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Cette école fut nombreuse ; il en sortit une foule d’hommes habiles & d’honnêtes citoyens.

Sa philosophie étoit plus en action qu’en discours. Il fut chéri de ses disciples pendant sa vie ; ils le pleurèrent long-tems après sa mort. Sa mémoire & ses écrits sont dans une grande vénération. Les honneurs qu’on lui rend encore aujourd’hui, ont excité entre nos missionnaires les contestations les plus vives. Ils ont été regardés par les uns comme une idolâtrie incompatible avec l’esprit du christianisme ; d’autres n’en ont pas jugé si sévérement. Ils convenoient assez les uns & les autres, que si le culte qu’on rend à Confucius étoit religieux, ce culte ne pouvoit être toléré par des chrétiens : mais les missionnaires de la compagnie de Jésus ont toujours prétendu qu’il n’étoit que civil.

Voici en quoi le culte consistoit. C’est la coutume des Chinois de sacrifier aux ames de leurs parens morts : les philosophes rendent ce devoir particulièrement à Confucius. Il y a proche de l’école Confucienne un autel consacré à sa mémoire, & sur cet autel l’image du philosophe avec cette inscription : C’est ici le trône de l’ame de notre très-saint & très-excellent premier maître Confucius. Là s’assemblent les lettrés, tous les équinoxes, pour honorer, par une offrande solemnelle, le philosophe de la nation. Le principal mandarin du lieu fait la fonction de prêtre, d’autres lui servent d’acolytes ; on choisit le jour du sacrifice avec des cérémonies particulières ; on se prépare à ce grand jour par des jeûnes. Le jour venu, on examine l’hostie, on allume des cierges, on se met à genoux, on prie ; on a deux coupes, l’une pleine de sang, l’autre de vin ; on les répand sur l’image de Confucius ; on bénit les assistans, & chacun se retire.

Il est très-difficile de décider si Confucius a été le Socrate ou l’Anaxagore de la Chine : cette question tient à une connoissance profonde de la langue ; mais on doit s’appercevoir par l’analyse que nous avons faite plus haut de quelques-uns de ses ouvrages, qu’il s’applique davantage à l’étude de l’homme & de ses mœurs, qu’à celle de la nature & de ses causes.

Mencius parut dans le siècle suivant. Nous passons tout de suite à ce philosophe, parce que le Ro-osi des Japonais est le même que le Li-lao-kium des Chinois, dont nous avons parlé plus haut. Mencius a la réputation de l’avoir emporté en subtilité & en éloquence sur Confucius ; mais de lui avoir beaucoup cédé par l’innocence des mœurs, la droiture du cœur, & la modeste des discours.

Toute littérature & toute philosophie furent presque étouffée par Xi-hoamli qui règna trois siècles après celui de Confucius. Ce prince jaloux de ses prédécesseurs, ennemi des savans, oppresseur de ses sujets, fit brûler tous les écrits qu’il put recueillir, à l’exception des livres d’agriculture, de médecine & de magie. Quatre cens soixante savans qui s’étoient réfugiés dans des montagnes avec ce qu’ils avoient pu emporter de leurs bibliothèques, furent pris & expirèrent au milieu des flammes. D’autres à-peu-près en même nombre, qui craignirent le même sort, aimèrent mieux se précipiter dans les eaux du haut des rochers d’une isle où ils s’étoient renfermés. L’étude des lettres fut proscrite sous les peines les plus sévères : ce qui restoit des livres fu négligé ; & lorsque les premiers de la famille des Han s’occupèrent du renouvellement de la littérature, à peine put-on recouvrer quelques ouvrages de Confucius, & de Mencius. On tira des crevasses d’un mur, un exemplaire de Confucius, à demi-pourri ; & c’est sur cet exemplaire défectueux qu’il paroît qu’on a fait des copies qui l’ont multiplié.

Le renouvellement des lettres peut servir de date à la troisième période de l’ancienne philosophie chinoise.

La secte de Foë se répandit alors dans la Chine & avec elle l’idolâtrie, l’athéisme, & toutes sortes de superstitions ; ensorte qu’il est certain que l’ignorance dans laquelle la barbarie de Xi-hoamli avoit plongé ce peuple, fut l’unique & véritable cause des erreurs dont ils furent infectés. Voyez à l’article de la Philosophie des Japonois, l’histoire de la philosophie de Xekia, de la secte de Roosi, & de l’idolâtrie de Foë. Cette secte fut suivie de celle des quiétistes ou Un-guei-kiao, nihil agentium.

Trois siècles après la naissance de J. C. l’empire fut plein d’une espèce d’hommes qui s’imaginèrent être d’autant plus parfaits, c’est-à-dire, selon eux plus voisins du principe aérien, qu’ils étoient plus oisifs. Ils s’interdisoient, autant qu’il étoit en eux, l’usage le plus naturel des ses. Ils se rendoient statues pour devenir air : cette dissolution étoit le terme de leur espérance, & la dernière récompense de leur inertie philosophique. Ces quiétistes furent négligés pour les Fan-kin ; ces épicuriens dans le cinquième siècle. Le vice, la vertu, la providence, l’immortalité, &c. étoient pour ceux-ci des mots vuides de sens. Cette philosophie est malheureusement trop commode pour cesser promptement ; il est d’autant plus dangereux que tout un peuple soit imbu de ses principes.

On fait commencer la philosophie chinoise du moyen âge aux dixième & onzième siècles ; sous les deux philosophes Cheu-cu & Chim-ci. Ce furent deux polythéistes, selon les uns, deux athéistes selon les autres, deux théistes selon quelques-uns