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Page:Encyclopédie méthodique - Philosophie - T1, p1, A-B.djvu/231

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ARI ARI 199

la pensée revêtue l’une & l’autre de toutes leurs faiblesses, & donner toute la fermeté de la science à une matière la plus vague & la plus incertaine qu’on puisse imaginer. Il ne marche dans la poursuite de ce dessein, que par des voies alors inconnues à la raison, & dont il n’y avoit avant lui presque aucune trace : il ôte à la pensée tous les détauts dont l’expression est capable de l’altérer : il dissipe tous les nuages, dont l’imagination peut offusquer l’esprit.

C’est pour cela qu’il examine dans le livre de l’interprétation qui est une espèce de grammaire raisonnée, la vertu & la signification des paroles ; qu’il forme les véritables notions des termes dans les catégories, pour les préparer à la division & à la définition, en les réduisant à leur sens naturel : que dans ses livres analytiques, il établit les règles des conversions modales de toutes sortes de propositions, & des différentes figures du syllogisme, dont il construit les principaux fondemens sur trois (1) axiomes de sa logique, & toute cette construction est purement son ouvrage.

Il ne démontre rien dans le livre des catégories qui ne sont que des dispositions à la démonstration : il ne démontre dans le livre de l’interprétation, que le principe des proportions contradictoires : mais dans les livres analytiques, ses pensées sont presque autant de démonstrations, & ses démonstrations autant de principes. Les topiques ne sont que lieux communs d’arguments dialectiques, ou vraisemblables. Les Elenques ( ) sont tous les sophismes imaginables dans leur source. Les deux règles qu’il établit pour la composition parfaite du syllogisme sont qu’il ne doit ruien avoir de faux dans la matière ni rien de vicieux dans la forme.

Sa manière (2) d’écrire n’a rien de ces langueurs de discours qui se trouvent dans Platon, ni de cet air diffus de son siècle : tout y est vif, serré, concis. Enfin cette méthode purement géométrique de démonstration qu’il a prise, a paru toujours si accomplie, qu’elle a été suivie de tous les savans dans toutes les sciences, comme la plus solide & la plus conforme à la manière ordinaire de raisonner. Et cette construction du syllogismne qui est la véritable logique d’Aristote est si partaite en son genre, qu’on n’a pu depuis y rien ajouter, ni en rien diminuer sans la gâter.

(1)

1. Dictum de omni & dictum de nullo.

2. Ea que sunt eadem uni tertio, sunt eadem inter se.

3. Contra lictoria simul esse non possunt.

(2) Aristotele nemo nervosior in scribendo. Cic. in Brut.

Quand on a le sens droit, on ne peut souffrir d’autre manière de raisonner, ni d’autres principes du raisonnement, que ceux d’Aristote. Et comme l’on dispute de tout temps contre la raison, parce que c’est d’ordinaire l’opinion qui gouverne le monde : les siècles sensés ne se font diftingués des autres, que par l’estime qu’ils ont faite de la logique d’Aristote. Car à dire le vrai, ce qu’il a fait pour rectifier la raison, en retranchant l’équivoque des termes, & la confusion des concepts, est une des choses qui on le plus contribué aux progrès de la raison.

Il faut toutefois convenir, que le principal but de cette logique est moins d’apprendre à l’homme l’art de raisonner, qu’il sçait naturellement, que de donner des règles pour examiner les faux raisonnemens, pour les bien distingner d’avec les véritables, & pour se garantir des sophismes de Zénon & de Parmenide. Car il s’étoit formé de son temps une fausse méthode de raisonner, que les sophiftes mettoient en vogue, qu’il entreprend de détruire en la faisant connoître. C’est l’idée sur laquelle roule tout le dessein de sa logique.

Mais est-il certain qu’Aristote soit le véritable auteur de cet art ? J’avoue que pour en préparer la matière, il s’est servi des catégories d’Archytas & d’Ocellus qu’il a appris de Démocrite & de Socrate l’usage de la définition, pour parvenir à cet art ; qu’il a tiré du Cratyle de Platon la distinction des termes par leur propre signification ; qu’il a pris du dialogue de l’Euthydême une partie des observations qu’il a faites dans son livre des sophismes ; que la première connoissance de la méthode des conséquences, de tout cet art captieux des dilemmes lui est venue de Zénon d’Élée ; que Timée de Locres lui a donné la première idée du syllogifme, lequel fut depuis perfectionné par Zénon, comme il paroît dans le commentaire de Proclus sur le Parménide de Platon, & qu’enfin il a trouvé les premiers traits de la démonstratien dans les propositions évidentes par elles-mêmes du Timée & du Théétète. Mais après tout, il est indubitable qu’Aristote est le premier auteur de la forme du syllogisme ; & de la méthode d’en rectifier parfaitement la matière, en ôtant la confusion aux pensées, l’équivoque aux paroles, l’artifice & le déguisement aux propositions, dont se forment les sophismes. Les principaux interprètes d’Aristote sont de (1) ce sentiment.

(1) Demonstrandi viam rationemque certissimam, quis unquam ante Aristotelem explicavit ? Trapesunt. 1. 1. de comp. Flat. & Arist. c. 4.

Aristoteles dialecticae artis universae & inventae perfectae autorem se pradicavit, Ram. c. 7. 1. I. schol.