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autour de la société a fortement résisté. Dès-lors on a pu conoître qu’il ne falloit pas songer à rompre ces liens l’un après l’autre, que les efforts qu’on feroit dans ce dessein seroient trop longs & peut-être inutiles, qu’on ne pourroit établir efficacement la liberté partielle qu’en opérant la liberté générale ; enfin, que si l’affranchissement ne cerne en quelque sorte & n’enlève à la fois tous les jets de la servitude, comme les sauvages cernent & enlèvent la chevelure des vaincus, il ajoute aux entraves du pouvoir en faisant sentir son impuissance à les extirper.

Soyez libres, ont dit des seigneurs à leurs esclaves ruraux ; & souvent leurs serfs n’ont pas su ni voulu être libres, parce que la liberté physique de l’homme tient à sa liberté sociale, celle-ci à sa liberté politique, & cette dernière à l’ordre qui est une suite de l’habitude & du consentement de tous.

Chez les anciens, plus les nations se crurent civilisées, plus la cérémonie de faire des affranchis fut vaine pour elles. Pourquoi cela ? C’est qu’il n’est point de vraie civilisation que pour une vraie société, point de vraie société si elle n’est fondée sur le respect absolu de la propriété, qui exclut tout droit & toute prétention sur la liberté d’autrui.

La fausse civilisation d’une société n’est qu’un esclavage universel des membres qui la composent, déguisé sous l’appareil des formalités publiques. Chacun défère en apparence à son concurrent ; tandis que tous cherchent en effet à empiéter sur les autres. On est esclave des préjugés publics & de sa propre cupidité excitée par l’exemple & sans cesse déçue ; on est esclave, & l’on joue l’homme libre & l’on fait le seigneur. Cette représentation ne peut passer en habitude que lorsqu’on l’apprend de jeunesse ; & néanmoins dans certain pays où la bêtise de l’imitation est vulgaire, ceux qui se croient au-dessus du peuple affectent cette représentation, & tâchent de singer les grands ; mais tout cela n’a point de racines & ne tient ni au sol ni à l’opinion ; & delà le déclin de tant de fortunes éphémères, delà la destruction des fortunes rapides de tant de parvenus, dont l’éclat passager n’est pas plus durable que celui d’un vers luisant.

L’affranchissement, comme nous l’avons vu, ne peut être ni utile ni solide s’il est partiel ; pour opérer les grands effets qu’on a droit d’en attendre il faut qu’il soit général ; mais celui-ci dépend de l’opinion publique ; il faut donc travailler sur l’opinion publique. Voilà le régime propre à prévenir ou à réparer les maux causés par la servitude & beaucoup plus puissant que le remède lui-même ; & ce régime qui doit précéder le remède doit sur-tout le suivre & le suivre sans cesse. Or pour opérer sur l’opinion & préparer les esprits & les cœurs au rétablissement de la liberté, il est nécessaire de leur en montrer les avantages au flambeau de l’instruction ; car privé de sa lumière, l’amour propre aveugle égare chaque individu & tend infailliblement & sans le savoir à l’esclavage de son semblable.

L’homme n’est jamais plus esclave ni si longtemps esclave de tout autre que de lui-même, de ses habitudes ou de son erreur. C’est de ces premiers tyrans qu’il faut d’abord le délivrer, & la vraie, la seule manière d’affranchir l’homme, c’est de l’éclairer, & celle de l’éclairer c’est de l’instruire. On entraîne l’homme par le charme de l’éloquence, on le séduit par le préstige des arts, on agite son cœur par l’émotion des sentimens tendres, on élève son ame par l’exemple de la vertu. Nous ne citons ici que des moyens justes & louables de l’émouvoir & de le diriger ; mais ces moyens seuls ne suffisent pas pour le faire marcher avec assurance & sans se tromper, dans la route du bonheur propre à l’homme social, où la nature & ses besoins l’appellent ; ils ne sont pas à la portée de tous les citoyens qui, tous ayant journellement des appetits physiques à satisfaire, doivent apprendre à les contenter sans troubler l’ordre de la société, disons mieux en contribuant à son harmonie.

La véritable instruction pour l’homme en société doit se tirer des loix physiques de l’ordre naturel, qui ayant assujéti l’homme à ces besoins sans cesse renaissans, lui assignent sa part à la subsistance & au bien-être, constituent ses droits & prescrivent ses devoirs. Cette instruction, qui pour être profitable autant qu’elle peut l’être, devroit nous être donnée dès l’enfance, nous montrerait l’usage qu’on peut faire de ces droits & nous feroit connoître les vrais moyens de les étendre ; elle nous feroit voir comment la propriété personnelle qui est notre premier droit, établit notre liberté, & comment l’une & l’autre établissent la propriété foncière, qui s’augmente & s’améliore par les avances. En nous apprenant que chaque homme tient de Ia nature les mêmes droits que nous, elle nous convaincroit qu’il est de notre devoir de n’y point porter atteinte par l’intérêt même de nos propriétés, en un mot, que les droits & les devoirs circonscrivent & respectent la propriéré d’autrui comme sacrée. Telle est la vraie méthode & l’unique moyen d’opérer l’affranchissement général & particulier ; c’est-à-dire, de délivrer l’homme & la société des entraves de la servitude (G).

AFRIQUE, l’une des quatre parties du monde. Le Dictionnaire de Géographie offre plusieurs détails auxquels nous renvoyons les lecteurs.

Comme l’Afrique joue un très-petit rôle dans le monde politique, cet article ne sera pas long. Nous aimons mieux renvoyer aux articles Barbaresques, Alger, Maroc, Fez, Tunis, ce qui regarde les peuples qui l’habitent au nord. Nous parlerons de quelques-unes des nations qui habitent le côté occidental dans des articles particuliers, & à l’art. Esclave, Nègres, du com-