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& une autre qu’ils appelloient[1] Taurunum. Je crois, au-reste, que quelques peuples Getes & Daces appelloient Seath le même dieu que les autres désignoient sous le nom de Tis, ou de Teut. Ce qui m’a fait naître cette pensée, c’est le nom de Seuthalc, ou de Sitalces, que plusieurs de leurs princes portoient avec un nom propre. Jornandès, par exemple, dit,[2] que Diceneus vint en Gothie, sous le regne de Sitalcus Boroïsta, c’est-à-dire, vers le tems de Jules César, dont ce roi des Getes étoit contemporain. Thalc, ou Schalc signifioit, dans la langue Celtique, serviteur. Il me paroit vraisemblable que Sitalcus Boroïsta, est autant que Boroïsta Serviteur de dieu, ou comme on diroit aujourd’hui Boroïsta, par la grace de dieu. Ce qui confirme ma pensée, que je ne donne cependant que pour une simple conjecture, c’est que dans la suite plusieurs princes de la même nation prirent le nom, ou le titre, de[3] Rhoemetalces, ou de[4] Rymetalces, c’est-à-dire de serviteur des Romains, sans doute pour faire leur cours aux empereurs.

Je ne dois pas oublier ici les peuples qui étoient sortis des contrées dont je viens de parler, & qui avoient passé dans l’Asie mineure. De ce nombre étoient les lydiens, les phrygiens, les bithyniens, les mariandins, les cariens, les paphlagoniens, & plusieurs autres dont je donnerai ailleurs le catalogue. Ils vénéroient tous la terre, avec le dieu[5] Atis. Atis, ou As-tis, est le seigneur Tis, que l’on appelloit aussi[6] Pappas, le seigneur & pere, parce qu’on le regardoit comme le pere de l’homme qu’il avoit tiré de la terre. Ces peuples avoient d’ailleurs, sur l’origine de l’homme, une tradition assez semblable à celle des anciens habitans de l’Allemagne. Les Germains célébroient par d’anciens vers le dieu Tuiston issu de la terre, & son fils Mannus, auxquels ils rapportoient l’origine & l’établissement de leur nation.

La Mythologie des phrygiens & des lydiens portoit,[7] que du Dieu suprême, & de la terre, étoient descendus les asii, c’est-à-dire, les seigneurs, les divinités subalternes ; les Atis & les Cotys, c’est-à-dire, les princes ; les Mannil, ou ce qui est la même chose ; les Meones, & les Lydi, c’est-à-dire, les hommes & les peuples. C’est ce qu’on peut voir dans les différens passages que je cite en marge. Il faut seulement remarquer que les grecs, qui nous conservé cette tradition, l’ont défigurée en bien des manières, & qu’ils ont sur-tout commis ici deux fautes considérables.

Premièrement ils ont confondu le dieu Atis, ou Cotis, avec une infinité de princes & de pontifes qui, selon la coûtume de ces peuples, portoient le même nom, les uns parce qu’ils présidoient à son culte, les autres, parce qu’ils prétendoient en tirer leur origine. L’autre faute, que j’ai relevée ailleurs, c’est qu’ils ont rapporté les noms des peuples Celtes, comme, par exemple, ceux de Lydi & de Manni, à quelques anciens rois, qui avoient porté ces noms, & auxquels ils font ordinairement épouser des nymphes, ou des déesses. Ces étymologies sont aussi ridicules que si je disois que les noms d’homme & de peuple viennent de deux princes latins qui s’appelloient Humus & Populus. Quoi qu’il en soit (car il n’est pas possible de déméler parfaitement la vérité des fables dont on l’a enveloppée), on trouvera parmi les peuples Celtes de l’Asie mineure, comme par-tout ailleurs, des noms propres dérivés de celui de Tis,[8] ou de Teut. Les Gallogrecs aussi, qui

  1. Taurunum, Ptolem. ub. sup.
  2. Dehinc regnante in Gothis Sitalco Boroïsta. Diceneus venit in Gothiam. Jornand. cap. 2. p. 626. Thucydide parle aussi d’un roi des Odryses, nommé Sitalces. Thucyd. lib. 2. cap. 29. p. 100.
  3. Rhœmetalces. Tacit. ann. 2. 67. 3. 382. 4. 5 & 47.
  4. Rex Thraciæ Rymethalces. Plutarch. Apopht. T. 2. p. 207. Dio Cass. lib. 54. p. 535. 545. 569.
  5. Virbius est numen conjuctum Dianæ, ut matri Deûm Attis, Veneri Adonis. Servius ad Æneid. 7. vs. 761.

    Matrem Diadymenem, multum venerandam invocates, habitatricem phrygiæ, Titiamque simul & cyllenem. Apollonii Argonaut. lib. 1. vs. 1125. 1126.

    Secutus Menandrum, qui dicit Milesios, cum Rheæ sacra faciunt, una sacrificare Titiæ, & Cylleno, Callistratus autem ait, Titias Heros indigena, quem alii fabulantur Jovis filium, alii majorem natu filtoram Mariandyni Cimerii, per quem gens imprimis augetur & beata fit. Scholiates Apollon ad h. l. p. 118

    Demosthenes pro Ctesiphonte Attis apud Phrygos maxime colitur, tanquam famulus matris Deûm. Quæ cum spectant explicavit Neanthes. Mysticus autem est fermo. Harpoctation in voce alpha tau tau iota sigma p. 54.

  6. Cybele adamavit Attin, qui postea Pappas dictus. Diod. Sic. lib. 3. p. 134.
  7. Ex Jove & Terra, Masnen, qui primus in illa regione regnanti, genitum aiunt. Ex hoc vero & Callithoe, Oceani filia, procreatum Cotyn. Cotys vero qui uxorem duxerat, filiam Tulli terrigenæ Halien, duos fuisse filios, Adyen & Atyn. Ex Aty & Callitheâ, Choræi filiâ, Lydum & Tyrrhenum. Dionys. Halic. lib. 1. p. 21. Atys, Manis filius. Herodot. 1. 94. 4. 45. 7. 74. Voyez aussi Plutarque de Isid. & Osirid. p. 360. & Athénée lib. 4. c. 22.
  8. Cottas Paphlagoniæ præfectus tempore Sadarnapali. Diod. Sic. lib. 2. p. 80. Thyus Paphlagoniæ Præ-