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culture, &c. La spoliation, causée par la partie de l’impôt arbitraire établie sur les fermiers, causoit d’ailleurs un dépérissement progressif, qui, joint au défaut de liberté de commerce, faisoit tomber les terres en petite culture & en friche. C’étoit à ce degré de décadence où les dépenses de la culture ne produisoient plus, l’impôt territorial compris, que 25 pour cent ; ce qui n’étoit même dû qu’au bénéfice de la grande culture qui existoit encore pour un quart dans le royaume[1]. On ne suivra pas ici la marche rapide des progrès de cette décadence ; il suffit de calculer les effets de tant de causes destructives, procédant les unes des autres, pour en prévoir les conséquences funestes.

Tous ces désordres & tous ces abus ont été reconnus ; & la gloire de les réparer étoit réservée à un ministère plus éclairé. Mais les besoins de l’état & les circonstances ne se prêtent pas toujours aux vues que l’on se propose, pour les réformes que peut exiger une bonne administration dans l’économie politique, quoique ces réformes soient très-essentielles & très-pressantes pour l’avantage commun du souverain & de la nation.

VII.

Que la totalité des sommes du revenu rentre dans la circulation annuelle & la parcourre dans toute son étendue ; qu’il ne se forme point de fortunes pécuniaires, ou du moins, qu’il y ait compensation entre celles qui se forment & celles qui reviennent dans la circulation ; car autrement ces fortunes pécuniaires arrêteroient la distribution d’une partie du revenu annuel de la nation, & retiendroient le pécule du royaume au préjudice de la rentrée des avances de la culture, de la rétribution du salaire des artisans, & de la consommation que doivent faire les différentes classes d’hommes qui exercent des professions lucratives : cette interception du pécule diminueroit la réproduction des revenus & de l’impôt.


NOTE.
(Les fortunes qui rentrent dans la circulation).

On ne doit pas entendre simplement par les fortunes qui rentrent dans la circulation, les fortunes qui se détruisent ; mais aussi les fortunes stériles ou oisives, qui deviennent actives, & qui sont employées, par exemple, à former les avances des grandes entreprises d’agriculture, de commerce & de manufactures profitables, ou à améliorer des biens fonds dont les revenus rentrent annuellement dans la circulation. C’est même par ces fortunes actives bien établies, qu’un état a de la consistance, qu’il a de grandes richesses assurées pour faire renaître annuellement de grandes richesses, pour entretenir une population dans l’aisance, & pour assurer la prospérité de l’état & la puissance du souverain. Mais on ne doit pas penser de même des fortunes pécuniaires qui se tirent des intérêts de l’argent, & qui ne sont pas établies sur des fonds productifs, ni de celles qui sont employées à des acquisitions de charges inutiles, de privilèges, &c. ; leur circulation stérile ne les empêche point d’être des fortunes rongeantes & onéreuses à la nation.

VIII.

Que le gouvernement économique ne s’occupe qu’à favoriser les dépenses productives & le commerce des denrées du crû, & qu’il laisse aller d’elles-mêmes les dépenses stériles.


NOTE.
(Laisser aller d’elles-mêmes les dépenses stériles ).

Les travaux des marchandises de main-d’œuvre & d’industrie pour l’usage de la nation, ne sont qu’un objet dispendieux & non une source de revenu. Ils ne peuvent procurer de profit dans la vente à l’étranger, qu’aux seuls pays où la main-d’œuvre est à bon marché par le bas prix des denrées qui servent à la subsistance des ouvriers ; condition fort désavantageuse au produit des biens fonds : aussi ne doit-elle pas exister dans les états qui ont la liberté & la facilité d’un commerce extérieur qui soutient le débit & le prix des denrées du crû, & qui heureusement détruit le petit profit qu’on pourrait retirer d’un commerce extérieur de marchandises de main-d’œuvre, dont le gain seroit établi sur la perte qui résulteroit du bas prix des productions des biens fonds. On ne confond pas ici le produit net ou le revenu pour la nation, avec le gain des commerçans & entrepreneurs de manufactures ; ce gain doit être mis au rang des frais par rapport à la nation : il ne suffiroit pas, par exemple, d’avoir de riches laboureurs, si le territoire qu’ils cultiveroient, ne produisoit que pour eux.

Il y a des royaumes pauvres, où la plupart des manufactures de luxe trop multipliées sont soutenues par des privilèges exclusifs, & mettent la nation à contribution par des prohibitions qui lui interdisent l’usage d’autres marchandises de main-d’œuvre. Ces prohibitions toujours préjudiciables à la nation, sont encore plus funestes quand l’esprit de monopole & d’erreur qui les a fait naître,

  1. Voyez à l’article Grains. L’exemple d’une nation qui perd annuellement les quatre cinquièmes du produit de sa culture.