498 IDE IDE
ment intelligent, 8c conclure que nous acquérons
nos idéesdans Tinstant que notre ameles apperçoit
en Dieu ? Ce roman métaphysique ne scmble-t il
pas dégrader Tintelligence suprême ? La fausseté
des autres systèmes scffit-elle pour le rendre vraisemblable ?
ôc n’est-ce pas jetter une nouvelle
obscurité sur une question déjà très-obscure par
elle même ?
.
.
A la suite de tant d opinions différentes fur 1 origine des idées, Ton ne peut se dispenser d’indiquer celles de Léibnitz,
qui sc lie en quelque
forte avec les idées innées ; ce qui semble déjà former un préjugé contre ce fystême. De la simplicité de l’ame humaine, il en conclut qu’aucune chose créée ne peut agir sur elle, que tousses changemens qu’elle éprouve dépendent d’un principe interne, que ce principe est la constitution même de Tame, qui est formée de manière qu’elle a en elle différentes perceptions, les unes distinctes, plusieurs confuses, ôc un très-grand nombre de fi obscures, qu’à peine Tame les apperçoit-elle.
Que toutes ces idées ensemble forment le tableau de Tunivers ; que suivant la différente relation de chaque ame avec cet univers, ou avec certaines parties de Tunivers, elle a le sentiment des idées distinctes, plus ou moins, suivant le plus ou se moins de relation. Tout d’ailleurs étant lié dans Tunivers, chaque partie étant une fuite des autres parties, de même Vidée représentative a une liaison si nécessaire avec la représentation du tout, qu’elle ne sauroit en être séparée. D’où il suit que, comme les choses qui arrivent dans Tunivers se succèdent suivant certaines loix, de même dans Tame, ses idées deviennent successivement distinctes, suivant d’auttes loix adaptées á la nature de Tintelligence. Ainsi ce n’est ni le mouvement, ni Timpreffion
fur Forgane, qui excite des sensations ou des perceptions dans Tame ; je vois la lumière, j’entends un son, dans le même instant les perceptions représentatives de la lumière 8c du son s’excitent dans mon ame par fa constitution, 8c par une
harmonie nécessaire, d’un côté entre toutes les parties de Funivers, de l’autre entre les idéesde mon ame, qui d’obscures qu’elles étoient, deviennent successivement distinctes. Telle est Texpofition la plus simple de la partie du fystême de Léibnitz, qui regarde Torigine des idées. Tout y dépend d’une connexion nécessaire entre une idée distincte que nous avons, ôc toutes les idéesobscures qui peuvent avoir quelque rap-n port avec elle, qui se trouvent nécessairement
dans notre ame. Or Ton n’apperçoit point, 8c l’expérience semble être contraire à cette liaison entre les idées qui se succèdent ; mais ce n’est pas la seule difficulté que Ton pourroit élever contre ce fystême, 6c contre tous ceux qui vont à expliquer une chose qui vraisemblablement nous
fera toujours inconnue.
Que notre ame ait des perceptions clout elle ne prend jamais connoissance,
dont elle n’a paj
la conscience, pour me servir du terme introduit par M. Loke, ou que l’ame n’ait point d’autres idées que celles qu’elle apperçoit, ensorte que la
perception soit le sentiment même, ou la conscience qui avertit Tame de ce qui se passe en elle} l’un ou l’autre fystême, auxquels se réduisent proprement tous ceux que nous avons indiqués, n’ex « plique point la manière dont le corps agit fur Tame, ôc celle-ci réciproquement. Ce sont deux substances trop différentes ; nous ne connoissons l’ame que par ses facultés, ôc ces facultés que par leurs effets : ces effets se manifestent à nous par [’intervention
du corps. Nous voyons par-là
l’influence de l’ame fur le corps, ôc réciproquement celle du corps fur Tame ; mais nous ne pouvons pénétrer au-delà. Le voile, restant fur la nature de Tame, nous ne pouvons savoir ce qu’est une idée considérée dans Tame, ni comment elle, s’y produit ; c’est un fait, le comment est encore dans Tobseutité, 8c sera fans doute toujours livré aux conjectures.
iQ. Passons aux objets de nos idées. Ou ce font, des êtres réels ôc qui existent hors de nous 8c dans nous, soit que nous y pensions, soit que nous n’y pensions pas, tels sont les corps, les esprits, Têtre suprême. Ou ce sont des êtres qui.j n’existent que dans nos idées, des productions de notre esprit qui joint diverses idées. Alors ces êtres, ou ces objets de nos idées n’ont qu’une existence idéale ; ce sont ou des êtres de raison, des manières de penser qui nous servent à imaginer, à composer, à retenir, à expliquer plus facilement ce que nous concevons ; telles sont les relations, les privations,
les signes, les idées universelles, 8cc. Ou ce sont des fictions distinguées des êtres de raison, en ce qu’elles sont formées par la réunion ou la séparation de plusieurs idées simples, 8c sont plutôt un effet de ce pouvoir oa de cette faculté que nous avons d’agir fur nos idées, ôc qui pour Fordinaire est désigné par le mot d’imagination. Tel est un palais de diamant, une montagne d’or, 8c cent autres chimères, que nous ne prenons que trop souvent pour des réalités. Enfin, nous avons pour objet de nos idées des êtres qui n’ont ni existence réelle ni idéale, qui n’existent que dans nos discours, & pour cela on leur donne simplement une exis tence verbale. Tel est un cercle quarré^e plus
grand de tous les nombres. ôc si l’on vouloit en donner d’autres exemples, on les trouveroit aisément dans les idées contradictoires, que les
hommes ôc même les philosophes joignent ensemble, fans avoir produit autre chose que des mots dénués de sens ôc de réalité. Ce seroit trop entreprendre que de parcourir dans quelque détail les idees que nous avons fur ces différens objets ; disons feulement un mot fur la manière dont les êtres extérieurs ôc réels se présentent à nous au moyen des idées, 8c c’est une observation’