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Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T02.djvu/74

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tendoit bien les raccourcis, & dessinoit avec assez de correction. Ses têtes un peu maniérèes ne manquent pas de graces ; il joignoit l’intelligence du clair-obscur à une couleur vigoureuse, qu’on peut cependant accuser de peu de vérité. Il finissoit peu ses ouvrages à l’huile ; mais il les dessinoit & les touchoit avec esprit. Sa réputation s’étant étendue hors de son pays, il fut appellé à Milan par les Théatins pour y peindre la voure de leur église, & y mourut en 1630 âgé de quarante ans. L’ouvrage interrompu par sa mort, fut terminé par Jean-Baptiste Carlone son frère, que Genes compte entre ses habiles peintres.


(112) Jacques Fouquieres, de l’école Flamande, né à Anvers on ne sait en quelle année, eut pour maître Josse Monper & ensuite Breughel de Velours. Il acquit assez de talent dans le genre dit paysage pour que Rubens l’employât aux fonds de ses tableaux. Il travailsa ensuite à Bruxelles & chez l’électeur Palatin, & fut appellé en France par Louis XIII pour peindre dans les trumeaux de la galerie du louvre les vues des principales villes du royaume. Il fut annobli par ce prince, & conçut tant d’orgueil de sa nouvelle noblesse qu’il ne peignit plus que l’épée au côté. Il se fabriqua des ancêtres illustres, & prétendit descendre de la noble famille des Fuggers d’Ausbourg. Pour ne point dégrader sa haute naissance par des travaux mercenaires, il cessa de travailler & tomba dans une extrême pauvreté. Il est moins célèbre par ses talens, que par l’insolence qu’il eut de prétendre commander au Poussin, par les désagrémens qu’il lui causa & qui priverent la France de ce grand peintre.

On convient cependant que Fouquières étoit un paysagiste distingué. Il peignoit bien à fresque & à l’huile. Sa couleur étoit fraîche, mais un peu froide, & tirant trop sur le verdâtre ; son pinceau étoit léger & spirituel, son feuillé vrai, quoique trop peu varié, ses arbres très-bien touchés, ses eaux d’one transparence lympide. Il faisoit bien la figure, mais il avoit le défaut de tenir ses paysages trop bouchés. Il mourut à Paris en 1659, chez un artiste qui le logeoit par compassion.

P. de Jode, Perelle, Morin ont gravé des paysages d’après Fouquières ; on voit quelques-uns de ses tableaux au cabinet du roi.


(113) François Perrier, de l’école Françoise, né en 1590, étoit fils d’un orfévre de Mâcon en Bourgogne. Il marqua de bonne heure des dispositions pour la peinture, prit la fuite de la maison paternelle, & pour faire le voyage d’Italie, il se mit en société d’un aveugle dont il se fit le conducteur. Il travailla quelque temps à Rome pour un marchand de tableaux, & se fit connoître de Lanfranc, qui lui donna des leçons. Il gravoit dès-lors à l’eau-forte, & eut pour son maître la complaisance de graver la communion de St. Jérôme, d’Augustin Carrache, que Lanfranc vouloit opposer à celle du Dominiquin. C’est une tache dans la vie de Perrier, de s’être rangé entre les perfécuteurs de ce grand maître.

De retour en France, il travailla pour le Vouet, ce qui a donné lieu à quelques écrivains de le compter au nombre de ses élèves, « Perrier, dit Felibien, ordonnoit bien, travailloit avec facilité, & l’on ne peut pas dire qu’il ne cherchât le bon goût dans sa manière de dessiner. Il avoit beaucoup de feu, mais il est vrai qu’il étoit souvent peu correct. Ses airs de tête sont secs, peu agréables & son coloris un peu noir. Il ignoroit la perspective & l’architecture, ce qui cause beaucoup d’irrégularités dans le plan de ses figures. Il peignoit assez bien le paysage dans le goût des Carraches. » Quoiqu’il eût du mérite, il est bien plus connu par ses gravures d’après l’antique, que par les tableaux.

Le plus considérable de ses ouvrages est la galerie de l’hôtel de Toulouse. On peut voir de lui une Annonciation au maître autel des Incurables. Il a gravé, d’après lui-même, St. Roch guérissant des pestiférés.


(114) Jacques Jordaens, de l’école Flamande, né à Anvers en 1594, fut élève de Van-Oort, & fut le seul que ne rebutât pas la crapule de ce maître. Mais il étoit retenu par les charmes de Catherine Van-Oort, & l’amour qu’il avoit pour la fille lui faisoit supporter les vices du père. Il reçut le prix de sa constance en épousant celle qu’il aimoit ; mais il regretta toute sa vie de s’être engagé de trop bonne heure dans des liens qui ne lui permirent pas d’aller en Italie étudier les ouvrages des grands maîtres. Ne pouvant se nourrir de leurs chefs-d’œuvre dans leur patrie, il copia du moins ceux de leurs plus précieux ouvrages qui se trouvoient dans la sienne, & sans s’écarter de ses foyers, il tâcha de se rendre élève du Titien, de Paul Véronese, du Bassan & du Caravage. Cependant, comme on est naturellement porté à suivre les exemples qu’on a toujours sous les yeux, c’est l’imitation de Rubens qui se montre dans ses ouvrages, mais avec moins de noblesse que n’en avoit son modèle. Il est tr-vraisemblable, comme on l’a dit avant nous, que s’il avoit pu voyager, il auroit conservé le goût flamand, même dans le sein de l’Italie.

Rubens connut Jordaens, & l’aima. Il se plut à lui procurer des ouvrages, & surtout des cartons à peindre en détrempe, pour être


exécutés