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ARI ARI 223

distingué par son goût pour les lettres, fut Al-manzor, fondateur de Bagdad, de la famille de Ben-Abas, qui commença à régner l’an de l’égyre 137 & de JESUS-CHRIST 755. Il joignit à l’étude de la loi, c’est-à-dire de l’alcoran, qui étoit la seule étude de ses prédécesseurs, celle de la Philosophie & de l’Astronomie.

Le Calife Abdalla qui commença à régner en l’année 515, envoya des ambassadeurs à l’empereur de Constantinople, pour lui demander des livres de toutes les sciences, qu’il fit ensuite traduire dans sa langue, afin d’exciter parmi ses peuples l’amour des lettres & de l’étude : ses soins ne furent pas inutiles, car il s’éleva sous son règne plusieurs philosophes & de fort habiles médecins.

Il se trouve quelques historiens arabes, qui disent que Mahomet défendit par sa loi l’étude des lettres, pour mettre à couvert les absurdités de sa religion, sous l’ignorance dont elle faisoit profession ; mais le Calife Almamon ou Maïmon réveilla l’amour des lettres, à l’occasion d’un spectre qui lui apparut la nuit sous la figure d’Aristote, qui l’excita à l’étude de la Philosophie. Ce Calife ayant vaincu l’empereur Michel, dans les conditions de paix demanda la communication de leurs livres. Ce fut lui qui, au rapport de Scaliger, fit traduire en sa langue l’Almageste de Ptolornée pour apprendre à ses sujets l’Astronomie.

C’est ainsi que les sciences qui étoient passées de Grèce en Italie, passèrent d’Italie en Afrique, aussi bien que la domination, qui dura jusques à l’an 1258, auquel temps Bagdad fut prise par les tartares : cet amour des sciences continua encore sous les rois d’Egypte, de Fez & de Maroc : & ces siècles qui furent ceux de l’ignorance en Europe, furent des siècles sçavans en Afrique & en Egypte : car dans tous ces temps-là il te forma une foule de philosophes, qui répandirent par leurs commentaires la doctrine d’Aristote dans l’Afrique, où elle n’étoit pas encore connue.

Les plus célèbres de ces philosophes furent Al-farabius, Algazel, Albumazar, Maimonidés, Al-kindus, Albefager, Albencini ou Avicenne, & Averroés.

Alfarabius ayant trouvé en Mésopotamie les livres de la Physique d’Aristote, il les lut quarante fois de suite ; & après les avoir lus tant de fois, il écrivit à la fin qu’il étoit prêt de les lire encore.

Avicenne & Averroés se signalèrent plus que les autres, non seulement par leurs commentaires, mais encore par la passion qu’ils firent éclater dans leurs écrits pour la personne, autant que pour la doctrine d’Aristote & ils lui donnérent par-là tant d’autorité, qu’il s’établit des universités pour enseigner la Philosophie d’Aristote à Constantinople, à Tunis, à Tripoly, à Fez, à Maroc. Pic de la Mirande assure que les Arabes firent tant de cas des livres d’Aristote, quand ils en eurent connu le prix, qu’ils abandonnèrent tous les autres. On dit qu’Avicenne apprit par cœur les livres de la Métaphysique, par une suite de l’enthousiasme que lui inspiroit cet ouvrage d’Aristote, un de ceux qu’il estimoit le plus.

Tel fut l’état où ces peuples mirent la doctrine, de ce philosophe dans les lieux où ils commandoient pendant les cinq cens ans qu’ils furent les maîtres du monde : car ils étendirent leurs conquêtes jusques en Espagne, où les maures portèrent aussi cet esprit. lls établirent un college à Cordoue, qui devint encore plus florissant dans les siècles suivans ; & les Espagnols apportèrent en France les commentaires d’Avicenne & d’Averroés, sur la philosophie d’Aristote, qui y étoit déja un peu connue ; mais qui par les disserens goûts des derniers siècles, y avoit eu une destinée & des révolutions assez étranges, aussi bien qu’en Italie.

Les livres d’Aristote ayant été apportés en France dès le commencement du treizième siècle, par les François qui prirent Constantinople, on commença à enseigner sa doctrine publiquement dans l’université de Paris, ce qui dura quelque temps. Mais il se trouva dans cette université un brouillon, nommé Amaury, qui voulant soutenir ses extravagances par les principes d’Aristote qu’on commençoit a enseigner, & dont il avoit lu la physique, fut condamné comme coupable d’hérésie par un concile qui se tint au même lieu, l’an douze cens neuf : les livres. d’Aristote furent brûlés, & la lecture en fut défendue sous peine d’excommunication. A la vérité ce prétendu docteur avançoit de grandes absurdités ; par exemple, que Dieu servoit de forme à la matière de tous les êtres naturels, que cette matière étant incréée, étoit divine, & de semblables visions. On imputa ces erreurs à Aristote, de qui il en avoit pris les principes à ce qu’on prétendoit, parce qu’on ne le connoissoit pas encore.

Depuis, sa métaphysique fut condamnée par, cette assernblée d’évêques qui se tint à Paris sous Philippe Auguste ; & six ans après, le cardinal de Saint-Etienne, envoyé en France par le pape Innocent III, en qualité de légat, défendit aux professeurs de l’université d’enseigner sa physique ; ce qui fut confirmé 16 ans après par une bulle de Grégoire IX, adressée à l’université de Paris. Simon de Tourné, très-célèbre professeur de théologie de la même université, & Pierre de Dinant, maître és-arts, furent accusés d’hérésie peu de temps après, pour s’être aussi trop attachés aux sentimens d’Aristote.