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DISCOURS

Neuton semble avoir pris plaisir à cacher la méthode qui le dirige ; il est extrêmement avare de paroles dans les endroits où elles seroient le plus nécessaires. Aussi son ouvrage resta-t-il pendant long-tems dans une espèce d’obscurité. On ne commença à l’étudier & à l’entendre qu’au commencement de ce siècle : alors on vit que la clef de Neuton étoit la nouvelle analyse, ou, comme disent les Anglois, la méthode des fluxions.

La manière dont Neuton emploie cette méthode, prouve qu’il la tenoit de lui-même. Quand elle eut acquis, dans le monde savant, l’éclat que son utilité devoit lui donner, il s’en arrogea l’invention exclusive, sans vouloir admettre Léibnitz au partage. J’examinerai leurs droits réciproques ; mais, pour suivre l’ordre historique, il faut que j’expose auparavant le progrès des idées que Léibnitz avoit jettées dans les actes de Léipsick.

En 1686, il eut une dispute avec les Cartésiens sur la mesure des forces, & sur les avantages qu’ils attribuoient à l’analyse ordinaire, pour la résolution des problêmes de Géométrie & de Méchanique. Cette dispute dégénéra bientôt en subtilités Métaphysiques. Ne pouvant forcer ses Adversaires dans de pareils retranchemens, Léibnitz leur proposa comme un défi & comme un moyen de terminer la question, de trouver la courbe isochrone, c’est-à-dire, une courbe telle qu’un corps grave en la parcourant s’approche de l’horizon, de hauteurs égales en tems égaux. Leur silence confondit la vanité de leurs prétentions. Huguens, étranger d’ailleurs à la querelle, jugea le problême digne de son application ; il le résolut, & publia, en 1687, les propriétés de la courbe cherchée, sans en ajouter les démonstrations. Léibnitz, après avoir attendu long-tems la réponse des Cartésiens, donna, en 1689, la solution & l’analyse de son problême ; & pour leur offrir, disoit-il, la revanche, il leur proposa de trouver la courbe isochrone paracentrique, où les approches égales devoient se faire, non plus vers l’horizon, comme dans le premier cas, mais vers un point fixe. La même année, il appliqua son calcul à des recherches concernant le mouvement des planètes & la résistance des milieux. Jacques Bernoulli, né en 1654, mort en 1705.

Ces premiers rayons de l’analyse de Léibnitz, frappèrent vivement les yeux des deux illustres frères Jacques & Jean Bernoulli. L’aîné (Jacques) déjà célèbre par différens ouvrages de Géométrie, de Méchanique & de Physique, avoit initié son frère aux mêmes connoissances.Jean Bernoulli, né en 1667, mort en 1748. Tous deux s’approprièrent tellement la Géométrie des infiniment petits, & en firent un si grand nombre d’applications importantes & difficiles, qu’elle leur est presque aussi redevable qu’à Léibnitz même. Tous deux ont été successivement Professeurs de