7*8 LOG LOG de-tourner-, son esprit du côté que Ton veut, est un défaut considérable. L'esprit devroit toujours être jtibre.Sc disposé à réfléchir sur tous les ob- jets qui.se présentent, Sc à faire fur chacun toute íatrention ^requise. On peut dire qu'il nous de- vient inutile, si nous Toccupons tout entier d'un seul objet, tk que nous ne puissions pas Tamener( ài un àutre qui nous paroît plus digne de nos foins. II n'y a personne qui fît scrupule d'appeller cette situation d'esprit une parfaite folie, li elle conrinuoit toujours j tk pendant qu'elle dure, à quelques reprises qu'elle vienne, ce flux Sc re- flux de pensées à Tégard du même objet ne nous avance pas plus dans nos connoissances qu'un cheval qui tourne la roue ne peut nous conduire à la fin d'un voyage, lorsque nous sommes dessus. J'avoue qu'on doit accorder quelque chose aux passions légitimes 8c aux inclinations naturelles : outre les amuscmens que Toccasion fait naître, chacun aime une certaine étude plus que toute autre , Sc y attache son esprit avec plus d'ardeur ; mais il vaut mieux qu'il soit toujours libre , 8c qu'on puisse le diriger du côté que Ton veut. C'est une pareille liberté qu'on devroit s'efforcer d'ob- .btenir , à moins qu'on ne s'embarrasse guères d'un défaut qui nous, rend quelquefois notre es- prit inutile ; car c'est comme si Ton n'en avoit point du tout, lorsqu'on ne peut s'en servir au . besoin tk dans les vues qu'on se propose. , Mais avant de chercher les remèdes propres à guérir ce mal, il faut en connoître les différentes causes, 8c se régler là - dessus pour la cure, si Ton veut du moins y travailler avec quelque succès- Nous avons déjà indiqué une de ces causes, si connue de tous ceux qui réfléchissent un peu, Sc dont ils ont fait si souvent Texpérience en eux-mêmes , qu'il n'y a personne qui en doute. Une passion dominante attache si fort nos pen- sées à son objet Sc à tout ce qui le regarde , qu'un homme , par exemple , qui est passion- nément amoureux néglige ses affaires les plus im- portantes , incapable d'y penser, Sc qu'une ten- dre mère , désolée de la perte d'un fils unique , ne saurait entrer en conversation avec ses plus chères amies. , Mais quoique les passions en général soient la principale causc de la maladie, ce n'est pas la feule qui enclave, pour ainsi dire, l'esprit, tk qui le borne pour un temps à un scul objet dont on ne peut le détourner. D'ailleurs nous expé- rimentons bien des fois que notre esprit occupé de quelque sujet que le hasard ou une légère oc- casion lui offre, s'échauffe peu-à-peu à le con- templer , fans qu'aucune passion s'en mêle, qu'il s'ouvre une carrière où il acquiert du mouve- ment à mesure qu'il avance, comme une boule qui roule de haut en bas , Sc qu'il ne veut point en démordre, jusqu'à ce qu'après y avoir épuisé tout son feu f il trouve au bout du compte que c'est peine perdue ,& qu'il s'est amusé à untf bagatelle indigne de la moindre de ses pensées. II y a une troisième cause plus ridicule en- core , si je ne me trompe , que celle-là ; c'est une forte de puérilité, pour ainsi dire, de l'esprit, qui badine quelquefois avec une poupée de fa façon, Sc. qui ne peut s'en délivrer que diffici- lement , quoiqu'il en joue fans aucun dessein. C'est ainsi'qu'un proverbe trivial ou qu'un mor- ceau de poésie s'empare quelquefois de l'esprit, Sc y fait un tel carillon , qu'il n'y a pas moyen deTanêter ;iln'yanipaix,nitrêve, niau- cune attention pour tout autre objet, Sc cet hôte importun ne veut point lâcher prise, malgré tous les efforts qu'on emploie pour le bannir. Je ne fais si tout le monde a éprouvé la hardiesse de ces idées capricieuses qui nous empêchent de nous occuper à quelque chose de meilleur ; mais je connois des personnes très-habiles qui s'en plaignent beaucoup , tk qui m'en ont parlé à moi-même. Le doute que j'ai là - dessus vient de ce que j'ai oui dire fur un autre cas -qui approche de celui-ci, mais qui est encore plus étrange; c'est à Tégard de certaines visions qui paraissent à quelques personnes, lorsque couchées dans les ténèbres, elles veillent pourtant les yeux ouverts ou fermés. II leur paraît quantité de vi- sages fort extraordinaires qui se succèdent les uns aux autres, ensorte que l'un n'a pas plutôt paru fur la scène, qu'il se retire tk qu'un autre oc- cupe sa place, sans qu'il y ait moyen de les re- tenir un seul moment. Je me fuis entretenu de ce phénomène avec diverses personnes, dont quelques-unes le connoissoient parfaitement bien , 8c d'autres y étoient si novices, qu'elles ne pou- voient pas croire qu'il fût vrai. J'ai connu une dame d'un très-bon esprit, qui, à Tâge de plus de trente ans, n'avoit jamais eu la moindre idée d'une pareille imagination , tk qui, lorsqu'elle m'entendit raisonner là-dessus avec un de ses amis, crut que nous voulions nous mocquer d'elle.} mais quelque temps après , ayant bu , par ordon- nance du médecin, une bonne dose de thé, Sc s'étant couchée ensuite, elle nous dit à notre prer mière entrevue, qu'elle avoit éprouvé alors, ce que nous n'avions pu Jui persuader. Quoi qu'il en soit, il semble que ce phénomène ait une cause méchanique, 8c qu'il dépende de lama.- tière Sc du mouvement du sang ou des esprits animaux. Pour en revenir au remède du mal dont il s'agit, lorsqu'une passion nous occupe , c< qu'on veut tourner son esprit d'un autre côté, je ne sache pas qu'il y ait de meilleur moyen que de calmer cette passion autant qu'il est possible, ou de la contrebalancer par une autre; ce qui est; une adresse qu'on acquiert par Tétude 8c la con 1, noissance intime des passions. A Tégard de ceux qui sc laissent entraîner à leurs propres pensées, fans que l'intérêt ou \a. passion
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