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PRÉLIMINAIRE

D’ailleurs, il ne faut pas le dissimuler : toutes les religions connues ayant une origine commune, doivent nécessairement finir toutes de la même manière, c’est-à-dire, être regardées un peu plutôt, un peu plus tard, comme des espèces de mythologies, &, comme telles, exercer un jour la sagacité de quelque érudit qui voudra recueillir ces tristes débris d’une partie des folies humaines, & connoître les causes de la plupart des maux qui ont désolé la terre, & des crimes qui l’ont souillée. En considérant sous ce point de vue très-philosophique ces différens dogmes ou articles de foi dont l’ensemble s’appelle aujourd’hui religion, & demain un conte absurde, il est évident que rien ne seroit plus ridicule que de traiter la théologie chrétienne comme une science positive, & de ne pas lire le sort qui l’attend dans celui qu’ont éprouvé successivement tous les systêmes religieux. Il n’y a donc qu’une seute manière raisonnable de juger d’une religion actuellement établie & consacrée chez un peuple, c’est de se transporter tout-à-coup à sept ou huit cents ans, plus ou moins, du siècle où l’on écrit, de consulter alors les lignes impartiales de l’histoire, & d’en parler comme elle.

Diderot comparoit les philosophes dans leurs cabinets, à ces sçeaux suspendus dans les vestibules de nos commissaires, tout prêts à verser de l’eau dans les incendies du fanatisme. C’est sur-tout aujourd’hui que ce monstre lève sa tête hideuse[1], qu’il est de leur devoir de le fouler aux pieds. En arrêtant ses ravages aussi rapides, aussi destructeurs que ceux d’un torrent qui a rompu ses digues, ils remplissent leur mission, & deviennent les bienfaiteurs de l’humanité. Il y a des animaux sujets dans le premier âge de leur vie à une maladie qu’ils se communiquent entre-eux, & qui s’appelle gourme : la superstition, également contagieuse est la gourme des hommes ; il faut de même qu’ils la jettent de bonne heure pour de-


    & voulant enfin tarir la source de ces maux, les représentans de la nation décrètent, comme loi constitutionnelle de l’état, le culte établi dans l’isle de Ternate, Il se réduisoit à ce qui suit :

    Il y avoit dans cette isle un temple, au milieu duquel s’élevoit une pyramide. La porte du temple s’ouvroit à certains jours ; le peuple accouroit & se prosternoit devant la pyramide sur laquelle on lisoit : ADORE DIEU ; AIME TON PROCHAIN, ET OBÉIS À LA LOI. Le prêtre, muet, montroit avec une baguette les mots écrits sur la pyramide. Cela fait, le peuple se relevoit, s’en alloit, les portes du temple se fermoient, & tout l’office divin étoit achevé.

    Si vous ne pouvez pas instituer la religion simple de l’isle de Ternate, disoit un philosophe, ayez en le prêtre ; coupez lui la langue.



  1. ………… Gravi sub relligione
    Quæ caput à cœli regionibus ostendebat,
    Horribili super aspectu mortalibus instans.

    Lucret. de rer. nat. L. i.