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En quelque temps que Fo-hi ait régné, il paroît avoir fait dans la Chine, plutôt le rôle d’un Hermès ou d’un Orphée, que celui d’un grand philosophe, ou d’un savant théologien. On raconte de lui qu’il inventa l’alphabet & deux instrumens de musique, l’un à vingt-sept cordes, & l’autre à trente-six. On a prétendu que le livre Ye-Kim, qu’on lui attribue, contenoit les secrets les plus profonds ; & que les peuples qu’il avoit rassemblés & civilisés, avoient appris de lui qu’il existoit un Dieu, & la manière dont il vouloit être adoré.

Cet Ye-Kim est le troisième de Lu-Kim ou du recueil des livres les plus anciens de la Chine. C’est un composé de lignes entières & de lignes ponctuées, dont la combinaison donne 64 figures différentes. Les Chinois ont regardé ces figures comme une histoire emblématique de la nature, des causes de ses phénomènes, des secrets de la divination, & je ne sais combien d’autres belles connoissances, jusqu’à ce que Leibnitz ait déchiffré l’énigme, & montré à toute cette Chine si pénétrante, que les deux lignes de Fo-hi n’étoient autre chose que les élémens de l’arithmétique binaire. Il n’en faut pas pour cela mépriser davantage les Chinois ; une nation très-éclairée a pu, sans succès & sans deshonneur, chercher pendant des siècles entiers ce qu’il étoit réservé à Leibnitz de découvrir.

L’empereur Fo-hi transmit à ses successeurs sa manière de philosopher. Ils s’attachèrent tous à perfectionner ce qu’il passe pour avoir commencé, la science de civiliser les peuples, d’adoucir leurs mœurs, & de les accoutumer aux chaînes utiles de la société. Xin-num fit un pas de plus. On reçut de lui des préceptes d’agriculture, quelques connoissances des plantes, les premiers essais de la médecine. Il est très-incertain si les Chinois étoient alors idolatres, athées ou déistes. Ceux qui prétendent démontrer qu’ils admettoient l’existence d’un dieu tel que nous l’adorons, par le sacrifice que fit Chin-Gtang dans un tems de famine, n’y regardent pas d’assez près.

La philosophie des souverains de la Chine paroît avoir été long-tems toute politique & morale, à en juger par le recueil des plus belles maximes des rois Yao, Xum & Yu : ce recueil est intitulé, U-Kim ; il ne contient pas seulement ces maximes : elles ne forment que la matière du premier livre qui s’appelle Xu-Kim.

Le second livre, ou le Xi-Kim, est une collection de poëmes & d’odes morales.

Le troisième est l’ouvrage linéaire de Fo-hi dont nous avons parlé.

Le quatrième, ou le Chum-cicu, ou le printemps & l’automne, est un abrégé historique de la vienne plusieurs princes, où leurs vices ne sont pas déguisés.

Le cinquième, ou le Li-Ki, est une espèce de rituel, où l’on a joint à l’explication de ce qui être observé dans les cérémonies profanes & sacrées, les devoirs des hommes en tout état, au tems des trois familles impériales, Hia, Sam & Cheu.

Conficius se vantoit d’avoir puisé ce qu’il connoissoit de plus sage dans les écrits des anciens rois Yao & Xum.

L’U-Kim est à la Chine le monument littéraire le plus saint, le plus sacré, le plus authentique, le plus respecté. Cela ne l’a pas mis à l’abri des commentateurs ; ces hommes, dans aucun tems, chez aucune nation, n’ont rien laissé d’intact. Le commentaire de l’U-Kim a formé la collection, Su-Xu. Le Su-Xu est très-estimé des Chinois, il contient la scientia magna, le medium sempiternum, les ratiocinantium sermones, & l’ouvrage de Mencius de natura, moribus, ritibus & officiis.

On peut regarder la durée des règnes des rois philosophes, comme le premier âge de la philosophie chinoise. La durée du second âge où nous allons entrer, commence à Roosi ou Li-lao-Kium, & finit à la mort de Mencius. La Chine eut plusieurs philosophes particuliers long-tems avant Confucius. On fait sur-tout mention du Ro-osi ou Li-lao-Kium. Lao-la naquit 346 ans après Xo kia, ou 504 avant J. C., à Zo-ko-ki, dans la province de Soo. Sa mère le portât 81 ans dans son sein ; il passe pour avoir reçu l’ame de Sancti-Kasso, un des plus célèbres disciples de Xe-kia, & pour être profondément versé dans la connoissance des dieux, des esprits, de l’immortalité des ames, &c. Jusqu’alor la philosophie avoit été morale. Voici maintenant de la métaphysique, & à sa suite des sectes, des haines & des troubles.

Confucius ne paroît pas avoir cultivé beaucoup cette espèce de philosophie ; il faisoit trop de cas de celle des premiers souverains de la Chine. Il naquit 451 ans avant J. C., dans le village de Cet ye, aux royaume de Xan-tung. Sa famille étoit illustre : sa naissance fut miraculeuse, comme on pense bien. On entendit une musique céleste autour de son berceau. Les premiers services qu’on rend aux nouveaux nés, il les reçut de deux dragons. Il avoit à six ans la hauteur d’un homme & la gravité d’un vieillard. Il se livra à quinze ans à l’étude de la littérature & de la philosophie. Il étoit marié à vingt ans. Sa sagesse l’éleva aux premières dignités ; mais inutile, odieux peut-être, & déplacé dans une cour voluptueuse & débauchée, il la quitta pour aller dans le royaume de Sum, instituer une école de philosophie morale.