Page:Encyclopédie méthodique - Mathématique, T01.djvu/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xiv
DISCOURS

Tandis que les Savans perfectionnoient l’Astronomie, le besoin ou la cupidité la faisoit servir à l’extension du commerce. Les Phéniciens, aussi entreprenants qu’industrieux, commencèrent à employer les observations célestes pour se conduire dans leurs voyages, & ils en surent retirer un tel secours, qu’il portèrent le commerce dans des pays très-éloignés, se rendirent les maîtres de la mer, passèrent le détroit de Gibraltar, & fondèrent plusieurs Colonies sur les côtes de la méditerranée & de l’océan[1].

Thalès apporta de l’Égypte & de la Phénicie, dans la Grèce, la science des Astres. Il fit connoître à ses compatriotes la théorie des mouvemens du soleil & de la lune ; il leur expliqua les raisons de l’inégalité des jours & des nuits ; il leur apprit l’art de prédire les éclipses du soleil & de la lune, & lui-même mit cet art en pratique sur une éclipse qui arriva peu de tems après. La renommée de son savoir & des choses extraordinaires qu’il enseignoit, lui attira un grand nombre de disciples, qui contribuèrent, à leur tour, à perpétuer & à étendre la même doctrine. Un des plus illustres élèves de Thalès, fut le philosophe Anaximandre, à qui l’on doit l’idée de représenter le ciel étoilé sur la surface d’un globe. On lui attribue aussi le premier usage du gnomon ; on prétend qu’il s’en servit à Lacédémone pour déterminer l’obliquité de l’écliptique, les solstices & les équinoxes.

L’école que Pythagore avoit fondée en Italie, s’adonna principalement à l’étude des mouvemens célestes. On rapporte que ce Philosophe & ses premiers disciples voyant que les étoiles changeoient de hauteur par rapport à un voyageur qui change sensiblement de place sur la surface de la terre, en conclurent que cette surface n’étoit pas un simple plan, comme on est d’abord porté à le croire, mais qu’elle étoit courbe, & formoit l’enveloppe d’une sphère. Pythagore eut une autre idée, tout aussi vraie & encore plus singulière pour ce tems-là : il jugea que le soleil étoit immobile au centre de notre monde, & que la terre tournoie autour de cet astre. Mais, comme cette idée choquoit ouvertement le témoignage des yeux & les préjugés vulgaires, il se contentoit de l’enseigner en secret à ses disciples, soit que ne pouvant l’établir sur un nombre suffisant d’observations, il ne la regardât que comme une simple conjecture, soit qu’il craignît, en la mettant au grand jour, de s’exposer à la dérision publique, ou peut-être aux persécutions de l’ignorance & du fanatisme ; car ces deux ennemis de

  1. M. Cassini, origine & progrès de l’Astronomie, anc. Mémoires de l’Académie, tome VIII.