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DISCOURS

C’étoit avouer sa découverte d’une manière bien authentique & bien mal-adroite. Ne devoient-ils pas sentir que l’on attribueroit à une prévention nationale, ou peut-être à un sentiment encore plus injuste, le dessein chimérique d’anéantir l’hommage qu’une noble émulation avoit autrefois rendu à la vérité ?

Il s’est trouvé dans les tems postérieurs, des Géomètres qui, sans prendre un parti décisif entre Neuton & Léibnitz, ont objecté au dernier que la métaphysique de sa méthode étoit obscure ou même défectueuse ; qu’il n’y a point de quantités infiniment petites, & qu’il reste des doutes sur l’exactitude d’une méthode où ces quantités sont introduites. Mais Léibnitz peut répondre : je n’ai proposé l’existence des quantités infiniment petites, que comme une simple hypothèse qui sert à abréger le calcul & les raisonnemens sur lequel il est fondé ; je n’ai pas besoin qu’il y ait des quantités infiniment petites à la rigueur ; il me suffit, comme je l’ai imprimé dans plusieurs ouvrages, que mes différences soient moindres que toute quantité finie que vous voudrez assigner, & que par conséquent l’erreur qui peut résulter de ma supposition, soit au-dessous de toute erreur déterminable, c’est-à-dire, absolument nulle. La manière dont Archimède trouve la proportion de la sphère au cylindre, a pour base des principes semblables. M. de Fontenelle, qui étoit d’ailleurs bien intentionné pour moi, a eu tort de se contenter de dire, à la tête de sa Géométrie de l’infini, qu’après avoir admis d’abord les infiniment petits, je m’étois relâché dans la suite, jusques au point de réduire les infiniment petits de différens ordres, à n’être que des incomparables, dans le sens qu’un grain de sable seroit incomparable au globe de la terre : il devoit ajouter que cette comparaison ne me sert qu’à présenter une idée sensible & grossière de mes différences à l’imagination de certains lecteurs & que, dans le Mémoire[1] auquel il fait allusion, je finis par remarquer expressément, qu’au lieu de l’infini ou de l’infiniment petit, il faut prendre des quantités aussi grandes ou aussi petites qu’il est nécessaire, pour que l’erreur soit moindre que toute erreur donnée. La métaphysique de mon calcul est donc entièrement conforme à celle de la méthode d’exhaustion des anciens, dont jamais personne n’a révoqué la certitude en doute. Et, quoiqu’on ait voulu dire, mon rival n’a réellement, à cet égard, aucun avantage sur moi.

Enfin on a dit que Neuton avoit poussé plus loin que Léibnitz, les applications de la nouvelle Analyse à de grands objets, & que cet avantage forme un préjugé pour faire regarder le premier comme

  1. Voyez Leibnicii opera, tome III, pag. 370.