierre, se nomme molette. La partie qui broye doit être plate & très-polie : son plan est rond. La partie que l’on tient à la main a la forme d’un cylindre à pointe émoussée. La molette peut être de la même substance que la pierre : mais tout caillou bien dur est propre à faire des molettes, pourvu que sa forme convienne à cette usage.

On pose les couleurs sur la pierre, on y mêle un peu d’eau, & on passe & repasse la molette par-dessus, jusqu’à ce qu’elles soient réduites en une poudre très-fine. On humecte peu-à-peu les couleurs à mesi qu’on les broye, ce qui facilite cette manipulation. Il est à-peu-près inutile de dire que jusqu’à ce qu’elles soient assez fines, on les rassemble en tas à mesure que la molette les a dispersées. Quand elles sont assez broyées, on les partage en petits tas, à l’aide d’un entonnoir, sur un papier blanc & net, & on les laisse sécher dans un endroit où elles ne soient pas exposées à la poussière. Ces petits tas se nomment trochisques. Les couleurs en cet état, s’appellent couleurs broyées


à l’eau, & se conservent aisément. Quand on les veut employer, il ne s’agit plus que de les détremper, suivant l’usage qu’on en veut faire, soit à l’eau gommée, soit à l’eau imprégnée de colle, soit à l’huile.

Comme la pierre & la molette doivent toujours être très-propres, il faut les laver avec de l’eau, si c’est avec de l’eau qu’on a broyé. Quand la couleur résiste, & qu’il en reste dans les inégalités de la pierre, il faut l’écurer avec du sablon & de l’eau ; on broye ce sablon à la molette comme si c’étoit de la couleur. Il ne faut pas négliger cette précaution, quand on veut broyer une couleur différente de celle qu’on avoir broyée auparavant.

Lorsque l’on a broyé à l’huile, il faut nettoyer la pierre & la molette avec de la même huile sans couleur, ce qui se fait encore de la même manière que si l’on broyoit. Quand toute la couleur qui s’étoit attachée à la pierre & à la molette est bien délayée, on ôte l’huile, en se servant de mie de pain médiocrement tendre, sur laquelle on passe la molette ; & on renouvelle plusieurs fois la mie de pain, en appuyant fortement jusqu’à ce qu’elle se réduise en petits rouleaux. On ne cesse cette opération que lorsque l’huile est parfaitement enlevée.

Si l’on avoit eu la négligence de laisser sécher la couleur à l’huile sur la pierre, on seroit obligé de la récurer à différentes reprises avec du grès, du sablon, ou de l’eau seconde, & quand elle seroit bien nette, on finiroit par la laver avec de l’eau.

Ceux qui broyent souvent du blanc de plomb ont une pierre particulière qui ne sert qu’à cet usage, parce que cette couleur se ternit aisément par le moindre mêlange avec des couleurs différentes.

On doit broyer également & modérément les substances ; on doit les broyer séparément ; on ne doit enfin y mettre de liquide qu’autant qu’il est nécessaire pour les soumettre à la molette. Plus les couleurs sont broyées, mieux elles se mêlent & plus elles donnent à l’artiste de facilité à les employer.

On sent que la manière de broyer les couleurs à l’huile ou au vernis est la même que celle de les broyer à l’eau.

Pour ramasser les couleurs sur la pierre, on se sert d’une amassette, instrument mince & plat, qui est ordinairement de corne. On se sert du couteau à couleur pour ôter ce qui s’est attaché autour de la molette, ou ce qui s’est attaché à l’amassette ; mais on ne l’emploie pas à recueillir les couleurs étendues sur la pierre, parce que la lame s’useroit par le frottement, & que les parties d’acier qui se mêleroient aux couleurs, les gâteroient.

Quoique les peintres, du moins à Paris, achètent ordinairement la plupart des couleurs