sieurs fois dans le cours de sa vie de prédire certaines choses long-tems avant l’événement ? Les vrais prophêtes sont les bons observateurs ; & la raison n’en reconnoîtra jamais d’autres. Campanella pouvoit avoir perfectionné en lui cette espèce de tact que tous les hommes ont plus ou moins, & qui lui faisoit croire qu’il étoit en correspondance avec les démons ou les génies, & qu’ils lui découvroient l’avenir. Mais toutes les extravagances qu’il a dites à ce sujet, sont les rêves d’un homme qui dort en veillant, qui vigilans stertit), & qui est tout voisin de la folie. Il étoit fortement persuadé que les éclipses annoncent de grands malheurs ; il indique même plusieurs moyens de se soustraire à la prétendue fatalité de ces événemens ; & ses moyens sont aussi ridicules que la terreur qui les lui a fait chercher : car ils consistent, selon lui, à bien fermer sa maison, à y brûler des parfums, à en respirer la vapeur, & à entendre une musique voluptueuse. Il y a mille endroits dans ses ouvrages qui ne peuvent avoir été écrits que dans des accès de délire ou d’un certain enthousiasme qui en a le caractère & même l’expression. Mais pour donner aux lecteurs une idée générale de la philosophie de Campanella nous allons rapporter ici quelques-uns de ses sentimens. Nous écarterons une foule de propositions, qui, débarrassées de ce jargon scholastique dans lequel elles sont énoncées, se réduisent à des notions vagues, absurdes, inconsistantes & fausses ; & nous nous bornerons à ce qui nous a paru, nous ne dirons pas utile, mis plus intelligible, & ce qui est du moins susceptible de quelques sens.
1. La dialectique est l’art ou l’instrument du sage, qui lui enseigne à conduire sa raison dans les sciences.
2. La logique se divise en trois parties, qui répondent aux trois actes de l’entendement, la conception, le jugement, & le raisonnement.
3. La définition n’est pas différente du terme : or, les termes sont ou parfaits, ou imparfaits.
4. Les termes sont les semences, & les définitions sont les principes des sciences.
5. La logique naturelle est une espèce de participation de l’intelligence de Dieu même, par laquelle nous sommes raisonnables : la logique artificielle est l’art de diriger notre esprit par le moyen de certains préceptes.
6. Les termes sont les signes de nos idées.
7. Le genre est un terme qui exprime une similitude essentielle qui se trouve entre plusieurs êtres communs.
8. L’espèce est un terme qui exprime une similitude essentielle entre plusieurs individus.
9. La difference est un terme qui divise le genre, & qui constitue l’espèce.
10. La définition est un terme complexe qui renferme le genre & la différence.
11. Le propre est un terme qui signifie l’état particulier des choses.
12. L’accident est un terme qui signifie ce qui n’est point essentiel à un être.
13. La première substance, qui est la base de tout, & qui ne se trouve dans aucun sujet, c’est l’espace qui reçoit tous les corps : en ce sens, Dieu est une substance improprement dite.
14. La substance est un être fini, réel, subsistant par lui-même, parfait, & le premier sujet de tous les accidens.
15. La quantité, qui est le second prédicament, est la mesure intime de la substance matérielle, & elle est de trois sortes ; le nombre, le poids, & la masse ou la mesure.
16. La division est la réduction d’un tout dans ses parties, soit qu’on regarde le tout comme intégral, ou comme quantitatif, ou comme essentiel, ou comme potentiel, ou comme universel.
17. Les définitions se tirent des choses que nous sentons, & se transportent à celles qui sont insensibles.
18. Il y a plusieurs manières de définir, parce qu’il y a plusieurs manières d’être.
19. Dieu ne peut point être défini, parce qu’il n’a qu’une différence négative.
20. La description est un discours qui indique l’essence d’une chose par des propriétés, par des effets & par des similitudes.
21. Le nom est un terme qui signifie l’essence des choses ; & le verbe est un terme qui signifie l’action des choses.
22. L’argumentation est la chose par laquelle l’esprit va de ce qui lui connu à ce qui lui est inconnu, pour le connoître, le déclarer & le prouver.