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mention. On ne peut cependant douter que la lumière zodiacale n’ait été très-ſouvent viſible depuis cette époque.

« Je ne comprends pas, dit avec raiſon M. de Mairan, par quel ſort un objet, qui touche de ſi près à l’aſtronomie moderne & à la phyſique céleſte, a été négligé juſqu’à ce point par les aſtronomes & par les auteurs météorologistes.» M. de Mairan auroit pu en dire autant des ſiècles & des années, où on s’eſt imaginé que l’aurore boréale n’avoit point paru, parce que les hiſtoires de ces temps n’en préſentoient aucun veſtige.

Ces prétendues interruptions périodiques & ces reprises régulières, que l’illuſtre académicien que nous venons de nommer, a créées pour le beſoin & l’intérêt de ſon ſyſtême, ont ſouvent dépendu des pluies, des nuages & des temps peu favorables, qui ont empêché d’obſerver les apparitions de l’aurore boréale, quelquefois du défaut d’obſervateurs dans certains temps & dans certains lieux ; d’autres fois, ſur-tout avant l’art merveilleux de l’imprimerie, de la difficulté de tranſmettre à la poſtérité les obſervations qui ont été réellement faites.

Une autre cauſe du ſilence des auteurs, eſt que ſouvent on a confondu des aurores boréales tranquilles & de peu d’éclat, avec le crépuſcule perpétuel, qui, pendant l’été, a lieu dans les contrées ſeptentrionales.

La ſuperſtition, les préjugés, l’ignorance de la nature & des cauſes de ce phénomène, ont été encore de nouveaux obstacles, & ont eu bien plus d’influence qu’on ne penſe ſur les hiſtoriens des ſiècles de ténèbres.

Je pourrois rapporter ici un grand nombre de preuves déciſives de ces aſſertions ; néanmoins je me bornerai à une ſeule. M. Jean-Dominique Berando, de Cineo en Piémont, ayant lu dans l’Encyclopédie d’Yverdon, tome IV, page 284, qu’on ne voit preſque jamais d’aurores boréales en Italie, écrivit à M. de Lalande, que depuis quatre ans qu’on avoit établi un obſervatoire dans la tour de Cineo, il en avoit déjà obſervé quatre, ſpécialement le 27 octobre 1772, vers les ſept heures du ſoir. Celle-ci parut juſqu’à dix heures & demie qu’elle fut couverte par un nuage. M. l’abbé Pellegrini l’obſerva de même ; & ils prirent de-là occaſion de lire des mémoires à la ſociété phyſique de Cineo, dans leſquelles ils expliquèrent, par des aurores boréales, bien des phénomènes cités comme des prodiges dans les hiſtoires d’Italie, ainſi que M. Mairan expliquoit les fables de l’olympe & la fée Morgane, &c. Voyez le Journal des ſavans, 1773, page 188.

Avant que ces obſervateurs fuſſent entrés dans cette carrière, pluſieurs aurores boréales dont nous n’avons aucune connoiſſance, avoient paru ſans doute ; & nous ignorerions à jamais les apparitions dont ils ont été témoins, ſans un concours de certaines circonſtances. Lorſque des obſervateurs aſſidus ſe ſont consacrés à l’art des obſervations, on a vu de fréquentes aurores boréales ; & dès que le nombre ou le zèle de ces ſavans ont diminué, elles ont ſemblé paroître plus rarement. Depuis que le P. Cotte s’eſt livré à la météorologie, il a apperçu, chaque année, à Montmorenci un très-grand nombre d’aurores boréales ; dans l’eſpace de dix ans il en obſerva quatre-vingt-ſix, (journal des ſavans, juillet 1778) après, il a continué à en voir ſucceſſivement un grand nombre qu’on auroit cru n’avoir jamais exiſté, s’il n’avoit multiplié ſes veilles.

M. Van Swinden, en 1777, vit trente-ſix aurores boréales bien décidées, & huit autres indéciſes, à Franeker. Muſſchenbroeck en obſerva ſoixante-deux en 1730, &c. &c. Celſius, à Upſal, en 1739, obſerva quarante-ſix aurores boréales, & Euler 29 à Péterſbourg, en 1771, &c. &c.

Plus il y a eu à Paris d’obſervateurs, plus on en a remarqué ; en 1717, on vit dans cette ville ſeize aurores boréales ; les années où les aſtronomes ont été plus laborieux, on a aperçu beaucoup plus d’aurores boréales. Depuis qu’on a établi à l’obſervatoire de Paris de jeunes élèves qui, chaque nuit, ſont en ſentinelle, aucun phénomène de ce genre n’échappe, & on ne trouve plus de ceſſations prétendues périodiques ; au contraire, avant 1616, temps où il y avoit peu d’obſervateurs & où ceux qui existoient, obſervoient rarement, on regardoit cette lumière qu’ils pouvoient quelquefois apercevoir vers le nord, comme un foible météore qu’ils négligeoient ; au contraire, avant 1716, dis-je, il n’eſt fait, par cette raiſon, aucune mention des aurores boréales, ni dans les mémoires de l’Académie des ſciences de Paris, ni dans les tranſactions philoſophiques de Londres.

Cette branche de nos connoiſſances ayant été, depuis peu, preſque par-tout accrue & perfectionnée, les obſervations de ce phénomène ont été auſſi, dans toutes les contrées ſavantes, en rapport avec le nombre des obſervateurs. Si un phyſicien ne faiſoit pas attention à ces circonſtances, il pourroit donner un libre eſſor à ses conjectures, & imaginer, dans ces derniers temps, des ceſſations & des reprises périodiques des aurores boréales ; mais c’eſt ce qu’a fait M. de Mairan qui, dans les ſiècles paſſés, a cru trouver un ordre chronologique de repriſes de l’aurore boréale, & une correſpondance de ces mêmes repriſes avec les accroiſſemens de l’atmoſphère ſolaire, & avec les différentes ſituations du globe terreſtre qui, certainement, n’ont aucun fondement. L’auteur dont nous combattons le ſentiment, auroit dû ſe rappeler une remarque, très-judicieuse qu’il avoit faite. « La plupart des anciens auteurs ont

écrit