Jean Bernoulli, qui avoit appris conjointement avec son Frère, l’Analyse infinitésimale dans les écrits de Léibnitz ; opposa au commercium epistolicum, une lettre où il mit en avant, que Neuton n’avoit pas d’abord songé à son calcul des fluxions, ou qu’il ne l’avoit réduit à des opérations analytiques générales en forme d’algorithme, qu’après que le calcul différentiel étoit déjà répandu dans tous les Journaux de Hollande & d’Allemagne. Les raisons qu’il en donne sont, 1.o que dans le commercium epistolicum, on ne voit pas que Neuton ait jamais employé les lettres pointées, pour désigner les fluxions. 2.o Que dans le Livre des principes, où l’Auteur avoit si souvent occasion d’employer ce calcul, & d’en donner l’algorithme, il ne l’a point fait ; qu’il procède par-tout par les lignes & les figures, sans aucune analyse déterminée, & seulement à la manière de Huguens, Roberval, Cavalleri, &c. 3.o Que les lettres pointées n’ont commencé à paroître que dans le troisième volume des œuvres de Wallis, plusieurs années après que le calcul différentiel étoit connu par-tout. 4.o Que la vraie méthode de différentier les différences, ou de prendre les fluxions des fluxions, étoit ignorée de Neuton, puisque dans son Traité des quadratures des courbes, publié en 1706, il donne, pour trouver les différentielles de tous les ordres, une règle qui est fausse, excepté dans le seul cas des premières différences.
À cette lettre, on répondit que la notation ne constituoit pas la méthode ; que les principes du calcul des fluxions étoient contenus dans les lettres & dans le grand ouvrage de Neuton ; que la règle du Traité des quadratures, pour trouver les fluxions de tous les ordres, étoit vraie en supprimant les dénominateurs, & donnoit par conséquent des quantités proportionnelles aux véritables fluxions. Les partisans de Léibnitz répliquèrent que les avantages d’une méthode analytique tiennent en grande partie à la simplicité de l’algorithme ; que la caractéristique de Léibnitz avoit déjà fait faire des progrès considérables à la nouvelle Analyse, dans un temps où presque personne n’entendoit le Livre de Neuton ; & qu’enfin la règle donnée par Neuton, pour trouver les fluxions de tous les ordres, prouve qu’il ne possédoit pas, même en 1706, la nouvelle Analyse, avec autant d’évidence & de sûreté, que les Géomètres de l’École de Léibnitz.
La question étoit ainsi dégénérée en disputes, qui ne faisoient que l’embrouiller & l’obscurcir. Elle parut terminée par la mort de Léibnitz, qui arriva en 1716. Les Anglois poursuivant l’ombre de ce grand Homme, publièrent en 1726 une édition du Livre des principes, où l’on supprima le scholie qui concernoit Léibnitz.