Les progrès que les nations occidentales de l’Europe ont faits dans les Sciences, depuis le XVIe siècle jusqu’à nos jours, effacent tellement ceux des autres peuples, que je ne m’occuperai plus que des premiers dans la suite de ce discours. Que sont en effet les observations astronomiques des Chinois ou des Indiens, en comparaison de toutes les belles recherches dont les Européens modernes ont enrichi la Géométrie, l’Analyse, la Méchanique, &c ? Il y a une différence essentielle entre l’Histoire du monde politique & celle du monde savant : dans le premier, chaque jour produit quelqu’événement grand ou petit, qu’il faut écrire pour donner un corps à la chronologie ; dans le second, où les événemens sont les nouvelles vérités, si une découverte vient se lier à une théorie plus étendue & plus importante, elle perd son existence individuelle, & on peut l’exclure sans scrupule du tableau général des connoissances humaines.
Toutes les Sciences se sont accrues dans l’intervalle de tems qui nous occupe ici. L’Algèbre fit en particulier, avant le milieu du XVIe siècle, un pas où l’on est encore arrêté aujourd’hui. Elle eut un succès d’un autre genre : l’esprit de ses opérations, appliqué à l’Arithmétique, fit découvrir, dans les nombres, plusieurs propriétés qu’on n’auroit jamais déduites de leur formation immédiate. Je vais donc comprendre, sous le nom générique d’Analyse, les progrès de l’Algèbre & ceux de l’Arithmétique.
Analyse. Depuis que l’ouvrage de Lucas de Burgo avoit paru, on possédoit parfaitement la méthode de résoudre les équations des deux premiers degrés. Mais le passage aux degrés supérieurs étoit difficile. L’Italie eut la gloire de donner à cet égard une nouvelle extension à l’Algèbre.
Cardan, né en 1501, mort en 1576. Cardan rapporte, dans son livre, intitulé : de Arte Magna, & publié en 1545, que Scipion Ferrei, Professeur de Mathématiques à Bologne, est le premier qui ait donné la formule pour résoudre les équations du troisième degré ; qu’environ trente ans après, un Vénitien, nommé Florido, instruit de cette découverte par son Maître Ferrei, proposa à Nicolas Tartaglia, Tartaglia, né en 1479, mort en 1557. célèbre Mathématicien de Brescia, divers problêmes dont la solution dépendoit de cette formule ; & que Tartaglia, en méditant sur ces problêmes, parvint à la trouver. Dans un autre endroit, Cardan fait l’aveu que, sur ses instantes prières, Tartaglia lui communiqua cette même formule,