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du plus mauvais choix, & qui ne devient supportable que sous les habillemens dont il revêt ses figures. Il ne s’occupoit point de l’art des grouppes, & dispersoit les figures dans les tableaux. On y voit, par exemple, un homme debout devant une cheminée, un autre assez loin de là qui fume sa pipe. Cela est bien loin des règles classiques de la composition, mais c’est la nature. Dans un sujet historique la nature inspire à l’art de rapprocher, de groupper les figures qui s’intéressent à ce sujet : dans des tableaux pris dans la vie commune, lorsqu’on ne suppose aucun sujet qui intéresse les figures qu’on y introduit, la nature permet à l’art de les disperser. Chacun s’occupe dans son coin, & c’est la représentation naïve de l’intérieur d’un ménage. Mais, dira-t-on, pourquoi choisir de semblables sujets, ou plutôt pourquoi faire des tableaux qui n’ont pas de sujet, & qui par conséquent n’intéressent personne ? La réponse est que s’ils plaisent, ils intéressent ; car le plaisir est un intérêt. Il faut seulement convenir de placer les différens genres dans des classes plus ou moins éminentes, en proportion de la force d’intérêt qu’ils excitent.

Un défaut plus réel qu’on lui reproche, c’est d’avoir quelquefois placé le point de vue si haut, que les appartemens en paroissent bizarres, & seroient même ridicules, s’il n’avoit su remplir par des détails les grands espaces qui seroient restés vuides.

Il n’a représenté que des sujets bas, & en choisissant une laide nature, il l’enlaidissoit encore ; mais il fait oublier ce que ses sujets ont de rebutant, par l’esprit, la finesse, la vérité qu’il donne à ses figures grottesques. Il est mort à Amsterdam en 1685, âgé de soixante & quinze ans. Il eut un frère nommé Isaac, qui fut son élève, qui lui est fort inférieur en suivant la même manière, mais qui l’auroit peut-être surpassé s’il n’étoit pas mort fort jeune.

Adrien van Ostade a gravé plusieurs de ses compositions, & ses eaux-fortes sont recherchées.

Corn. Visscher a gravé d’après ce peintre une tabagie ; J. Visscher une fête de village : Suyderoef des paysans qui se divertissent au cabaret.


(147) Jean Both, de l’école Hollandoise, né à Utrecht en 1610, doit être réuni dans un même article avec André, son frère, puisqu’ils furent inséparables, & qu’ils mirent toujours entr’eux tout en commun, jusques à leurs talens. Après avoir reçu les leçons d’Abraham Bloemaert, ils partirent ensemble, jeunes encore, pour l’Italie. Jean se livra uniquement au paysage, & prit Claude le Lorrain pour


modèle ; André se consacra à la figure, & suivit la manière de Bamboche. Les deux frères travailloient ensemble, & ne mettant pas moins d’accord dans leur peinture que dans leur conduite, on ne s’apperçoit pas que leurs tableaux soient de deux mains différentes. Jamais les figures d’André ne détruisent le paysage de Jean, & si elles exigeoient quelquefois des sacrifices de la part du paysagiste, celui-ci étoit toujours prêt à les faire. Ses ouvrages étoient recherchés malgré la juste réputation de Claude Lorrain. On y trouvoit une plus grande facilité, & ce don de la nature a une grace qui est toujours sûre de plaire. On admiroit l’esprit des figures, la fraîcheur & le piquant de la couleur, une belle entente de lumière, l’art qui la faisoit passer d’une manière étincellante à travers les forêts, enfin un beau fini qui ne sentoit pas la peine. Si l’on a quelquefois reproché à Jean Both le ton jaunatre, on convient qu’il n’a pas mérité généralement ce reproche ; le surnom de Jean Both d’Italie qui lui a été donné semble l’affilier à la mère patrie des arts. Un accident funeste sépara pour toujours les deux frères. Se retirant un soir à Venise, André tomba dans un canal en 1650, & se noya. Jean ne put dès-lors supporter le séjour de l’Italie, il revint à Utrecht, & toujours poursuivi par sa douleur, il eut bientôt la consolation de suivre son frère au tombeau. Quoiqu’André ait toujours peint les figures qui animent les paysages de Jean, il a peint séparément des tableaux de bambochades.

La plupart des estampes d’après les tableaux de Jean Both ont été gravées par lui-même, sont fort estimées. Il a aussi gravé, d’après son frère, le marchand de lunettes. Vorsterman a gravé, d’après André, le savetier dans sa boutique.


(148) Les deux Teniers, de l’école Flamande. Comme le fils est le plus célèbre, c’est à son article que nous avons réservé ce que nous avions à dire du père.

David Teniers, qu’on a surnommé le vieux, pour le distinguer de son fils, naquit à Anvers en 1582, & fut éleve de Rubens. Au sortir de cette école, il voyagea eut Italie, & se lia d’amitié avec Elzheimer ; il goûta la manière de ce peintre, l’adopta & se consacra au petit. Il choisit ses sujets dans la vie commune, & les traita avec beaucoup d’esprit. Après avoir fait à Rome un séjour de dix ans, il revint dans sa ville natale, & y mourut en 1649, âgé de soixante & sept ans.

David Teniers, le jeune, fils du précédent, né à Anvers en 1610, fut d’abord élève de son père, & ensuit d’Adrien Brauwer. Il reçut aussi des leçons, ou du moins des con-


seils