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v
PRELIMINAIRE.

sent-là les seules voies d’une saine instruction ; ce fut toujours au hasard, malgré lui-même en quelque sorte, & par une heureuse impossibilité de dévier entiérement de la route de la nature, qu’il resta souvent & qu’il revint quelquefois dans les vrais principes & dans la bonne méthode. Au lieu de rechercher dans ses premières sensations ces idées générales, qui ne sont que des moyens plus abrégés de considérer & d’énoncer les perceptions qu’il a tirées de ses idées particulières, il en a fait l’essence des choses & les productions primitives de la nature ; au lieu de recueillir des faits pour former des jugemens, il a voulu tout expliquer avant de rien connoître ; au lieu de revenir sans cesse sur ses observations pour les completter, sur ses jugemens pour les rectifier, il a toujours été en avant, poussé par une erreur dans une erreur plus grande. Voyant les choses avec illusion, il les exprima avec confusion. Les langues n’eurent dans ses discours ni exactitude, ni clarté ; & des langues mal faites, dans des sciences mal commencées & plus mal dirigées encore, ne servirent qu’à en embrouiller la théorie, & à en retarder les progrès.

Tels sont les vices qui ont corrompu la philosophie ancienne, qui l’ont écartée des vérités les plus simples, les plus fécondes, qui l’ont retenue dans des erreurs qui s’étendoient, à mesure qu’on avançoit. Si nous examinons les foibles connoissances amassées dans chacune des nations qui se sont piquées d’étude & de savoir, depuis les indiens jusqu’aux celtes ou gaulois, & dans toutes ces sectes qui se multiplièrent dans la Grèce, depuis Thalès jusqu’à Aristote, nous y verrons l’analyse & l’expérience abandonnées, & l’analogie, une source nécessaire d’illusions, parce qu’elle ne pouvoit conduire que d’une assertion incertaine à une assertion plus douteuse encore ; nous y verrons, & dans la science de l’homme & dans celle de la nature, les rêveries des philosophes enseignées comme les élémens de toutes choses, & l’art d’abuser des mots donné pour l’art du raisonnement. D’autres causes encore, tirées ou de l’intérêt des prêtres, seuls dépositaires des sciences chez les nations primitives, ou de l’orgueil ainsi que de la jalousie des philosophes dans les sectes, ont aussi contribué à égarer l’esprit humain si loin & si long-temps.

Un seul homme avoit bien connu, chez les anciens, la vraie méthode de philosopher ; & ce sage fut en même-temps le meilleur précepteur & le plus parfait modèle de la morale ; tant le génie s’épure par la vertu, tant c’est d’un cœur droit que se forme l’esprit juste ! Cet homme fut Socrate.