Page:Encyclopédie méthodique - Philosophie - T1, p2, C-COU.djvu/142

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’horreur & la crainte, & dont par conséquent la notion eft mêlée de puissance & de malignité, leur parut un dénouement aussi heureux que simple. Comme ils avoient attaché à l’être-lumière toutes les notions du bon, ils attachèrent à l’être-ténèbre toutes les notions du mauvais. Moïse, parlant de la lumière & des ténèbres, leur avoit assigné à chacune, dans l’espace, un domaine séparé : Divisit lucem & tenebras. De ce fonds donné, ils firent deux masses de substances contraires, deux genres de cause qui, marchant en sens contraire dans la nature, montroient l’empreinte de leur activité dans tous les êtres, où il paroissoit un mélange de bien & de mal.

Cette duplicité de principes métaphysiques sembla se confirmer par ce qu’il y a de plus sensible dans toute la nature, par le jour & par la nuit. Le soleil roi de l’un, la lune reine de l’autre, marquèrent nettement les deux empires. Bientôt on fit de ces deux astres deux Dieux, qui eurent leurs temples, leurs autels, leur culte. (Voyez l’art. Belbuch & Zeombuch).

La même division se porta sur les planètes, auxquelles on attribua un pouvoir bien ou malfaisant, selon les caractères qu’on crut remarquer dans la couleur & les degrés de leur lumière. Enfin on alla jusqu’à s’imaginer que les phases, les aspects reciproques, les levers, les couchers, les rencontres des corps célestes, étoient le livre de l’avenir. On inventa un art pour interpréter les pronostics du bonheur & du malheur ; & on vint en tremblant, l’or à la main, aux pieds des prêtres, dépositaires de cette science, demander les arrêts du sort, dont on leur croyoit l’intelligence & la clef. Voilà en deux mots l’histoire de la philosophie ou plutôt de la théologie des Chaldéens. L’erreur commença par la distinction si naturelle de la lumière & des ténèbres : la superstition & l’intérêt firent le reste[1].

Cependant, & il est essentiel de le dire ici, les savans conviennent assez unanimement, qu’il y avoit selon les Chaldéens, au-dessus de cette lumière opposée aux ténèbres, une autre lumière, principe unique, seul Dieu suprême, qu’ils appelloient lumière incréée, lumière par excellence, pour la distinguer de cette autre substance secondaire, qui figuroit avec les ténèbres.

On ne me demandera pas, je crois, des explications détaillées de la manière dont les anciens Chaldéens développoient ces dogmes, & les concilioient les uns avec les autres. On sait que tous les monumens de l’antiquité profane sont trop modernes pour nous en fournir. Nous pouvons seulement dire en général, que l’idée si naturelle de l’unité qui s’est conservée dans tout l’orient & qui y a décidé de la forme des gouvernemens toujours monarchiques dans cette partie du monde a du se conserver chez les Chaldéens plus qu’ailleurs, à cause du voisinage des Hébreux, auxquels ils touchoient. Si les Perses qui étoient plus éloignés des Hébreux admettoient, outre les deux principes secondaires, un conciliateur suprême, maître des deux autres, comme nous le prouverons ailleurs (Voyez Perses (philosophie des) ; à plus forte raison doit-on faire honneur de ce dogme si [illisible] à cette portion de l’Asie qui a eu dans les commencemens la plus grande réputation de sagesse & de piété. (Voyez l’histoire des causes premières).

CHAVARIGTES, s. m. pl. (Hist. des superstitions modernes) hérétiques mahométans opposés aux Scythes. Ils nient l’infaillibilité de la prophétie de Mahomet, soit en elle-même, soit relativement à eux ; parce qu’ils ne savent, disent-ils, si cet homme étoit inspiré, ou s’il le contrefaisoit ; que, quand ils seroient mieux instruits, le don de prophétie, n’ôtant point la liberté, leur prophète est resté maitre pendant l’inspiration de l’altérer & de substituer la voix du mensonge à celle de la vérité ; qu’il y a des faits dans l’alcoran qu’il étoit possible de prévoir ; qu’il y en a d’autres que le tems a dû amener nécessairement ; qu’ils ne peuvent démêler dans un ouvrage aussi mêlé de bonnes & de mauvases choses, ce qui est de Mahomet & ce qui est de Dieu ; & qu’il est absurde de supposer que tout appartienne à Dieu ; ce que les chavarigtes n’ont point de peine à démontrer par une infinité de passages de l’alcoran, qui ne peuvent être que d’un fourbe & d’un ignorant. Ils ajoutent que la prophétie de Mahomet leur étoit superflue, parce que l’inspection de l’univers leur annonçoit mieux que tout son enthousiasme, l’existence & la toute-puissance de Dieu ; que quant à la loi établie avant lui, le don de prophétie n’ayant nulle liaison avec elle, elle n’a pû lui accorder le droit de lui en substituer une autre que ce que leur prophète a révélé de l’avenir a pu être de Dieu, mais que ce qu’il a dit contre la loi antérieure à la sienne, étoit certainement de l’homme ; & que les prophètes qui l’ont précédé, l’ont décrié, comme il a décrié ceux qui viendroient après lui comme ceux-ci décrieront ceux qui les suivront : enfin ils prétendent que si la fonction de prophète devient un jour nécessaire, ce ne sera point le privilége de quelques-uns d’entr’eux ; mais que tout homme juste pourra être élevé à cette dignité. Voilà les contestations qui déchirent & qui déchireront les hommes qui auront eu le malheur d’avoir un méchant pour législateur, que Dieu abandonnera à leurs déréglemens, qu’il n’éclairera point de la

  1. Voy. Stanlei & Bruker.