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ARI ARI 219

Pour Platon, ses ouvrages étaient alors fort répandus ; car avant la prise d’Athènes par Sylla, on n’enseignoit publiquement à Rome que la Philosophie de Platon avec celle des stoïciens.

Ce qu’on nous dit de Cratippus, qui du teins de Cicéron enseignoit la Philosophie d’Aristote à Mitylene, n’est pas considérable ; il ne pouvoit l’enseigner que par tradition.

Ainsi il ne faut pas s’étonner si Cicéron & les auteurs de son tems donnent l’avantage à Platon sur Aristote : la réputation du premier était tout-à-fait établie & celle du second ne faisoit que de naître. Il est vrai qu’Athénée prétend qu’il y avoit une copie des ouvrages d’Aristote dans cette fameuse bibliothèque des rois d’Egypte, qui fut commencée par Philadelphe, le second des Ptolomées, après la mort d’Alexandre. J’avoue qu’Aristote avoit pû laisser échapper de ses mains quelque chose de ses écrits, comme Alexandre le lui reprocha : mais il n’y a nulle apparence que tous ses ouvrages fussent dans cette bibliotheque : outre qu’il n’y a aucune preuve, que personne en ait eu connoissance par cette voie. De sorte qu’il est toujours vrai de dire qu’Aristote fut peu connu jusques au tems d’Auguste, & que Platon le fut beaucoup, quoique les romains se piquassent alors bien moins d’être grands philosophes, que d’être excellens orateurs ; parce qu’on ne s’élevoit aux charges, & l’on ne devenoit considérable que par l’éloquence. La Philosophie n’était d’usage que pour la morale, dont on se faisoit une religion pour se former des devoirs, à l’égard des dieux & des hommes (1).

De la secte & de la doctrine d’Aristote, dans les huit premiers siècles.

Le mérite d’Aristote commença, comme j’ai dit à être senti à Rome, par les soins que prit Andronicus de rétablir ses écrits & par les fréquens éloges que lui donna Cicéron en divers endroits de ses ouvrages : mais il faut avouer qu’il fallut bien du tems & bien de la lumière pour sonder cet abyme, & pour en connoître le fond ; parce qu’après tout, il y avoit dans cet auteur des nuages à dissiper, des difficultés à éclaircir, & bien des épines a déraciner : ce qui a été cause qu’on ne l’a bien connu qu’après l’avoir long-tems étudié, & après en

sophis, praeter admodum paucos, ignoretur. Topic. init.

(2) Ut homo per Philosophiam cultum deorum & religionem susciperet. Cic. I. de leg.

avoir pénétré la doctrine, par de profondes méditations. Voici la suite des aventures de sa secte & de sa philosophie.

Athénodore de Tarse, dont Plutarque fait mention, fut le premier de la cour d’Auguste, qui y fit connoître les catégories d’Aristote, par un commentaire qu’il en fit, dont Simplicius parle avec éloge.

Plutarque dit aussi que Nicolas de Damas, grand péripatéticien & fort aimé de l’Empereur, lui fit connoitre Aristote par les livres qu’il fit sur sa doctrine, dont ce prince ne profita pas beaucoup, parce qu’il n’étoit alors touché que des vers de Virgile & de ceux d’Horace. Strabon dit que du tems d’Auguste, deux autres philosophes nommés Zénarque & Athénée, tous deux de Séleucie, vinrent à Rome pour y enseigner la philosophie d’Aristote, que Zénarque avoit déjà professée à Athènes & à Alexandrie : car tous les habiles gens venoient alors à Rome pour s’y faire connoitre comme j’ai déjà dit. Il n’y eut aucun philosophe sectateur d’Aristote qui s’y acquît de la réputation sous les règnes de Tibère, de Caligula, de Claude, &c.

Néron eut un péripatéticien pour précepteur, nommé Alexandre d’Egée, comme dit Suidas. Mais ce philosophe n’eut pas le crédit de rendre la doctrine d’Aristote fort considérable dans une cour, où Burrhus & Sénèque qui étoient stoïciens l’un & l’autre, avoient tant de pouvoir. Il y eut toutefois un certain Adraste qui travailla sur les écrits d’Aristote pour arranger les livres de sa philosophie, & pour mettre les chapitres dans leur ordre naturel : mais son ouvrage s’est perdu.

Sotion qui fut précepteur de Senèque, avoit abandonné avec Sofigenés & Hermippus, la doctrine de Platon, pour suivre celle d’Aristote. Quoi que l’esprit d’intrigue régna fort parmi les gens de qualité, sous les empereurs suivans, it se trouva toutefois dans la cour da Vitellius, un sage nommé Helvidius Priscus qui s’appliqua fort à la Philosophie : non pas, dit Tacite (1), pour s’en faire un spécieux prétexte d’oisiveté & de paresse comme les autres : mais pour s’affermir l’âme contre les divers événemens de la fortune, que la cruauté des empereurs avoir rendus fort fréquens. Ce fut le parti que prirent avec lui Pétus, & son gendre Thraséas, qui avoient l’ame trop grande, pour souffrir l’infamie du gouvernement sans en murmurer.

(1) Ingenium illustre altioribus fludiis Helvidius dedit : non ut plerique magnifico Philorophiae nomine segne otium velaret, sed quo firmior adversus fortuite, remipub. capesseret. Tac. 4. hist.

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