Page:Encyclopédie méthodique - Philosophie - T1, p1, A-B.djvu/259

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ARI ARI 227

remarque dans son latin un tour grec, & qu’il se montre un peu trop imbu des opinions de son siècle. Cosme de Médicis se joignit au cardinal Bessarion pour lui faire du bien. Comblé de leurs bienfaits, il auroit pu mener une vie agréable & cpmmode : mais l’économie ne fut jamais son défaut ; l’avidité de certains petits grecs & des Brutiens ne lui laissa jamais de quoi parer aux coups de la fortune. Il fut réduit à une extrême pauvreté ; & ce fut alors que pour soulager sa misère, il traduisit l’histoire des animaux, dont j’ai parlé. Il la dédia à Sixte IV. Toutes les espérances de sa fortune étoient fondées sur cette dédicace : mais il fut bien trompé ; car il n’en eut qu’un présent d’environ cent pistoles. Il en conçut une si grande indignation, & fut si outré que de si penibles & si utiles travaux fussent aussi mal payés, qu’il en jetta l’argent dans le Tibre. Il revint chez les Brutiens, où il serait mort de faim, si le duc de Ferrare ne lui avait pas donné quelques secours. Il mourut peu de temps après, dévoré par le chagrin laissant un exemple mémorable des revers de la fortune.

Géorge de Trébizonde s’adonna, ainsi,que Gaza, à la philosophie des péripatéticiens. Il etoit crétois de naissance, & ne se disoit de Trébizonde que parce que c’étoit la patrie de ses ancêtres paternels. Il passa en Italie pendant la tenue du concile de Florence, & lorsqu’on traitait de la réunion des grecs avec les latins. Il fut d’abord à Venise, d’où il passa à Rome, & y enseigna la rhétorique & la philosophie. Ce fut un des plus zélés défenseurs de la philosophie péripateticienne ; il ne pouvoit sonffrir tout ce qui y donnoit la moindre atteinte. Il écrivit avec beaucoup d’aigreur & de fiel contre ceux de son temps qui suivoient la philosophie de Platon. Il s’attira par là beaucoup d’ennemis. Nicolas V, son protecteur désaprouva sa conduite malgré la pente qu’il avait pour la philosophie d’Aristote. Son plus redoutable adversaire, fut ce cardinal, Bessarion qui prit la plume contre lui, & le réfuta sous le nom de calomniateur de Platon. Il eut pourtant un ennemi encore plus à craindre que le cardinal Bessarion ; ce fut la misère & la pauvreté : cette dispute malheureusement pour lui, coupa tous les canaux par où lui venoient les vivres.

La plume d’un savant, si elle ne doit point être dirigée par les gens riches,.doit au moins ne pas leur être désagréable : il faut d’abord assurer sa vie avant de philosopher ; semblables en cela aux astronomes qui, quand ils doivent extrêmement lever la tête pour observer les astres, assurent auparavant leurs pieds. Il mourut ainsi, martyr du péripatétisme. La postérité lui pardonne plus aisément ses injures contre les platoniciens de son temps, que son peu d’exactitude dans ses traductions : en effet, l’attention, l’érudition, & qui plus est la bonne foi manquent dans ses traductions des loix de Platon, & de l’histoire des animaux d’Aristote. Il prenoit même souvent la liberté d’ajouter au texte, de le changer, ou d’omettre quelque chose d’intéressant comme on peut s’en convaincre par la tradudion qu’il nous a donnée d’Eusèbe.

On a pu voir jurqu’ici que les savans étaient partagés à la renaissance des lettres entre Platon & Aristote. Les deux partis se firent une cruelle guerre : les sectateurs de Platon ne pûrent souffrir que leur maître le divin Platon, trouvât un rival dans Aristote : ils pensoient que la seule barbarie avait pu donner l’empire à sa philosophie, & que depuis qu’un nouveau jour luisoit sur le monde savant, le péripatéticisme devoit disparoître.

Les péripatéticiens, de leur côté, ne défendoient pas leur maître avec moins de zèle : on fit des volumes de part & d’autre, où vous trouverez plus aisément des injures que de bonnes raisons ; en sorte que si dans certains vous changiez le nom des personnes, au lieu d’ètre contre Aristote, vous les trouveriez contre Platon ; & cela parce que les injures sont connnunes à toutes les sectes, & que les défenseurs & les aggresseurs ne peuvent différer entre eux, que lorsqu’ils donnent des raisons.

Des Philosophes récens Arstotélico-Scholastiques.

Les disputes de ces savans atrabilaires dont nous venons de parler, n’apprenaient. rien au monde : elles paroissoient, au contraire, devoir le replonger dans la barbarie d’où il étoit sorti depuis quelque temps. Plusieurs savans firent tous leurs efforts pour détourner ceux qui s’adonnaient à ces misérables subtilités scholastiques, qui consistent plus dans les mots que dans les choses. Ils développèrent avec beaucoup d’art la vanité de cette méthode. Leurs leçons en corrigèrent quelques-uns ; mais il restait un certain levain qui se fit sentir pendant long-temps. Quelques théologiens même gâtèrent leurs livres, en y mêlant de ces sortes de subtilités de bons raisonnemens qui font d’ailleurs connoître la solidité de leur esprit. Il arriva ce qui arrive toujours, on passe d’une extrémité à une autre : on voulut se corriger de ne dire que des mots, & on voulut ne dire que des choses, comme si les choses pouvoient se dire clairemenç, sans suivre une certaine méthode.

C’est l’extrémité où donna Luther ; il voulut bannir toute scholastique de la théologie. Jérome Auguste, docteur de Paris, s’éleva contre lui, & lui démontra que ce n’étoit pas les syllogifmes qui par eux-mêmes étaient mauvais, mais l’usage

F f2