& qu’ils ne l’ont distingués que par les parties plus grandes ou plus petites de leur résidence.
5o. Qu’ils sont tous en vie, sans intelligence, sans liberté.
6o. Qu’ils reçoivent des sacrifices seulement selon la condition de leurs opérations & des lieux qu’ils habitent.
7o. Que ce sont des opérations de la substance universelle qui ne peuvent être séparées des êtres où on les suppose, sans la destruction de ces êtres.
26. Il y a des esprits de génération & de corruption qu’on peut appeller esprits physiques, parce qu’ils sont causes des effets physiques ; & il y a des esprits de sacrifices qui sont, ou bien, ou mal-faisans à l’homme, & qu’on peut appeller politiques.
27. La vie de l’homme consiste dans l’union convenable des parties de l’homme, qu’on peut appeller l’entité du ciel & de la terre ; l’entité du ciel est un air très-pur, très-léger, de nature ignée qui constitue l’Hoen, l’ame ou les esprits animaux ; l’entité de la terre est un épais, pesant, grossier, qui forme le corps & ses humeurs, & s’appelle Pe, corps ou cadavre.
28. La mort n’est autre chose que la séparation de Hoen & de Pe, chacune de ces entités retourne à sa source, Hoen au ciel, Pe à la terre.
29. Il ne reste après la mort que l’entité du ciel & l’entité de la terre, l’homme n’a point d’autre immortalité ; il n’y a proprement d’immortel que Li.
On convient assez de l’exactitude de cette exposition ; mais chacun y voit, ou l’athéisme, ou le déisme, ou le polythéisme, ou l’idolâtrie, selon le sens qu’il attache aux mots ; ceux qui veulent que le Li des Chinois ne soit autre chose que notre Dieu, sont bien embarrassés quand on leur objecte que ce Li est rond ; mais de quoi ne se tire-t-on pas avec des distinctions ? Pour disculper les lettrés de la Chine du reproche d’athéisme & d’idolâtrie, l’obscurité de la langue prêtoit assez ; il n’étoit pas nécessaire de perdre à cela tout l’esprit que Leibnitz y a mis.
Si ce systême est aussi ancien qu’on le prétend, on ne peut être trop étonné de la multitude surprenante d’expressions abstraites & générales dans lesquelles il est conçu. Il faut convenir que ces expressions qui ont rendu l’ouvrage de Spinoza si long-tems inintelligible parmi nous, n’auroient guère arrêté les Chinois il y a six ou sept cens ans : la langue effrayante de notre athée moderne est précisément celle qu’ils parloient dans leurs écoles.
Voilà les progrès qu’ils avoient fait dans le monde intellectuel, lorsque nous leur portâmes nos connoissances. Cet événement est l’époque de la philosophie moderne des Chinois. L’estime singulière dont ils honorèrent les premiers Européens qui débarquèrent dans leurs contrées, ne nous donne pas une haute idée des connoissances qu’ils avoient en méchanique, en astronomies & dans les autres parties des mathématiques. Ces européens n’étoient même dans leur corps, que des hommes ordinaires : s’ils avoient quelques qualités qui les rendissent particulièrement recommandables, c’étoit le zèle avec lequel ils couroient annoncer la vérité dans des régions inconnues, au hasard de les arroser de leur propre sang, comme cela est si souvent arrivé depuis à leurs successeurs. Cependant ils furent accueillis ; la superstition si communément ombrageuse s’assoupit devant eux ; ils se firent écouter ; ils ouvrirent des écoles, on y accourut, on admira leur savoir. L’empereur Cham-hy, sur la fin du dernier siècle, les admit à sa cour, s’instruisit de nos sciences, apprit d’eux notre philosophie, étudia les mathématiques, l’astronomie, les méchaniques, &c. Son fils Yong-Tching ne lui ressembla pas ; il relégua à Canton & à Macao les virtuoses européens, excepté ceux qui résidoient à Pekin.
Il nous reste maintenant à faire connoître la philosophie pratique des Chinois : pour cet effet nous allons donner quelques-unes des sentences morales de ce Confucius, dont un homme qui aspire à la réputation de lettré & de philosophe, doit savoir au moins quelques ouvrages entiers par cœur.
1. L’éthique politique a deux objets principaux : la culture de la nature intelligente, l’institution du peuple.
2. L’un de ces objets demande que l’entendement soit orné de la science des choses ; afin qu’il discerne le bien & le mal, le vrai & le faux ; que les passions soient modérées, que l’amour de la vérité & de la vertu se fortifient dans leur cœur, & que la conduite envers les autres soit décente & honnête.
3. L’autre objet est, que le citoyen sache se conduire lui-même, gouverner sa famille, remplir sa charge, commander une partie de la nation, posséder l’empire.
4. Le philosophe est celui qui a une connoissance profonde des choses & des livres, qui pese tout, qui se soumet à la raison, & qui marche d’un pas assuré dans les voies de la vérité & de la justice.