sairement heureux ? N’est-ce pas même une perfection en lui, que de vouloir toujours le mieux ? En effet, si toutes choses lui étoient indifférentes, comme le soutiennent[1] quelques partisans de la liberté, & si elles ne pouvoient devenir bonnes qu’en vertu de son choix, il est évident que ce ne seroit ni ses propres idées ni la nature ou les qualités des choses qui le détermineroit à préférer une de ces choses à l’autre, & que, par conséquent, ses volontés n’auroient aucune cause, aucun motif ;[2] ce qui est absolument impossible dans quelque être que ce soit, & qui répugne à cet axiôme incontestable, que tout ce qui a un commencement doit avoir une cause. Si, au contraire, toutes choses ne sont pas indifférentes à Dieu, il s’ensuit qu’il est nécessairement déterminé par le mieux.[3] Comme d’ailleurs il est souverainement sage, il doit avoir un but, un
- ↑ Le docteur King dans son livre de l’Origine du mal, p. 177.
- ↑ « Quoique Dieu soit l’auteur de la nature & de ces relations que les choses ont entr’elles, cependant les choses étant faites & ayant de certaines relations, le bien & le mal naîtra nécessairement de la nature & des relations des choses mêmes & non pas de la volonté arbitraire de leur auteur. Ainsi la douleur est un mal, quand Dieu déclareroit le contraire : sa décision ne sauroit jamais nous porter à y trouver de l’agrément, parce que nous sommes convaincus par sentiment, qu’il n’y en a point… Si les actions de Dieu sont dirigées par quelque loi, cette loi ne sauroit être autre chose que l’ordre ou la convenance des des choses : &, par conséquent, il ne sauroit être dit agir d’une manière arbitraire ou d’une manière opposée en aucun sens, qu’autant qu’il est lié ou n’est pas lié par la convenance morale des choses. Si la convenance morale des choses est un motif propre à diriger la conduite de Dieu dans un cas, ce motif doit avoir la même influence dans tous les cas, l’efficace en devant être nulle, ou toujours la même… Comme ce qui est juste & convenable dans la nature des choses, devient règle & loi pour nous en tant qu’êtres intelligens : de même dans la nature des choses c’est une règle pour Dieu, c’est-à-dire, il est aussi convenable que Dieu suive cette règle, que quelqu’autre intelligence que ce puisse être. Et par conséquent comme ceci sera toujours la mesure des actions de Dieu, de même il approuvera ou désapprouvera les actions de ces créatures intellgentes à proportion qu’elles auront plus ou moins de convenance avec cette règle. Tellement que la raison pourquoi Dieu aime une action & en hait une autre, n’est pas à cause que l’une est faite pour obéir à ses commandemens, & l’autre non, mais parce que ces actions en elles-même sont des objets propres à être approuvés ou désapprouvés : car comme la valeur de chaque commandement a sa source dans la fin louable, à laquelle ce commandement sert, de même aussi la valeur de l’obéissance doit avoir une origine toute pareille. Quand on fait une chose uniquement parce qu’elle est commandée, il n’y a d’un côté rien de louable dans l’action, & de l’autre il en revient du déshonneur au législateur, parce qu’il paroît que l’action n’a été faite que pour plaire à son humeur fantasque… Voyez les nouveaux essais de Chub déjà cités.
- ↑ « Si Dieu est réellement un être sage & bon, alors il s’ensuit qu’il soutiendra ce caractère dans la conduite qu’il tiendra à l’égard de ses créatures… Il suit que Dieu est toujours en état de faire ce qui en soi-même est le plus estimable & ce qui dans la nature des choses est droit, bon & convenable : connoissant en quoi la convenance, la bonté, & l’excellence de chaque chose consiste. Or il se conduira toujours d’une manière conforme à cette connoissance, parce que ce qui est convenable & bon, est si beau en lui-même & tellement préférable dans la nature des choses au mauvais & non-convenable, que cette considération seule sera un motif suffisant pour déterminer la volonté divine & pour diriger sa conduite à l’égard de ses créatures : car, comme il n’est pas susceptible d’intérêt, il est clair qu’il ne sauroit être porté à agir d’une autre manière. C’est ainsi que je prouve que Dieu se servira toujours de ses propriétés naturelles (de la science & de son pouvoir) pour des desseins de bienfaisance ; car comme Dieu connoît par la nature des choses, que la communication du bonheur est l’usage le plus estimable & le plus noble qu’il puisse faire, cette seule raison suffit toujours pour déterminer un être tel que lui à faire toujours ce qui est le plus louable & le meilleur… Dieu gouverne ses actions par des principes de raison : par où j’entends que, dans la conduite que Dieu tient avec ses créatures il n’agit pas arbitrairement, mais fait de la raison des choses, la règle & la mesure de ses actions. Il a égard à la convenance morale des loix qu’il prescrit, & aux qualités des sujets à qui il dispense des faveurs, ou inflige des peines. Commander ce qui est juste & convenable qu’un être sage & bon commande, & ce qu’il convient que des créatures placées dans les circonstances où nous sommes, fassent, est si excellent en soi-même & si préférable à ce qui lui est contraire, que Dieu sera disposé par la nature des choses à en faire la règle & la mesure de son autorité. Au lieu que, d’un autre côté, gouverner arbitrairement & jouer ainsi le rôle d’un enfant, ou d’un être mauvais est quelque chose de si bas & de si méprisable, que par cela même Dieu aura toujours un éloignement infini à se conduire de cette manière ; de plus aimer & estimer, haïr & mépriser arbitrairement, soit les personnes, soit les choses, sans avoir égard aux qualités des personnes ou des choses, est la plus grande extravagance, au lieu qu’au contraire aimer & estimer ce qui est réellement estimable & aimable en soi, & haïr & mépriser ce qui est véritablement digne de mépris & de haine, est quelque chose de si juste & de si convenable, que par cela même Dieu sera toujours disposé à en faire la règle & la mesure de ses actions. Récompenser & punir arbitrairement sans faire de la convenance des choses & des qualités des sujets, la mesure de ses récompenses & de ses châtimens, est une honteuse injustice. D’un autre côté récompenser & punir suivant des règles de raison, c’est-à-dire, selon que les créatures sont par leurs vertus ou par leurs vices des objets propres d’amour ou de haine, est quelque chose de si juste ou de si convenable, que par cela même Dieu sera toujours disposé à en faire la règle & la mesure de ses actions. Par ce que je viens de dire il paroît que la nature des choses prouve évidemment & certainement, que Dieu est un être sage & bon, qui se propose des fins de