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ractère est le résultat (1) nécessaire de la substance & de l’organisation de chacun des êtres ; Leur manière d’agir n’est donc que leur nature, leur manière d’être ; & leur manière d’être n’est qu’un résultat méchanique de leurs principes composans. L’univers n’est donc qu’une grande machine composée de roues qui se meuvent par elles-mêmes, & qui, s’engrenant entre elles, produisent leurs effets selon la nature des principes dont elles font composées, ou celle des sujets qui reçoivent leur impression. La divinité intelligente n’est cause que comme le seroit un miroir vivant, qui présenteroit le modèle, comme une loi écrite qui indiquerait l’ordre : tout se fait en sa présence, & rien par elle : toutes les forces sont dans la nature des substances : natura viribus (2),

(1) Naturae ista sunt, non artificiose ambulantis, sed omnia cientis agitatis motibus & mutationibus suis. De Nat. Deor. 3. 15. Un être est par nature, dit Aristote, quand le principe interne qui réside en lui le meut & le conduit à quelque fin. Phys. 2. 8. 1. 23. Il avoit dit un peu plus haut, qu’en suivant cette progression, on voit jusqu’aux plantes agir pour une fin. Si l’hirondelle fait son nid pour une fin, l’araignée sa toile, si les plantes produisent des feuilles pour couvrir leur fruit, & des racines en bas & non en haut, pour se nourrir, il est évident qu’il y a une cause finale dans les êtres qui sont & se font par nature, Text. 7 Car c’est une absurdité de dire que pour agir pour une fin, il faut connoître & avoir délibéré. Si le bois faisoit lui-même un vaisseau, il le feroit comme si la nature le faisoit. Ainsi comme dans l’art il y a des fins, il y en a aussi dans la nature. Ibid. text. 15.

(1) Cic. de Nat. Deor. 3, 11. Aristote dans ses livres de Physique (L. 8.) donne au premier moteur tous les attributs qui conviennent à Dieu sans dire que ce premier moteur est Dieu. Dans son 14e livre des Métaph. il applique à Dieu tous ces mémes attributs, & il dit que Dieu est immuable & immobile, éternel, unique, immatériel, sans parties, ni grandeur, premier moteur chef du ciel & de la nature, intelligent, infiniment heureux, & par lui-méme. Que manque-t-il a cette brillante définition, recueillie par Duval, pour être digne de nos plus exacts Theologiens ?

Il ne s’agit point d’ôter ici à Aristote la gloire d’avoir porté jusques-là ses méditations, ni à la vérité un appui tel que celui d’Aristote ; mais d’un autre c6té, il ne faut pas chercher à nous tromper nous-mêmes. Nous ne dirons point qu’il y a des savans qui prétendent que le livre 13 des Metaph. d’Aristote a été tellement interpolé, qu’on y a glissé quatre ou cinq chapitres qui ne sont point du philosophe. N’est-il pas possible qu’on ait glissé, sinon des chapitres, au moins des mots & des phrases dans le quatorzième ? D’ailleurs ces deux derniers livres ne se trouvent point dans l’édition d’Argyropile, qui est la premiére. Enfin ils étoient de ceux que, selon le témoignage d’Aristote lui-même, personne ne pouvoit entendre sans une clef, qu’il ne confioit pas à tout le monde. Mais voyons de près les parties de cette définition.

Dieu est ; mais il est au-dessus de la circonférence

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Il est aisé de voir par cet exposé, en quoi Aristote diffère des autres philosophes, & en quoi il leur ressemble. Timée, pour délivrer Dieu du pénible emploi de gouverner le monde, avoit imaginé une ame comme un ressort universel, composé de forces contraires, qui sem-

du monde, non ailleurs, parce que c’est là qu’il meut. Phys, 8. 15. t. 24.

Il est immuable & immobile, parce qu’il ne peut passer de la puissance a l’acte ; parce qu’il ne peut recevoir aucune forme nouvelle : c’est par la même raison qu’il n’est ni matière ni rien de matériel ; parce que qui dit matière, en Métaphysique, dit être qui peut passer de l’état de privation à l’état de forme, ou réciproquement. Ainsi, quand Dieu seroit éther, il n’en seroit pas moins immatériel, & comme tel, immuable.

Il est premier moteur ; mais il meut comme l’objet meut la faculté ; ce n’est pas lui qui produit le mouvement, (Métaph.14. 6, & de An. 3. 10.) mais il meut par nature, & non par choix ; il ne peut pas ne pas mouvoir, parcequ’il est acte pur, & qu’il ne peut pas être autre chose. Métaph. 14. 6.

Il est éternel ; mais parce que le mouvement l’est ; & le mouvement l’est parce que le monde l’est ; & le monde l’est, parce que les principes élémentaires & leurs qualités le sont : ainsi Dieu est éternel comme tout être l’est. Phys. 8. 1. & 7.

Il est unique ; parce que le mouvement étant éternel, est continu : s’il est continu, il est un : s’il est un, il faut que le moteur soit un, ainsi que la chose mue est une. Phys. 8. 7. text. 7.

Il est intelligent ; mais l’obier de son intelligence est lui-seul ; elle ne descend pas aux objets vils, qui sont indignes de lui. Métaph. 14. 9.

Il meut les intelligences inférieures, mais comme nous l’avons dit ; & celles-ci meuvent les cinquante-cinq sphères dont Aristote use pour expliquer les mouvemens célestes, comme le premier moteur les meut elles-mêmes, par nature ; parce que telle est leur manière d’être. Ibid. 8.

Il n’a point de parties, parce qu’il est un ; il est un, parce qu’il est continu. Il n’a point de grandeur ; parce que s’il avoit une grandeur, elle seroit finie ou infinie : elle ne peut être finie, parce qu’elle meut d’un mouvement infinie. Elle ne peut être infinie ; parce qu’il n’y point de grandeur infinie. Donc Dieu n’a point de grandeur ni de parties. Phys. 8. 15.

Qu’on joigne toutes ces notions avec celle qu’il donne de la nature, on voit combien il y a dans ces idées de complications, de contradictions, d’obscurités, d’embarras. Quid multis ? Si ex nostris notionibus antiquos auctores, Aristotelem in primis, interpreteris, nihil illis interdum gravius, nihil sapientius, nihil conqstantius. At si vocabulorum potestates ex ipso explanes Aristotele, si quid ille corpore secretum, quid patribus carens, quid efficientem causam, naturam nominaverit exquiras, si universam denique disciplinae compositionem attentius consideres, habebis cur sententiam mutes, & mulium infra veros sapientes hominem colloces. Mosheim ad Cud. 39.