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les étend jusques sur la culture & le commerce des productions des biens fonds ; où la concurrence la plus active est indispensablement nécessaire pour multiplier les richesses des nations.

Nous ne parlerons pas ici du commerce de trafic qui est le lot des petits états maritimes. Un grand état ne doit pas quitter la charrue pour devenir voiturier. On n’oubliera jamais qu’un ministre du dernier siècle, ébloui du commerce des Hollandois & de l’éclat des manufactures de luxe, a jetté sa patrie dans un tel délire, que l’on ne parloit plus que commerce & argent, sans penser au véritable emploi de l’argent ni au véritable commerce du pays.

Ce ministre si estimable par ses bonnes intentions, mais trop attaché à ses idées, voulut faire naître les richesses du travail des doigts, au préjudice de la source même des richesses, & dérangea toute la constitution économique d’une nation agricole. Le commerce extérieur des grains fut arrêté pour faire vivre le fabricant à bas prix ; le débit du bled dans l’intérieur du royaume fut livré à une police arbitraire qui interrompoit le commerce entre les provinces. Les protecteurs de l’industrie, les magistrats des villes, pour se procurer des bleds à bas prix, ruinoient, par un mauvais calcul, leurs villes & leurs provinces, en dégradant insensiblement la culture de leurs terres : tout tendoit à la destruction des revenus des biens fonds, des manufactures, du commerce & de l’industrie, qui, dans une nation agricole, ne peuvent se soutenir que par les produits du sol ; car ce sont ces produits qui fournissent au commerce l’exportation du superflu, & qui payent les revenus aux propriétaires, & le salaire des hommes employés aux travaux lucratifs. Diverses causes d’émigrations des hommes & des richesses hâtèrent les progrès de cette destruction.

Les hommes & l’argent furent détournés de l’agriculture, & employés aux manufactures de soie, de coton, de laines étrangères, au préjudice des manufactures de laines du pays & de la multiplication des troupeaux. On provoqua le luxe de décoration qui fit des progrès très-rapides. L’administration des provinces, pressée par les besoins de l’état, ne laissoit plus de sûreté dans les campagnes pour l’emploi visible des richesses nécessaires à la réproduction annuelle des richesses ; ce qui fit tomber une grande partie des terres en petite culture, en friches & en non-valeur. Les revenus des propriétaires des biens fonds furent sacrifiés en pure perte à un commerce mercantile qui ne pouvoit contribuer à l’impôt. L’agriculture dégradée & accablée touchoit à l’impossibilité d’y subvenir ; on l’étendit de plus en plus sur les hommes, sur les alimens, sur le commerce des denrées du crû : il se multiplia en dépenses dans la perception & en déprédations destructives de la réproduction ; & il devint l’objet d’un systême de finance, qui enrichit la capitale des dépouilles des provinces. Le trafic de l’argent à intérêt forma un genre principal de revenus fondés en argent & tirés de l’argent ; ce qui n’étoit par rapport à la nation, qu’un produit imaginaire, qui échappoit à l’impôt & minoit l’état. Ces revenus établis sur l’argent & l’aspect de l’opulence, soutenus par la magnificence d’un luxe ruineux, en imposoient au vulgaire, & diminuoient de plus en plus la réproduction des richesses réelles, & le pécule de la nation. Eh ! malheureusement les causes de ce désordre général ont été trop long-temps ignorées : indè mali labes. Mais aujourd’hui le gouvernement est attaché à des principes plus lumineux ; il connoît les ressources du royaume, & les moyens d’y ramener l’abondance.


IX.

Qu’une nation qui a un grand territoire à cultiver & la facilité d’exercer un grand commercé des denrées du crû, n’étende pas trop l’emploi de l’argent & des hommes aux manufactures & au commerce de luxe, au préjudice des travaux & des dépenses de l’agriculture : car, préférablement à tout, le royaume doit être bien peuplé de riches cultivateurs.



NOTE Ire.
( Ne pas étendre l’emploi de l’argent & des hommes aux manufactures & au commerce de luxe, au préjudice des travaux & des dépenses de l’agriculture ).

On ne doit s’attacher qu’aux manufactures de marchandises de main-d’œuvre dont on a les matières premières, & qu’on peut fabriquer avec moins de dépense que dans les autres pays ; & il faut acheter de l’étranger les marchandises de main-d’œuvre qu’il peut vendre à meilleur marché qu’elles ne couteroient à la nation, si elle les faisoit fabriquer chez elle. Par ces achats on provoque le commerce réciproque : car si on vouloit ne rien acheter & vendre de tout, on éteindroit le commerce extérieur & les avantages de l’exportation des denrées du crû, qui est infiniment plus profitable que celle des marchandises de main-d’œuvre. Une nation agricole doit favoriser le commerce extérieur actif des denrées du crû, par le commerce extérieur passif des marchandises de main-d’œuvre qu’elle peut acheter à profit de l’étranger. Voilà tout le mystère ducommerce : à ce prix ne craignons pas d’être tributaires des autres nations.

NOTE IIe.
(Préalablement à tout, le royaume doit être bien peuplé de riches cultivateurs).

Le bourg de Goodmans-chester en Angleterre, est célèbre dans l’histoire pour avoir accompagné