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DISCOURS PRÉLIMINAIRE.

La plante que l’Egypte, l’Arabie, l’Inde où les Égyptiens, faisoient un grand commerce de lin, que tous les peuples de la Gaule & ceux d’au-delà du Rhin convertissoient en cordages & en voiles, n’étoit pas sans doute celle qui servoit à composer ces voiles de brouillard dont les Romaines ainsi que les Grecques voiloient leurs charmes ; vêtement qui, au rapport de Pline, faisoit leur plus bel ornement, au travers duquel cependant le nud trop accusé a beaucoup noirci les crayons de Juvenal, dont Horace fait mention comme d’une étoffe apportée de l’île de Cos, que Varron appelle togas vitreas, & que Sénéque dit être bon à faire paraître le corps nud ; dont enfin paroissent être vêtues la Flore du palais Farnèse, la petite fille de Niobé à la Villa Medicis, &c.

Nulle part que je sâche, Pline ne parle de l’usage du chanvre en tissu ; & combien de peuples, de son temps comme du notre n’y ont jamais employé d’autre matière ? Sans sortir de la France, je pourrois en citer toutes les provinces méridionales. Cependant, la distinction du chanvre & du lin est formelle dans Hérodote. « Il croît en leur pays (des Scythes), soit qu’elle vienne naturellement, ou qu’elle soit cultivée, une plante plus grande, plus forte & meilleure que notre lin, dont les Thraces se font des habits que, quiconque n’a vu de chanvre, prend pour être fait de lin.» Mais le chanvre croissoit au pays même d’Hérodote ; & Pline le connoissoit si bien, que ce qu’il dit, soit de son emploi en corde, soit du temps de le semer, de le récolter, de le faire sécher, de le teiller, soit enfin de la partie la meilleure de son écorce, est entièrement conforme à ce que nous en dirions nous-même ; à l’exception néanmoins du chanvre de Rosea, au pays des Sabins, dont la hauteur égaloit celle des arbres & dont nous n’avons pas d’idée. « Deindè utilissima funibus cannabis feritur à Favonio. Quo densior est, eo tenuior. Semen ejus cùm est maturum, ab œqui-noctio autumni distringitur, & sole, aut vento, aut fumo siccatur. Ipsa cannabis vellitur post vendemiam, ac lucubrationibus decorticata purgatur. Optima Alabandica, plagarum prœcipuè usibus. Tria ejus ibi genera. Improbatur cortici proximum, aut medullœ : laudatissima est è medio, quœ mesa vocatur : secunda Mylasea. Quod ad proceritatem quidem attinet, Rosea agri sabini arborum altitudinem œquat.» (Hist. Univ. liv. 19, ch. 9.)

Les quatre espèces de lin d’Egypte que Pline dénomme par les principaux lieux aux environs desquels on les cultive, n’ont de variétés que celle que leur procure la nature du terrein. Peut-être même l’Egypte ne produisit-elle jamais beaucoup de chanvre : la moindre force que ce Naturaliste attribue aux lins d’Egypte par comparaison à ceux des autres pays, & la chaleur de son climat, dont se passe très-bien le chanvre, donnent lieu de le présumer.

Cependant, c’est au moyen du lin que Pline fait parcourir les mers & rapprocher les continens ; c’est devant cette plante qu’il s’émerveille de